Cet article fait partie du dossier : Impact de la crise Covid-19 dans le domaine routier: les webinaires de l'Association mondiale de la route
Voir les 2 actualités liées à ce dossierOrganisées par l’association mondiale de la route (PIARC), ces sessions en visioconférence permettent de partager les retours d’expérience en temps quasi réel, de répondre aux questionnements, de guider les pratiques mais surtout d’en tirer des enseignements précieux.
Même s’il est reconnu que les stratégies de gestion évoquées dans ces échanges ne sauraient dicter des futures pratiques, elles remettent en question les approches traditionnelles et développent la résilience.
Italie : un conseil national de crise intégrant les entreprises routières
La coordination de la crise est assurée par la protection civile, compétente en matière de risques naturels et de gestion de crise, et sous la direction du premier ministre italien. Quant aux entreprises routières (ANAS et sociétés privées d'autoroutes) et ferroviaires, elles sont consultées au sein du conseil national pour la gestion des crises. Un département de la sécurité des administrations routières est spécialement mobilisé pour assurer une réponse résiliente des organisations.
Comme en France, les déplacements sont limités aux besoins essentiels : se nourrir, se soigner, travailler. Sur le plan économique, les activités alimentaires, agricoles, médicales et sanitaires sont les seules autorisées.
En complément de l’assouplissement des règles de la commande publique, des fonds spécifiques ont été débloqués par le gouvernement pour répondre aux enjeux de protection sanitaire. Des commissaires à la santé ont d’ailleurs été nommés au niveau national et régional pour veiller au bon approvisionnement.
Le numérique occupe la première place au quotidien: il est indispensable pour maintenir à distance l’essentiel des activités professionnelles et scolaires et pour assurer le lien social, il est aussi une alternative pour accéder à certains biens et services sans avoir à se déplacer tout et représente une réponse technologique pour suivre l’évolution de la pandémie.
Au croisement de ces pratiques, il est question à la fois d’accessibilité pour tous, de respect de la vie privée et du traitement des données personnelles, soulevées par bien d’autres pays.
Face à cette situation, le ministère italien de l'innovation a mis en œuvre certaines initiatives dès les premières semaines du confinement.
- L'initiative de solidarité numérique : Une campagne visant à amener les sociétés Internet et les éditeurs à fournir des services gratuits pour aider les gens à travailler et à étudier depuis leur domicile, ou pour aider ou améliorer la vie des citoyens pendant la période de confinement.
- Une procédure accélérée de passation de marchés publics : Un processus facilité et plus réactif pour toutes les administrations publiques dans l'acquisition de biens et services, notamment numériques.
- L’initiative "Innover pour l'Italie": Une démarche visant à identifier des solutions innovantes pour surveiller et contrôler le virus, et qui s’adresse à tous (entreprises, universités, entités publiques et privées, centres de recherche, associations, coopératives, consortiums, fondations et instituts…)
- L’appel à contributions "des nouvelles technologies pour combattre le Covid-19": Un appel à contributions éclair sur 3 jours pour soutenir le ministère de la santé et l'Istituto Superiore di Sanita, en collaboration avec l'OMS, visant à identifier les meilleures solutions numériques applicables à la télémédecine et la surveillance "active" du risque d'infection.
Espagne : un challenge pour maintenir la continuité de service
L'état d'alerte sanitaire a été déclaré le 14 mars dernier dans l’ensemble du pays. Le gouvernement a alors désigné quatre autorités compétentes : le ministère de la défense, le ministère de l’intérieur, le ministère de la santé et le ministère du transport, de la mobilité et de l’agenda urbain.
Elles sont habilitées, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une procédure administrative, à émettre des ordonnances et des instructions de toute nature, dans leurs domaines d'activité respectifs.
En revanche, le niveau juridictionnel infranational (régional, provincial et local) conserve les pouvoirs qui lui sont conférés par la législation en vigueur dans le cadre de la gestion quotidienne, y compris les routes et les transports. La priorité était d’assurer la protection sanitaire des personnes, le respect des règles de confinement mais aussi la sécurité des biens et lieux. Les agents des forces de sécurité ont été mobilisés pour effectuer des contrôles.
Concernant le domaine routier, le ministère du transport, de la mobilité et de l’agenda urbain (MITMA) est responsable de la coordination des mesures touchant aussi bien au transport en commun, transport de marchandises, déplacements des citoyens, activité administrative, activité de travaux et d'entretien des routes mais également aux personnels lié à l’activité qu’ils soient sur le terrain, au bureau ou à domicile. Les impacts économiques avec la gestion des engagements contractuels sont également de leur ressort.
La Direction générale des routes d'Espagne (Direccion General de Carreteras) a rencontré quelques difficultés pour maintenir la continuité de service dans un contexte très compliqué.
Mesures relatives au transport de passagers (et leurs conducteurs)
Qu’il s’agisse de transport public ou privé routier, ferroviaire, maritime ou aérien, l’offre est réduite de 90% pour les moyennes et longues distances. Pour les déplacements de courtes distances, principalement liés au quotidien, les mesures prises se font au cas par cas avec, comme partout, une difficulté particulière pour maintenir la distanciation physique dans les trains de banlieue, les métros et les bus.
