Suite à la publication du Référentiel national de vulnérabilité par le ministère de la Transition écologique, en 2016, le Cerema Ouest a engagé un partenariat avec les cinq établissements publics de coopération intercommunale concernés par le territoire à risques importants d’inondation (TRI) de Noirmoutier/Saint-Jean-de-Monts, en Vendée.
Adapter le référentiel de vulnérabilité aux risques littoraux
L’objectif de la démarche était de se saisir du cadre général proposé par le référentiel national, conçu pour les inondations fluviales, afin de l’adapter aux spécificités de ce territoire littoral soumis au risque de submersion marine et d’érosion côtière, et de construire un référentiel de vulnérabilité local composé d’indicateurs.
Le périmètre du partenariat a évolué au fil de discussions préparatoires.
Initialement proposé aux deux intercommunalités porteuses de stratégies locales de gestion du risque d’inondation (SLGRI), Océan-Marais-de-Monts (continentale) et Noirmoutier (insulaire), l’accompagnement du Cerema s’est étendu à trois autres. En effet, ce vaste TRI fait l’objet de deux SLGRI, mais également de trois programmes d’actions pour la prévention des inondations (PAPI), de quatre plans de prévention des risques littoraux (PPRL) et de treize plans communaux de sauvegarde (PCS).
Tous ces documents ayant été élaborés indépendamment, ils s’appuient sur des données disparates. Il était important de doter le territoire d’une base d’aide à la décision commune, grâce au calcul d’indicateurs partagés. Dans un même souci de cohérence d’approche du risque à l’ensemble du bassin concerné, au-delà des périmètres réglementaires, les communes de Saint-Gilles-Croix-de-Vie et du Fenouiller, également en Vendée et extérieures au TRI, ont également été incluses dans la démarche afin de prendre en compte les deux rives de l’embouchure de la Vie.
Le partenariat s’est ensuite déroulé sur un an, avec une réunion de lancement en octobre 2018, et un Copil de restitution aux élus en novembre 2019.
LA DIRECTIVE INONDATION
Pour rappel, la directive inondation, adoptée en 2007, a profondément rénové le cadre de prévention des inondations à l’échelle communautaire. Pour la mettre en œuvre, la France s’est dotée d’une stratégie nationale de gestion du risque inondation (SNGRI) qui s’appuie sur trois grands objectifs :
- Augmenter la sécurité des populations
- Réduire le coût des dommages liés à l’inondation ;
- Raccourcir le délai de retour à la normale.
Pour mieux y répondre, le référentiel national de vulnérabilité aux inondations, copiloté par la Direction générale de la prévention des risques, du ministère de la Transition écologique et le Cepri, a été élaboré par le Cerema. Il s’agit d’un guide méthodologique opérationnel qui constitue une aide technique pour les acteurs locaux de la prévention des inondations, essentiellement fluviales.
Le guide se décompose en deux fascicules : le premier "Méthode d’évaluation de la vulnérabilité et construction de plans d’action" présente l’arborescence du référentiel à travers les différentes étapes du diagnostic jusqu’au plan d’action, et le second "Les documents techniques" décrit les méthodologies de calcul des indicateurs et les bases de données mobilisables.
- Chacun des trois objectifs de la SNGRI y est décliné en axes de vulnérabilité (ex. : mise en danger au sein des bâtiments).
- Pour chacun des axes, des sources de vulnérabilité sont identifiées, qui sont ensuite illustrées par un ou plusieurs indicateurs.
- Ces indicateurs doivent contribuer à caractériser la vulnérabilité du territoire pour alimenter un diagnostic territorial et préparer la construction de stratégies et plans d’actions.
Ils permettent aussi d’évaluer la pertinence de ces actions dans ce contexte de prévention des inondations.
En 2018, le Cerema Ouest s’est engagé pour accompagner les cinq intercommunalités du TRI Noirmoutier/Saint-Jean-de-Monts dans cette démarche : la communauté d’agglomération Pornic-agglomération–Pays de Retz, les communautés de communes Challans-Gois communauté, d’Océan-Marais de Monts, du Pays de Saint-Gilles et de l’Île de Noirmoutier.
Le périmètre de l’étude s’étend donc sur les départements de Vendée et de Loire-Atlantique et couvre quatorze communes. Il s’agit du premier cas d’application du référentiel sur un territoire littoral, où les questions de submersion marine et d’érosion sont prédominantes. Ainsi, le référentiel national de vulnérabilité, dont les indicateurs sont initialement destinés à la prévention des inondations fluviales, a été adapté pour prendre en compte les aléas spécifiques du TRI Noirmoutier/ Saint-Jean-de-Monts.
L'élaboration du référentiel
Le souhait des collectivités est de disposer d’un ensemble d’indicateurs permettant de caractériser de façon partagée la vulnérabilité du territoire vis-à-vis de la submersion marine, suivre son évolution pour évaluer les politiques publiques de prévention des inondations (pour les adapter le cas échéant), et alimenter les différents outils associés: acquérir de la connaissance pour les plans de prévention des risques littoraux (PPRL), aider à la mise en place des actions des PAPI, suivre les objectifs fixés par les SLGRI et répondre aux exigences des PCS.
L’élaboration du référentiel s’est réalisée dans le cadre de groupes de travail associant les services des collectivités et le Cerema, en respectant la logique du référentiel national, qui ont défini les différentes étapes de la démarche.
