20 juillet 2023
vue de Lille et du beffroi
Adobestock
Le Cerema et l’Union Régionale de l’Habitat Hauts-de-France, en partenariat avec l’USH, la Banque des Territoires et la DREAL Hauts-de-France, ont mené une expérimentation visant à mesurer la consommation d’espace induite par le logement social.
Prolongeant la méthode utilisée dans le cadre des indicateurs communaux de consommation d’espace mis à disposition sur le portail national de l’artificialisation, ce partenariat montre que le logement social représente 27,7% de la production de logements entre 2009 et 2017, soit environ 12,4% de la consommation d’espace pour le logement. Le logement social représente ainsi environ 5% de l’ensemble de la consommation d’espace régionale sur la période 2009-2017. Le détail des résultats régionaux et de la méthodologie utilisée est disponible dans le rapport d’étude, et les principaux résultats territorialisés à l’échelle des EPCI sont consultables sur un tableau de bord.

La conciliation des besoins de production de logement sociaux et de l’enjeu de sobriété foncière questionne l’ensemble des acteurs du logement et de l’aménagement parmi lesquels les bailleurs sociaux jouent un grand rôle. L’enjeu de continuer à loger les populations, notamment les plus vulnérables, doit ainsi s’articuler avec l’objectif global de réduire la consommation d’espaces. Compte-tenu du poids du logement dans la consommation d’espace totale, du poids des logements sociaux dans le parc total de logements, ainsi que du rôle des bailleurs sociaux en tant qu’acteurs de l’aménagement, la prise en compte de ce contexte dans les pratiques des bailleurs sociaux constitue un défi majeur.

L’objectif de diminution du rythme de consommation d’espace suppose de mesurer la consommation d’espaces récente et de pouvoir en assurer le suivi. Or, si la construction des bailleurs est assez bien connue, il n’existe pas à ce jour d’analyse complète de la consommation d’espaces des opérations dans lesquelles les bailleurs sociaux sont présents, ni de comparaison avec les opérations privées.


 

En matière d’objectivation de la consommation et dans l’attente de l’OCS GE (Occupation des Sols à Grande Échelle en cours de déploiement par l’IGN), le Cerema propose des indicateurs à l’échelle communale sur la période 2009-2021, qui permettent de distinguer la consommation d’espace en fonction de l’usage résidentiel ou de l’usage activités économiques, mais sans distinction par segment du parc de logement.

 

C’est pourquoi l’URH Hauts-de-France et le Cerema, en partenariat avec l’USH, la Banque des Territoires et la DREAL Hauts-de-France ont engagé une démarche visant à :

 

 

  • Mettre au point une méthode de mesure de la consommation d’espace induite par le logement social
  • Tester cette méthode sur le territoire de la région Hauts-de-France, en vue d’éclairer et de territorialiser les impacts fonciers du développement résidentiel régional.

 

La méthode :

Utilisation des fichiers fonciers

S’inspirant de celle mobilisée dans le cadre des indicateurs communaux de consommation d’espace publiés sur le portail national de l’artificialisation, la méthode repose sur les fichiers fonciers, source d’origine fiscale disponible sur tout le territoire national. En ce sens, la méthode testée dans les Hauts-de-France peut être déployée sur d’autres territoires, voire sur l’intégralité du territoire national.

 

Identification des logements sociaux à partir du classement de propriétaire

facade d'immeuble de logements
M. Gaïda

Cette source comporte des informations sur les caractéristiques des locaux (type de local, date de construction, surface…), les parcelles (occupation des sols, surface…) et les propriétaires (type, type de droit, SIREN…). La distinction entre logements privés et sociaux repose ainsi sur le type de propriétaire des logements. On considère ainsi comme logement social tout logement possédé par un bailleur social.

Cette définition intègre donc dans les logements sociaux des biens intermédiaires, le patrimoine privé du bailleur, ainsi que les logements possédés à la fois par un bailleur social et un autre acteur (par exemple entre une commune et un bailleur). Les logements en accession sociale à la propriété et les démembrements de propriété (bail emphytéotique, bail à réhabilitation...) dont le bailleur social est l’une des parties sont eux aussi susceptibles d’être intégrés dans les logements sociaux.

 

Une mesure de la consommation d’espace

L’étude mesure la consommation d’espace au sens des données du portail national de l’artificialisation. De ce fait, la démarche permet une mesure de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers, mais ni l’imperméabilisation, ni l’artificialisation au sens défini par les décrets. La consommation d’espaces inclut l’ensemble des opérations d’aménagement situées sur des espaces naturels, agricoles ou forestiers, qu’ils soient ou non situés dans la tâche urbaine.

Les opérations comptabilisent l’ensemble de la consommation d’espaces, y compris celle liées aux voiries et espaces publics environnants.

