Le Cerema a travaillé depuis 2018 sur le suivi de la reconstruction moyen terme de la partie française de l’île de Saint-Martin et a publié un article scientifique sur ce sujet à l’occasion de la 4e conférence européenne sur la gestion du risque inondation, en juin 2021.
Concilier le besoin de reconstruire vite et le besoin de reconstruire mieux
La reconstruction post-catastrophe de ce territoire ultramarin est un défi majeur pour les collectivités locales et pour l'État français. L'état actuel de la reconstruction post-catastrophe montre les difficultés à concilier les deux impératifs de "reconstruire plus vite" et "reconstruire mieux", dans un contexte de pression sociale, politique et médiatique. Dès lors, quelles conditions seraient nécessaires pour profiter de ce moment clé et rendre la petite île plus résiliente à un nouvel événement ? Quels enseignements tirons-nous de cette expérience pour la gestion de la reconstruction ?
Le Cerema a notamment interrogé les acteurs de la reconstruction, tels que les services locaux de l’Etat, les techniciens de la collectivité et les habitants, effectué une revue de presse et pris connaissance de nombreux documents officiels.
L’île comprend une forte population étrangère (le français n’y est pas la langue la plus parlée), et son économie est essentiellement tournée vers le tourisme. 95% des bâtiments ont été impactés par l’ouragan, dont plus d’un quart très fortement. Face à cette situation exceptionnelle, le gouvernement français entendait mener une reconstruction vertueuse afin de tirer les conséquences de la catastrophe et saisir l'opportunité de relancer l'économie touristique déjà fragilisée avant Irma. Un responsable du gouvernement français fait état "d'une opportunité unique de repenser ces territoires autrement".
L’article présente une analyse de la réorganisation des institutions locales à Saint-Martin dans le cadre de la reconstruction post-Irma et les aspects liés à la coordination des différents acteurs.
L'ambition de mieux reconstruire après une catastrophe était élevée en raison de l'absence d'exemple en France métropolitaine d'un projet de reconstruction à grande échelle après une catastrophe. Saint-Martin est-elle moins vulnérable aujourd'hui ? Ce n'est pas évident, comme le montre la tension autour des nouvelles règles de gestion des risques. Il faut néanmoins souligner que l'enfouissement des réseaux électriques et numériques est une avancée significative.
Quels points d’attention lors de la phase de reconstruction ?
L’analyse des entretiens menés auprès des acteurs locaux a permis de mettre en évidence les obstacles et facteurs pour faciliter l’émergence d’une stratégie de reconstruction résiliente spécifique au contexte de Saint-Martin :
- Les controverses sur la perception de l'efficacité des travaux de réparation et de reconstruction et des méthodes d’évaluation des dommages soulignent l'importance de connaître et partager l’état initial du territoire sinistré avant l'ouragan, surtout lorsque, comme ici, les agents mobilisés après la catastrophe ne connaissaient pas le contexte local.
- La réorganisation des services de l'État français sur Saint-Martin, engagée en même temps que le relèvement post-Irma, et les choix politiques de gestion de l’urgence par la collectivité locale de Saint-Martin ont contribué à un manque de clarté du rôle de chacun des acteurs impliqués dans la gestion de la reconstruction du territoire.
- L'incapacité à organiser une gestion collégiale de la reconstruction, basée sur une nécessaire concertation avec les élus locaux, les acteurs socio-économiques et les populations de Saint-Martin, a empêché l'identification du leadership indispensable pour porter un projet global de reconstruction.
- Des difficultés de la part des autorités à prendre en compte les attentes locales, à identifier des personnes ressources au niveau local pour faciliter les échanges avec les habitants.
- Le manque d’expérience et de compétences des acteurs locaux (Etat et collectivité) en gestion du risque et en urbanisme notamment, pour mettre en œuvre le processus de reconstruction, de manière adaptée au contexte de Saint-Martin.
- Le choix de l’Etat de ne pas s'appuyer sur un fonds unique dédié a rendu le financement de la reconstruction plus complexe. Une bonne compréhension des conditions de mobilisation des ressources financières dédiées au relèvement est clairement une condition du succès du relèvement post-catastrophe, qui nécessite un renforcement des ressources techniques locales.
L'échec de l'ambition initiale de promouvoir un nouveau modèle économique et social illustré par l’exemple de Saint-Martin, montre que la phase de récupération n'est pas l'occasion de transformer un territoire en raison de la forte volonté collective de revenir à l'état initial.
Cette expérience à Saint-Martin souligne l’importance de planifier et préparer la gestion de la phase de reconstruction en amont des catastrophes, à l’image des pratiques existantes pour la préparation à la gestion de la crise.