Cet article fait partie du dossier : Développer la culture du risque dans les territoires : le dossier
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Les risques majeurs, qu’ils soient naturels ou technologiques, sont bien présents en France : Inondations, feux de forêts, accidents industriels, érosion côtière… autant de phénomènes qui peuvent toucher tous les territoires métropolitains et ultramarins. Les conséquences majeures de ces aléas dans des zones où les enjeux se concentrent démontrent notre vulnérabilité. De la surveillance à l’aménagement résilient du territoire en passant par la gestion de crise, plusieurs axes de travail sont développés au travers de la politique de gestion des risques. Cependant, il ne faut pas oublier le volet essentiel que constitue la sensibilisation des populations, l’instauration d’une certaine "culture du risque".
La culture du risque est souvent définie comme l’ensemble des actions pour améliorer la connaissance et la perception du risque, l’apprentissage des bons comportements par tous les acteurs. Tous, car face aux risques nous nous devons d’être tous préparés. Cette conscience de la nécessité d’être acteur de sa propre sécurité est trop souvent encore faible dans notre pays, comparativement à d’autres modèles plus anglo-saxons.
Deux raisons peuvent l’expliquer en partie : un sentiment fort d’être peu exposés au risque à titre personnel (et ceci malgré les catastrophes survenues et les phénomènes déjà visibles dus au changement climatique) ainsi qu’un système français avec un fort interventionnisme de l’État sur les risques majeurs, peu enclin à développer la responsabilité individuelle.
Un besoin réel de faire évoluer la perception des risques et de mieux préparer les populations est identifié sur une grande majorité de territoires français. Cette culture commune face aux risques permet d’acquérir les bons comportements en cas de crise, de mieux anticiper les conséquences d’événements en réduisant sa vulnérabilité (adaptation des bâtiments, infrastructures…), et ainsi de réduire les dommages aux personnes, biens, activités et à l’environnement. Elle répond à plusieurs défis : anticiper pour améliorer la gestion de l’événement et surtout mieux se relever face à des crises sur lesquelles nous n’avons pas la main. Une telle culture du risque participe ainsi à une meilleure résilience des populations et des territoires.
Obligations réglementaires
Des actions réglementaires d’information préventive existent à plusieurs niveaux (État, collectivités, campings, secteur de l’immobilier…). Elles constituent une base de diffusion de la connaissance territorialisée des risques. Le rôle du maire et de ses services se révèle important auprès de sa population. En effet, un certain nombre d’obligations réglementaires lui incombent : élaboration du document d’information communal sur les risques majeurs (Dicrim), installation de repères de crues, affichage des risques… Il est par ailleurs garant de la sécurité de ses administrés et s’inscrit ainsi dans la gestion de crise et des plans (inter)communaux de sauvegarde (PCS ou PICS).
Reste la question du portage de ces actions : comment faire vivre ces documents, comment les aborder pour dépasser la contrainte, pour impliquer les populations ? La réponse concerne chaque individu. Il faut lui redonner sa place dans la politique des risques, tel qu’instauré dans le nouveau plan national interministériel "Tous résilients face aux risques".
Présenté fin 2021, il traduit la volonté gouvernementale de sensibiliser la population et de lui permettre de faire face aux catastrophes naturelles et aux accidents industriels. Entre autres orientations, il instaure une journée de la résilience aux risques, le 13 octobre de chaque année, l’occasion pour tous les acteurs territoriaux de développer des actions particulières sur le terrain. En 2022, la première édition a permis de recenser près de 2000 actions de sensibilisation avec la reconnaissance du gouvernement pour trente projets lauréats.
Nous l’avons évoqué, la sécurité est l’affaire de chacun, de tous. Cette prise de conscience repose sur les actions où les populations sont impliquées et mises au cœur de la démarche de sensibilisation. Les objectifs sont multiples : redonner un rôle à l’individu et au collectif, faire prendre conscience et responsabiliser. Mais aussi recréer du lien dans les territoires, dans un concept fort de cohésion et de solidarité.
Pour une action efficace, la stratégie de culture du risque doit prendre en compte la vulnérabilité des populations, leur capacité d’agir et leurs motivations. Chaque individu a sa représentation des risques, sa propre expérience et son vécu dont il faut tenir compte. Un diagnostic territorial sur les risques et leur perception est un préalable conseillé avant de se lancer dans toute démarche.
1 Français sur 2
pense que c’est à lui d’agir pour se protéger face aux risques. Il faut donc embarquer 50 % de la population via des mesures efficaces, adaptées et pérennes et convaincre 50 % de l’utilité de s’engager dans la prévention des risques.
Sources : ministère de la Transition écologique, 2023 ; CGDD/SDES, 2022
Les 2/3
des 36 000 communes françaises sont exposées à au moins un risque naturel.
1 Français sur 4 et
1 emploi sur 3
sont aujourd’hui potentiellement exposés aux inondations, principal risque majeur national au titre du nombre de communes concernées et du coût économique des catastrophes.
Source : ministère de la Transition écologique, 2023.
La deuxième méthode est l’intégration d’informations sur les risques de manière indirecte. Le risque n’est alors pas le sujet premier, il est abordé sous un angle nouveau, au travers d’autres politiques publiques en l’intégrant à d’autres messages : appréhender le risque en lien avec la préservation de l’environnement, la place de la nature dans un contexte de changement climatique, l’aménagement résilient des territoires. Parler du risque autrement, en adoptant un ton humoristique (voir le Dicrim original de la ville de Salaise-sur-Sanne en Isère). Profiter du sport pour parler des catastrophes naturelles (épreuves sportives en forêt, sur des fleuves, guides de randonnées comme ceux du CPIE de Vaucluse où des topoguides distribués dans les offices de tourisme ou en ligne permettent de découvrir des espaces naturels ou des villes (Avignon en autres) tout en étant sensibilisés à certains points d’étapes au risque incendie ou inondation…). Ou encore, se servir du sujet des risques pour recréer du lien social.
En créant une culture commune autour du risque, les habitants exposés à des risques identiques se (re)construisent une communauté. Le lien social peut aussi être central lors de moments de festivités où le risque serait abordé : par exemple, une guinguette de l’eau, une fête avec les services de secours, une commémoration d’un événement (dans les Pyrénées-Atlantiques, la commune d’Arette a organisé avec de nombreux partenaires un week-end festif autour des 50 ans du séisme qui l’avait touchée en 1967. Les milliers de personnes présentes attestent de la réussite mais cela a mobilisé de gros moyens. Un festival de la mer ("Si la mer monte")…
Par Perrine Vermeersch, responsable d’activités risques naturels et résilience, Cerema
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