 

schéma de la prise en comtpe de la consommation d'espace


Une délimitation du périmètre des "opérations"

Pour les besoins de l’analyse des types d’opérations (privées, sociales, mixtes), des périmètres d’opérations ont été délimités via un regroupement des parcelles adjacentes ayant connu une consommation d’espaces (et donc un commencement des travaux liés à une opération administrative) à une année d’intervalle.

La consommation d’espace associée est comptabilisée à partir du moment où l’aménagement est commencé. Une opération peut représenter un aménagement de 5 ha autant qu’une unique maison située sur une parcelle. Ainsi, si un aménagement comprend deux phases, la méthode identifiera une unique opération dès lors que la procédure liée au permis d’aménager est commune. À l’inverse, si deux PA sont déposés à deux années d’intervalle, il s’agira de deux opérations différentes.

 

Une identification des opérations commencées entre 2009 et 2017

Nous disposons des données de consommation d’espaces pour la période 2009-2022. Cependant, pour connaître le détail des logements produits à l’échelle de chaque opération et notamment la part de logements sociaux, il est nécessaire d’attendre plusieurs années pour que l’information apparaisse dans les bases fiscales.

C’est pourquoi nous ne pouvons travailler sur les données de consommation d’espace les plus récente, ne sachant pas encore combien et quels logements seront construits sur les opérations correspondantes. La période étudiée couvre par conséquence les opérations commencées entre le 1er janvier 2009 et le 1er janvier 2018.

 

méthode de calcul : schéma

 

La prise en compte des opérations mixtes

L’objectif de la démarche est de mesurer la consommation d’espace des logements sociaux. Dans le cas d’opérations 100 % sociales ou 100% privées, la mesure est égale à la surface totale de l’opération. Pour les opérations mixtes, comprenant à la fois des logements sociaux et des logements privés, les fichiers fonciers ne permettent pas de connaître la consommation d’espace respective des deux secteurs.

Aussi, faute d’alternative, la surface de l’opération affectée au logement social est définie au prorata de la part de logements sociaux : une opération de 10 ha avec 30 % de logements sociaux comptera donc comme 3 ha pour le logement social. Ce parti pris normatif est certes discutable et peut ne rendre que très imparfaitement compte de l’opération en question mais les données dont nous disposons ne nous permettent pas de distinguer finement la consommation d’espace des logements sociaux au sein de l’opération. Les bailleurs rencontrés indiquent que ce choix induit vraisemblablement une surestimation de leur consommation d'espace, dans la mesure où dans le cadre d'opérations mixtes, les logements sociaux sont souvent plus denses que les logements privés.

Un exemple à titre d’illustration

L’opération présentée ci-contre a démarré en 2009, pour une surface consommée de 1,2 ha. 76 logements individuels ont été achevés en 2013-2014. L’opération est mixte : 56 logements privés et 20 logements sociaux. La densité de l’opération est de 63 logements par hectare.

Le secteur social représentant 26% des logements produits, la consommation d’espace associée à cette opération représentera 26% de la surface totale de l’opération, soit 0,32 ha.

 

vue aérienne du projet

 

Principaux résultats

Sur la période 2009-2017, 23 624 logements sociaux ont été produits dans le cadre d’opérations consommant des espaces naturels agricoles et forestiers. Nous estimons la consommation foncière associée à 862 ha.

Cela représente :

  • 5,4 % de la consommation foncière totale à l’échelle régionale
  • 12,4 % de la consommation foncière liée au secteur de l’habitat
  • 18,6 % de la consommation foncière liée aux opérations de promotion immobilière d’au moins 2 logements (construction pour soi exclue)

Sur cette période et si on exclut de l’analyse les opérations d’une unique logement privé (construction pour soi), le logement social représente 33 % des logements en extension et 19% de la consommation d’espace pour le logement.

Il manque une partie sur les résultats généraux : privé, promotion pour soi et logement social. Une telle partie permettrait de resituer la consommation du logement social (production de chaque secteur, consommation de chaque secteur, moyenne de la densité de consommation sur 1ha etc…)

Les graphiques suivants montrent le poids respectif en matière de nombre de logements d’une part et en termes de surface consommée d’autre part. :

  • des logements sociaux (qu’ils soient produits dans le cadre d’opérations mixtes ou 100% sociales),
  • des logements issus de la promotion immobilière (dans le cadre d’opérations d’au moins 2 logements)
  • des logements issus de la "construction pour soi" (opérations privées d’un unique logement),

On remarque notamment que la construction pour soi représente 15% de la production régionale et 34% de la consommation d’espace pour le logement.

diagrammes


Le graphique ci-dessous propose une analyse en fonction de la nature d’opération, toujours en excluant les opérations d’un unique logement privé : 

tableau des types d'opérations dans la construction et la consommation d'espaces

 

