15 mars 2022
prairie à Lyon avec des fleurs dans le centre ville
CR - Cerema
Dans le contexte des réflexions autour de la mise en œuvre de l'objectif de Zéro Artificialisation Nette des sols, le Cerema propose de faire le point sur les enjeux en matière de préservation des sols et de leurs fonctions écologiques, et sur les leviers d'action disponibles.

 

Des sols toujours plus artificialisés malgré leur rôle indispensable

Schéma des fonctions écologiques des sols
Quelques-unes des fonctions écologiques des sols - Dessin : M. Ughetti pour le Cerema

Les sols jouent un rôle clef dans le fonctionnement des écosystèmes, pourtant, ils sont encore trop souvent considérés comme simple support de construction ou d’activités dans le développement de la ville et de ses infrastructures. Le processus d’urbanisation conduit ainsi la plupart du temps à leur artificialisation, c’est-à-dire à leur dégradation et à l’altération des fonctions écologiques qu’ils exercent. On peut notamment citer les fonctions de régulation du cycle de l’eau, de production de biomasse, de stockage de carbone ou encore de réservoir de biodiversité. Lorsque l’artificialisation se traduit par une imperméabilisation du sol, les fonctions écologiques sont réduites à leur plus simple expression voire disparaissent.

La préservation des sols est d’autant plus importante qu’ils constituent une ressource non renouvelable à l’échelle d’une vie humaine. La durée et la complexité des mécanismes de formation des sols sont telles que les techniques de renaturation actuelles ne permettent pas à des sols profondément dégradés (déblais, remblais, imperméabilisation, etc.) de retrouver pleinement leurs fonctions, du moins à court terme. 

Carte de l'artificialisation des sols en France de 2009 à 2019
Carte de l'artificialisation des sols en France de 2009 à 2019
Source : Observatoire de l'artificialisation

Face aux enjeux de la ville en lien avec l’adaptation au changement climatique, la préservation de la biodiversité et l’amélioration du cadre de vie des habitants, le sol apparaît donc comme un élément central à prendre en compte dans l’aménagement des territoires urbains et péri-urbains.

Depuis la loi SRU de 2000 qui introduit la gestion économe de l’espace et la limitation de l’étalement urbain dans les politiques publiques et la planification territoriale, plusieurs textes législatifs se sont succédés et ont renforcé l’objectif de sobriété foncière. Ils n’ont toutefois pas donné les résultats escomptés en raison principalement de différentes politiques publiques de soutien au secteur immobilier, non conditionnées au renouvellement urbain. 

De fait, l’artificialisation des sols n’a cessé de se poursuivre à un rythme soutenu avec, sur les 10 dernières années, un rythme d’artificialisation des sols de l’ordre de 25 000 ha/an (cf. Observatoire de l’artificialisation ), supérieur à la moyenne européenne. Ce flux d’artificialisation augmentant plus rapidement que la population et de façon inégale sur le territoire. 

Pour rompre durablement cette tendance à l’artificialisation, lourde de conséquences tant environnementales, qu’économiques (coût des déplacements et des réseaux) et sociales (éloignement des services, ségrégation sociale et spatiale, dévitalisation des centres villes), le politique, avec le plan biodiversité de 2018, puis le législateur avec la loi "Climat et Résilience" du 22 août 2021, ont introduit l’objectif du Zéro Artificialisation Nette (ZAN), nouvelle arme législative pour lutter contre l’artificialisation. 

 

Le ZAN : une opportunité pour préserver les sols et privilégier des modèles d'aménagement durable

L’objectif du ZAN vient conforter le rôle central des sols dans la préservation de la biodiversité tout en proposant une nouvelle définition de l’artificialisation des sols. Celle-ci passe d’une vision purement comptable (changement d’état effectif d’une surface) à une vision plus qualitative où "un sol est regardé comme artificialisé si l’occupation ou l’usage qui en est fait affectent durablement tout ou partie de ses fonctions écologiques, en particulier ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques ainsi que son potentiel agronomique". 

Vue en tranches de 3 sols: pseudo naturel (orange), technosol (gris) et sol scellé (jaune pâle)
La diversité de sols urbains - Cerema

Elle permet de différencier, au sein de l’enveloppe urbaine, une diversité de sols, plus ou moins altérés par l’artificialisation, qui vont de sols pseudo-naturels jusqu’à des sols scellés ou imperméabilisés.

Le ZAN apparait donc comme un levier pertinent pour prendre en compte la qualité des sols dans les documents d’urbanisme et encourager ainsi à l’aménagement durable des territoires en réponse à la nécessaire adaptation au changement climatique des villes et à l’érosion de la biodiversité. 

Face aux différentes législations, les territoires se retrouvent souvent confrontés à des injonctions à première vue contradictoires entre une demande de l’Etat de maîtriser voire de limiter l’étalement urbain et, plus récemment, de mieux considérer la ressource sol tout en assurant la production de logements et le développement économique. A cela s’ajoutent les aspirations sociales des français qui plébiscitent les maisons individuelles et plus de nature en ville, tout en souhaitant un haut niveau de services (commerces, transports, activités…), accentuées par la crise sanitaire de 2020.

Il devient donc urgent d’aménager autrement les territoires, en assurant un équilibre entre, la préservation indispensable des espaces naturels et la densification des zones déjà urbanisées tout en encourageant à la renaturation de certaines zones artificialisées. La question des sols est alors au cœur de cette recherche d’équilibre. De nouveaux modèles d’aménagement urbain doivent se généraliser, afin de permettre une planification plus sobre et plus efficace des projets de territoire. L’objectif est de privilégier les alternatives à l’extension urbaine, tout en recherchant la préservation des espaces de nature et la renaturation.

