Cet article fait partie du dossier : Foncier économique : les travaux du Cerema
Voir les 22 actualités liées à ce dossierCe groupe de travail a été lancé en février 2022 par le Cerema, Intercommunalités de France et l'ANCT, pour identifier les enjeux et répondre aux besoins des acteurs en termes d'études et de méthodes afin de mettre en oeuvre la sobriété foncière tout en assurant le développement économique des territoires.
Cette deuxième session d'échanges a porté plus spécifiquement sur l'observation du foncier économique, première étape pour bâtir des stratégies de sobriété.
Fixer une méthode d’inventaire du foncier économique (Cerema)
Ces dix dernières années, les activités économiques ont représenté un quart de la consommation d’espace, et la consommation dédiée à ces activités est passée de près de 7 800ha à 5500 ha. Cette trajectoire nationale à la baisse, malgré des différences locales, incite à l’optimisme quant aux possibilités d’atteindre l’objectif de Zéro Artificialisation Nette d’ici 2050. Face à la raréfaction croissante du foncier économique renforcée par l’objectif de sobriété foncière, les intercommunalités sont amenées à renforcer leur connaissance de leur foncier et de leur parc immobilier économique.
Un premier élément est l’inventaire des Zones d’Activités Economiques. Cet inventaire est une obligation légale (article 220 et 318-8-2 du code de l’urbanisme) à mener avant le 25/08/2023 et à actualiser tous les six ans. En termes de méthode, la loi impose un état parcellaire des unités foncières, l’identification des occupants et le calcul du taux de vacance des zones d’activité, puis une consultation des propriétaires et occupants des ZAE (de minimum 30 jours) (voir l’article juridique dédié d'Intercommunalités de France).
Pour constituer ces inventaires, les intercommunalités ont à leur disposition différents types de bases (Corine Land Cover, Teruti-Lucas, Fichiers LocomVac, fichiers fonciers de la DGFip, etc…), qui méritent d’être croisées (usages des sols, du bâti, synergies interentreprises (mutualiser de services, d’espaces) et actualisées avec une approche de terrain. Les modalités d’optimisation foncière peuvent par conséquent être appréhendées de différentes manières, selon les objectifs et contextes de chaque territoire.
Ces évolutions questionnent les modes de gestion et de commercialisation du foncier (autorisations d’occupation temporaire, baux à construction, baux emphytéotiques). Elles requièrent une coordination avec le bloc local, voire un interventionnisme intercommunal plus important, notamment pour sécuriser les destinations économiques et les prix de sortie, et répondre dans la durée aux besoins fonciers des industriels.
In fine, si ces inventaires peuvent au départ poser des difficultés en matière d’ingénierie, ils peuvent aussi constituer une opportunité afin de :
- mieux connaitre les marges de manœuvre du territoire en matière de disponibilités foncières,
- formaliser une trajectoire de sobriété,
- de mettre en place des outils de gestion du foncier (documents d’urbanisme, intervention foncière).
Associer observation foncière, fixation d’une trajectoire et mobilisation des documents d’urbanisme : l’exemple de l’Audélor
L’Agence d’urbanisme de Lorient (Audélor) connait depuis plusieurs années une raréfaction de son foncier économique, aboutissant à moins de 20 ha immédiatement disponibles (1,5% du total des terrains, avec souvent des terrains petits).
L'agence a d'abord recensé 2300 terrains (1400 ha), classés dans un système d’information géographique (SIG) selon leur disponibilité et le type d’activité en leur sein, puis croisés avec une démarche de terrain. Pour permettre une planification à terme, une typologie de la demande a également été réalisée afin de comprendre les besoins des entreprises en ZAE (segmentation de la demande selon les besoins en taille, en infrastructures, en connexion aux centre-ville…).