  • La colonne de gauche montre que les logements produits dans le cadre d’opérations 100% privées représentent environ la moitié du patrimoine produit en extension urbaine dans le cadre d’opérations d’au moins deux logements. Les logements produits dans le cadre d’opérations mixtes représentent environ un peu plus de 30% tandis que les opérations 100% sociales contribuent à hauteur d’un peu moins de 20%. Sur la seconde colonne, on mesure que les opérations mixtes accueillent environ la moitié des logements sociaux produits en extension urbaine. 
  • La troisième colonne décline le même enseignement que la première mais en surface consommée et non plus en nombre de logements. On remarque ainsi que les opérations 100% privées représentent près de 70% de la surface consommée dans le cadre des opérations d’au moins 2 logements alors qu’elles représentent 50% du parc construit. A l’inverse, les opérations 100% sociales représentent moins de 10% de la surface consommée.
  • Enfin, la dernière colonne montre que la surface consommée par le logement social dans le cadre d’opérations mixtes est un peu supérieure à celle consommée dans le cadre des opérations 100% sociales. Ce résultat doit toutefois être pris avec précaution : dans les opérations mixtes, la surface affectée au logement social se fait au prorata du nombre de logements sociaux dans l’opération sans prise en compte des forces éventuellement différentes entre logements social et logement privé.
     
 
 

 

Cette efficacité du logement social s’explique par plusieurs facteurs :
 

 
  • Les opérations de logement sociaux sont majoritairement situées dans les agglomérations et métropoles de la région, pour lesquelles le tissu urbain et les conditions de marché tout à la fois imposent et permettent une densité supérieure.
  • De plus, les opérations de logements sociaux sont généralement de plus grande taille : moins de 20 % des nouveaux logements sociaux sont situés dans des opérations entre 2 et 19 logements, contre 45 % pour les logements privés.
  • Le secteur du logement social se distingue également par une production importante (77 % du total) dans les classes de densité les plus élevées (supérieures à 20 log/ha). De son côté, le privé ne réalise que 35 % de la production de logements dans ces classes de densité.
  • A une échelle régionale, le poids du logement individuel dans la consommation d’espace diffère entre secteur social et secteur privé : tandis que le logement individuel représente 57 % des logements sociaux construits en consommant de l’espace NAF, cette proportion est de 88 % pour le logement privé.
     

Organisation d’ateliers territoriaux pour tester les résultats auprès des acteurs locaux

Pour compléter les analyses statistiques réalisées dans le cadre de cette démarche, l’URH et ses partenaires ont souhaité organiser 5 ateliers territoriaux. Ces ateliers, couvrant une variété de territoires de la région, avaient trois objectifs :

  1. Mesurer la maturité des territoires sur le sujet de la sobriété foncière : quels outils locaux sont mis en œuvre, quelles démarches sont entreprises en matière d’observation ou d’action, quels enjeux sont perçus sur le territoire face à l’objectif de sobriété foncière, quelle est la place pressentie pour le logement social dans cette politique ?
  2. Confronter les chiffres au ressenti des acteurs locaux et à leur connaissance du territoire et identifier des pistes de prolongements
  3. Tester la forme des livrables et surtout du tableau de bord ventilant les résultats à l’échelle des EPCI

Les ateliers ont porté sur les territoires d’Amiens Métropole, de la Communauté Urbaine de Dunkerque, de l’agglomération de Maubeuge Val de Sambre, de l’agglomération de Creil Sud Oise et de la Communauté Urbaine d’Arras. Réunissant des représentants des collectivités, de l’agence d’urbanisme le cas échéant et des bailleurs sociaux, ils ont permis de mettre en évidence notamment les enseignements suivants :

  • La démarche et le tableau de bord qui en est issu sont jugés très utile pour alimenter les stratégies foncières et appréhender le rôle des bailleurs sociaux. 
  • La densité plus forte du logement social s’explique aussi par l’impératif d’équilibre économique, notamment en zones tendues
  • La densité est un critère important mais à croiser avec d’autres (aspirations résidentielles, environnement urbain…) et à illustrer par des exemples concrets.
     

Fin et suites de l'étude

 


Les ateliers ont aussi permis d’identifier des pistes de prolongements possibles pour cette démarche.
Ces pistes sont notamment :
  • Une analyse croisée de la densité et des formes urbaines associées aux différents types d’opérations en extension urbaine, prenant en compte la diversité des environnements urbains de ces dernières.
  • Une analyse comparative des montages économiques associés aux différents types d’opérations en extension urbaine, prenant en compte la variété des marchés locaux.
  • Des actions de sensibilisation en direction notamment des élus pour illustrer et rendre concrets la diversité des choix de composition urbaine permettant d’atteindre des densités chiffées comparables, mais qui peuvent être perçues très différemment par les habitants. 
  • Par ailleurs, la déclinaison de cette méthode sur d’autres territoires ou à l’échelle nationale est envisagée.
     

Retrouvez le rapport sur CeremaDoc :