Les trois premiers comités techniques ont permis la sélection des sources de vulnérabilité pertinentes et représentatives du territoire telles que:
- Inondation de bâtiments et risque de rupture des ouvrants dans les zones pouvant comporter une hauteur d’eau importante (source 1.1) ;
- Degré de dépendance du territoire aux ouvrages de défense contre la mer (source 1.6);
- Exposition de bâtiments de toutes natures à l’érosion seule (source 2.3);
- Capacité d’hébergement de crise face à une inondation (source 3.1).
Le recueil des données: une étape cruciale
Ces trois réunions ont été nécessaires pour l’appropriation par tous des notions utilisées et se sont déroulées comme suit:
Lors de la première:
- un balayage exhaustif de ce qui est proposé par le guide, afin de faire un premier tri en écartant ce qui n’est pas pertinent pour le territoire ;
- l’identification des manques du guide relatifs aux spécificités liées aux risques littoraux ;
- une sélection finale qui convienne à l’ensemble des membres.
L’idée est que la base sur laquelle va reposer l’outil soit la plus solide possible pour que celui-ci soit utile au territoire sur la durée.
Ensuite, deux sessions de groupes de travail avec les intercommunalités ont permis de sélectionner des indicateurs de vulnérabilité pour permettre d’illustrer les sources choisies. La mise à jour ultérieure de ces indicateurs a également été évoquée et utilisée comme un des critères de choix, pour faciliter le suivi de la vulnérabilité du TRI.
Parallèlement à cette étape, le recueil des données nationales et locales a constitué un travail conséquent mais nécessaire pour valider la sélection finale des indicateurs et les construire.
En effet, le principe du référentiel est de réaliser des analyses spatiales à partir des données d’enjeux (personnes, entreprises, logements, réseaux...) présents sur le territoire et des données représentant les aléas à prendre en compte.
90 sources de données, 39 indicateurs sélectionnés
Une réunion d’information auprès d’une vingtaine d’organismes producteurs de données locales a été organisée pour faire connaître la démarche et faciliter la prise de contacts en vue du recueil. Certains indicateurs ont également mobilisé des enquêtes effectuées par les intercommunalités pour connaître, par exemple, le nombre de diagnostics réalisés sur des bâtiments ou encore le nombre de médecins présents par commune pour l’objectif concernant le retour à la normale post-crise.
Un volume de 90 données nationales (données de l’IGN, de l’Insee, fichiers fonciers...) et locales a ainsi été collecté auprès de 33 organismes tels que les chambres de commerce et d’industrie de Vendée et Loire-Atlantique, le comité régional de conchyliculture des Pays de la Loire, les sociétés d’aménagement urbain et rural ou encore les services départementaux d’incendie et de secours.
Pour ce référentiel local, ce sont les aléas des quatre PPRL du TRI qui ont été choisis par les intercommunalités, en distinguant l’échéance actuelle (avec prise en compte de l’événement de référence Xynthia) et l’échéance 2100 (avec prise en compte d’une élévation du niveau marin). Ce sont également les données aléas des PPRL qui ont été retenues pour l’érosion.
À l’issue de ce recueil puis de l’étude de la fiabilité et de la pérennité de données (notamment locales), la sélection des indicateurs a été finalisée. Certains d’entre eux ont été reformulés voire ajoutés par rapport aux indicateurs nationaux pour intégrer les spécificités comme la prise en compte de la submersion marine et de l’érosion.
Des cartes pour faire la synthèse
Du point de vue méthodologique, chaque indicateur fait l’objet d’une fiche descriptive présentant l’objectif, l’axe et la source auxquels il appartient ainsi que les modalités de calcul et les données mobilisées pour y parvenir.
Chaque fiche est associée à une représentation cartographique à l’échelle du TRI. L’ensemble des représentations et des fiches est rassemblé dans un atlas cartographique mis à disposition des intercommunalités.
Des cartes de synthèse pour chacun des trois objectifs de la SNGRI (la sécurité des personnes, la réduction des dommages et la réduction du délai de retour à la normale) ont été créées pour faciliter l’analyse de la vulnérabilité du territoire par les acteurs.
Du point de vue technique, les calculs ont été réalisés via PgAdmin à partir de scripts SQL livrés aux intercommunalités pour permettre leur réutilisation. Les cartographies sont issues du projet contenant l’ensemble des indicateurs construit sous Qgis.
Faisant suite à cet état de référence de la vulnérabilité sur le TRI Noimoutier/ Saint-Jean-de-Monts, le Cerema Ouest a mené une étude de faisabilité sur la mise à jour ultérieure de ce jeu d’indicateurs.
L’objectif est de suggérer des solutions pour permettre le maintien et l’utilisation de ces indicateurs et en faciliter l’appropriation auprès des utilisateurs en charge de la gestion du risque d’inondation et d’aménagement du territoire par l’intermédiaire d’un outil opérationnel.
Pour ce faire, des scénarios ont été proposés et évalués en s’appuyant sur des processus existants tels que des plateformes de données et logiciels basés sur des services web. Ces solutions permettraient notamment d’intégrer l’automatisation du calcul des indicateurs de vulnérabilité.
Article rédigé par Bruno Landreau, directeur d’études risques et littoral ; Anaïs Cazaubon, chargée d’études risques littoraux-géomaticienne ; Chloé Tran Duc Minh, chargée d’études en aménagement en lien avec les risques et le littoral, Cerema.