Cette première phase d’observation débouche sur des objectifs et des actions concrètes pour limiter d’un tiers les besoins en foncier (200 ha cessibles à 20 ans contre 333 ha sans intervention de l’Audélor). Pour ce faire, l’Audélor chiffre les disponibilités à venir (gain en intensité sur les ZAE existantes et futures, recyclage), et propose de nouvelles obligations au sein du document d'aménagement artisanal et commercial (DAAC) : afin de préserver la base industrielle du territoire, le commerce ne peut s’implanter que dans centralités et les zones d’activités commerciales (ZACOM), et aucune nouvelle ZACOM ne peut être construite. A l’inverse, les ZAE sont réservées aux activités ne pouvant être introduites dans le tissu urbain.
Enfin, l’agence et l’agglomération ont mis en place une cellule de revitalisation du foncier visant à intensifier le foncier existant et à venir. Toutes les ZAE faisant l’objet d’extension dans le SCOT sont ciblées par un travail sur les dents creuses et les friches. Communes et président d’agglomération prennent contact avec les propriétaires de terrains en friches ou en dents creuses, et proposent un accompagnement (70 terrains soit 42 ha dont 4 ha disponibles).
L’objectif est d'inciter les propriétaires sans projets, de les accompagner dans l’éclosion de leurs projets existants, de mettre en lien propriétaires et porteurs de projets…. Ces différentes "pressions amicales" connaissent toutefois des limites, et posent la question du besoin à l’avenir d’outils plus contraignants.
identifier et optimiser le foncier économique dans les ZAE : le schéma d’accueil des entreprises de la métropole de Rennes
Via son agence d’urbanisme l’AUDIAR, la métropole de Rennes mène son troisième schéma d’accueil des entreprises, dans un contexte de forte demande de nouveaux sites, mais aussi de contestation de ces derniers par les riverains. Ceci pose des questions de répartition de l’activité économique à l’échelle de l’ère urbaine, notamment face à de nouveaux enjeux (industrie 4.0, écologie industrielle territoriale, équipements communs) appelant à une maturation des sites d’activités. L’optimisation foncière est dès lors un enjeu structurant, qui nécessite un outillage et une méthode pérennes afin de cerner le foncier industriel à optimiser.
L’AUDIAR a ainsi analysé vingt grandes ZAE (1000 ha). Le repérage est géomatique et de terrain, mais ne fait pas l’objet d’un contact individualisé avec les entreprises. La méthode se base sur les potentiels théoriques d’optimisation à l’échelle de chaque unité foncière (bâtie, non bâtie, avec un bâti vacant, occupée mais sous optimisée).
Cette méthode privilégie la notion de densification à celle d’optimisation afin de cerner les usages plutôt que la simple occupation des sols. L’approche se base sur une pondération multiple, selon la vocation économique des unités foncières (bureaux ou autres activités), l’occupation des surfaces sur l’unité foncière, l’emploi salarié et la vacance.
Cette première pondération est multipliée par la taille des surfaces. Ces deux pondérations permettent d’identifier des potentiels théoriques faibles, moyens ou forts d’optimisation, ainsi que 4 types de ZAE appelant à des interventions différenciées :
- Celles avec de grandes enveloppes théoriques de réserves foncière en réserves ou en rétention
- Celles avec un projet économique d’ensemble avec des possibilités d’extension permettant d’engager des opérations tiroir,
- Celles enserrées par l’habitat
- Celles dont les ensembles sont cohérents, au travers de petites et moyennes unités foncières.
Ces différentes typologies posent la question des équilibres au sein même des sites d’activités, entre la renaturalisation et les espaces imperméabilisés, du potentiel d’action de la collectivité, et du mitage des espaces productifs par l’habitat.
La Métropole envisage différentes pistes en termes de stratégie foncière: objectifs de densité, d'optimisation dans les opérations en extension, de densification des ZAE existantes ou intervention à la parcelle.
Sécuriser les destinations via de nouveaux modes de commercialisation : la communauté d’agglomération Rochefort Océan
La communauté d’agglomération Rochefort Océan est située au cœur de l’Estuaire de la Charente. Elle se caractérise par de nombreuses protections environnementales et réglementaires contribuant à limiter les projets fortement consommateurs de foncier (pourtant nombreux en raison de la dynamique économique locale).