 

Ces modèles reposent 
sur les grands principes 
de la séquence Eviter Réduire Compenser :
  • éviter de construire grâce à la mixité fonctionnelle et l’intensification des usages, l’optimisation des équipements publics, l’utilisation de logements vacants, …
  • réduire la construction en développant la modularité de la ville : transformation de l’existant via la reconversion/réhabilitation de bâtiments ayant perdu leur usage, la surélévation, …
  • compenser la construction par le renouvellement urbain et la densification de la ville : recyclage des friches industrielles, commerciales, densification des zones pavillonnaires, des espaces sous-occupés, etc.

France Stratégie confirme dans son rapport de juillet 2019 "Objectif Zéro Artificialisation Nette : quels leviers pour protéger les sols ?" que l’atteinte du ZAN nécessite "des mesures ambitieuses, au premier rang desquelles une modification des règles d’urbanisme pour favoriser le renouvellement urbain et la densification de l’habitat". En effet, selon France Stratégie, "l’augmentation de la densité et du taux de renouvellement urbain pourraient réduire drastiquement la consommation d’ENAF" (espaces agricoles, naturels ou forestiers).

Les outils réglementaires (par ex. instaurer dans un PLU un plancher de densité ou un taux plancher de renouvellement urbain) sont les plus susceptibles d’avoir un effet de grande ampleur pour favoriser le renouvellement urbain et la densification. Enfin, un ajustement des outils fiscaux (PTZ, dispositif Pinel conditionnés à des constructions sur des sols déjà artificialisés) pourrait utilement les compléter. 
 

De l'importance de la densification et de son acceptabilité

Comme vu précédemment, répondre aux besoins de préservation des espaces naturels, mais aussi de production de logements et de locaux d’activités, suppose de développer les politiques de densification urbaine

Vue de 3 configurations différentes de bati sur une même parcelle avec la même densité (2 immeubles moyens, pavillons, 1 grande tour)
Une même densité pour plusieurs formes urbaines - Cerema

Il convient au préalable de rappeler que la densité est une notion complexe à appréhender. Une même densité peut se traduire par une grande variété de formes urbaines dont la perception n’est pas toujours associée à la mesure réelle. Les grands ensembles sont ainsi généralement perçus comme denses alors qu’ils le sont tout autant qu’un petit collectif ou une zone pavillonnaire. 

La densité se mesure de diverses manières (densité bâtie, résidentielle, humaine…) et dépend de l’échelle d’appréciation (parcelle, opération, quartier, commune…) qui rend difficile la comparaison des chiffres. D’autres indicateurs tels que la hauteur du bâti, l’emprise au sol, la proportion des espaces non-bâtis (et parmi eux les espaces affectés aux modes actifs), le pourcentage d’espaces verts, la densité arborée… sont aussi à intégrer dans l’analyse territoriale.

Les opérations de densification font souvent l’objet de vives oppositions de la part des citoyens et par ricochet des élus locaux. Pourtant, l’acceptabilité des projets de densification n’est pas corrélée à la densité mesurée mais leur appréciation repose davantage sur la présence et la qualité des espaces publics, notamment des espaces verts.

Parler de densité nécessite donc une vision bien plus globale que spatiale ou arithmétique. On peut alors évoquer la notion de densité optimale qui contribuerait à optimiser des facteurs tels que la consommation d'énergie, l'accessibilité par les transports publics, la qualité de la vie sociale ou encore le coût des équipements et infrastructures.

Les attentes des habitants illustrent ces besoins pluriels. Les enquêtes réalisées auprès d’habitants (Cerema, 2021 [1]) montrent des attentes fortes pour plus de nature et d’espaces extérieurs, tout en disposant d’une offre de services et commerces ainsi que d’une bonne desserte en transport en commun. Ainsi, la densification, si elle est menée de façon transversale et qualitative, peut répondre aux attentes sociales et sociétales tout en contribuant directement aux enjeux de sobriété foncière et de préservation des sols, introduits par le ZAN.

 

Les messages clés à retenir

  1. Les sols sont une ressource qu’il convient de préserver et protéger en raison des fonctions écologiques qu’ils exercent et des services qu’ils rendent, indispensables à l’Homme et aux écosystèmes.
  2. L’objectif de Zéro Artificialisation Nette, inscrit dans la loi Climat et Résilience de 2021, introduit en complément de la notion de sobriété foncière, la notion de fonctionnalité des sols à prendre en compte dans la planification et les projets d’aménagement.
  3. Un des leviers pour lutter contre l’artificialisation des sols est de faire évoluer les modèles d’aménagement urbain vers du renouvellement urbain et de la densification, plus sobres en foncier, respectueux de l’environnement, adaptés aux spécificités territoriales, et acceptables pour les populations.
  4. Les conditions d’acceptabilité de la densification dépendent de nombreuses dimensions autres qu’urbaines de type environnemental, psychologique, socio-économique ou encore culturel. Ainsi l’acceptabilité de la densité n’est pas corrélée à la densité mesurée mais davantage à la proportion d’espaces publics et leur qualité.
     

[1] Les conditions d’acceptabilité de la densification urbaine - Enquête et analyse de 7 sites franciliens (2021)

Dans le dossier Densification, sobriété et aménagement durable : les actualités du Cerema

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