Au fil des années, l’intercommunalité a structuré une méthode de gestion du foncier économique centrée d’une part sur le recyclage et d’optimisation du foncier, d’autre part sur le contrôle de la commercialisation des parcelles et des implantations. Toutes les friches ont ainsi déjà fait l'objet de projets de réhabilitation et la demande de foncier économique ne peut être entièrement satisfaite.
Un travail a été fait pour définir les critères de l'optimisation en intégrant des critères d'usage du sol, d'usage du bâti et du niveau de synergies et des capacités de mutualisation.
Une procédure objectivée de cession des espaces fonciers a été établie, avec 4 critères d’appréciation des projets :
- Le lien avec les filières économiques, les dynamiques locales ou l’activité présentielle,
- La création d’emplois
- L’occupation du foncier et la densification envisagée
- L’intégration paysagère et urbaine du projet
Après validation par la commission économie de l’intercommunalité, les projets sont accompagnés par un architecte paysagiste interne à l’intercommunalité afin d’optimiser l’implantation foncière. En cas de refus du projet par la commission, de refus de l’accompagnement par l’entreprise, ou encore d’abandon du projet, l’intercommunalité conserve/récupère le foncier économique demandé/accordé.
Rationaliser, densifier et sécuriser le foncier économique, l’exemple de la communauté de communes Porte de Drôme Ardèche
La communauté de communes Porte de Dromardèche possède une histoire industrielle forte sur son territoire : les activités manufacturières représentent le premier employeur (32% des effectifs). Bénéficiant de l’attractivité de la métropole lyonnaise, le territoire connait une forte demande de foncier économique, auquel il est difficile de répondre sans entamer le potentiel agricole du territoire (plus de 50% des surfaces sont agricoles) ou réduire trop rapidement ses réserves foncières. La collectivité combine alors plusieurs outils pour planifier l’offre à moyen-long terme, à la fois dans un objectif de parcours résidentiel des entreprises, de ZAN, et de réservation des terres agricoles.
Le renforcement de l’observation foncière et les documents d’urbanisme sont mobilisés pour rationaliser la gestion et l’extension des ZAE. Un Schéma des Zones d’Activités Economique a été élaboré en 2017 à partir des critères du SCOT et du PLU de chaque commune. Celui-ci acte une réduction du nombre de ZAE de 40 à 24, et définit une typologie/ segmentation des zones en place.
Simultanément, 77 ha en zones U/AU à vocation économique ont été déclassés en faveur de vocations agro naturelles, de manière à concentrer les efforts de requalification de l’intercommunalité sur les ZAE les plus stratégiques (en lien avec l’établissement public foncier EPORA). En ce sens, l’intercommunalité réaménage un parc d’activité de 120 ha en bordure de l’autoroute A7, au travers d’une extension de 115 hectares supplémentaires (78 ha cessibles). Ce type d’opération est réalisé en régie, en lien avec l’EPFR EPORA.
Enfin, l’intercommunalité agit afin de renforcer son contrôle sur la mutabilité et améliorer qualitativement les ZAE. Plusieurs outils sont mis en place en ce sens : les communes ont délégué leur droit de préemption sur les ZAE afin de contrôler les destinations et font remonter les cas possibles de changement de destination, les actes de cession de terrains disposent de clauses : droit de revente au profit de la collectivité, pacte de préférence, clause "propter rem" (permet de grever le terrain comme une servitude perpétuelle qui se transmet aux propriétaires successifs) … Enfin, la collectivité mène une réflexion sur de nouvelles modalités de cession, notamment afin de limiter la spéculation et contrôler les prix de cessions, qui reste une question complexe (baux).
Chaque nouvelle entreprise qui veut s’implanter est accompagnée pour calculer au plus juste la consommation foncière de son projet et la qualité de son bâti. Elle est également conseillée également en termes de consommation énergétique, utilisation d’énergies alternatives et gestion des déchets, gestion optimisée des stationnements.
Ces trois exemples distincts illustrent la capacité à agir de l’intercommunalité et de ses partenaires (agence d’urbanisme, établissement public foncier, SCOT) pour anticiper et piloter l’optimisation de ses ressources foncières.
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