La capacité maximale des solutions de transport de passagers est par exemple réduite d’un tiers. La protection des conducteurs n’est pas oubliée : incitation au paiement par carte bancaire, rangée vide derrière le siège du conducteur, vitre de protection ou passage par les autres accès le cas échéant.
Pour les taxis, un seul passager est autorisé à bord sauf cas exceptionnel.
Mesures relatives au transport de marchandises (et leurs conducteurs)
La majeure partie du transport intérieur se faisant par la route, des mesures ont été mises en œuvre pour assurer l’approvisionnement tout en assurant la protection des conducteurs.
Les aires de service, les stations-service, les centres logistiques qui disposent de sanitaires doivent donner l’accès aux conducteurs et les entretenir, tout comme proposer un service de restauration pour ceux qui le peuvent et maintenir l’activité de vente de produits de première nécessité.
La validité des certificats d'aptitude professionnelle qui arrivent à expiration est prolongée au moins 120 jours au-delà de la fin de fin d’alerte sanitaire.
Mesures relatives à la circulation des personnes et à l'activité administrative
Le ministère de l'intérieur peut décider de fermer certaines routes pour des raisons de santé publique, de sécurité ou de fluidité du trafic, ou de restreindre la circulation de certains véhicules.
Les villes sont quasiment à l’arrêt du fait des déplacements limités aux premières nécessités. D’ailleurs, les contrôles sont renforcés avec des amendes sévères pour dissuader les déplacements non autorisés, notamment vers les résidences secondaires.
Concernant l'activité administrative, les délais de prescription et d'expiration des actions et des droits sont suspendus. Les démarches sont uniquement dématérialisées.
Mesures relatives au personnel routier
Les fonctions indispensables restent mobilisées et connectées à tout moment via le téléphone portable et les mails ; c’est le cas notamment de la sécurité des technologies de l'information, de la communication et de l'entretien des bâtiments.
Le télétravail est généralisé notamment pour le personnel de bureau, les lieux habituellement ouverts au public sont fermés.
Mesures relatives aux travaux routiers
En préambule, il est précisé que la crise relève d’un problème de santé publique et non du cas spécifique du lieu de travail. Ainsi, il ne s’agit pas pour les employeurs de modifier leur plan de santé-sécurité mais plutôt de prendre en compte le nouveau protocole sanitaire et de faire appliquer les règles à tous, y compris les sous-traitants.
Parmi les mesures préventives, il est question de réduire les équipes au minimum par deux et de désinfecter les éléments communs au début et à la fin de chaque période de travail. Il est aussi recommandé d'éviter tout contact physique lors des transmissions d’informations et de privilégier les outils numériques.
Les travaux jugés prioritaires relèvent avant tout d’actes de surveillance et de contrôle notamment pour les communications, les accidents, les tunnels, l’entretien routier et les services hivernaux.
Les travaux de construction se poursuivent malgré le défaut d'approvisionnement de certains matériaux ou d’hébergement et de restauration pour les travailleurs. Certaines municipalités ont ordonné l'arrêt des travaux publics, mais pas des travaux privés, pour limiter l’impact économique.
Cas des engagements contractuels
Pour des marchés publics de travaux, de services ou de fournitures dont l'exécution serait impossible en raison du Covid-19, le contractant peut demander la suspension ou la prolongation du délai. En l'absence de réponse dans les 5 jours, la demande est considérée comme rejetée.
Si la suspension est approuvée, ce qui concerne la majorité des cas, le pouvoir adjudicateur devra payer sur demande les dépenses salariales, maintenir les garanties et assurances, louer ou entretenir les installations affectées au contrat et qui ne peuvent être utilisées à d'autres fins.
Japon: Réduction récente du trafic
Dans un contexte d’état d’urgence et des fortes disparités régionales, on constate depuis le courant du mois d'avril les premiers effets de la pandémie sur le secteur routier, avec des baisses sensibles des trafics.
Dans un pays habitué aux crises (tremblements de terre, typhons…), les plans de continuité de l’activité sont bien maitrisés. Voici par exemple comment la Hanshin Expressway Engineering Co. a adapté le sien pour mettre en place des mesures préventives et limiter la propagation du virus.
Phase | Statut de l'infection | mesures de prévention |
---|---|---|
I | Evolution de la pandémie à l’extérieur du Japon |
Renforcer les contrôles des infections au bureau Renforcer les consultations médicales des personnels Annuler les voyages dans les pays touchés (liste officielle) |
II | Développement de l’infection au Japon |
Phase I + Encourager le travail échelonné et le télétravail Réduire au maximum les voyages d’affaire au niveau national Prioriser les travaux routiers |
III | Infections dans les équipes et leur famille |
Phase I & II + Généraliser le travail en équipe et le travail posté Réduire au maximum les activités de bureau et les opérations de maintenance /exploitation |
IV | Fin de l'infection | Mettre en place des contrôles médicaux réguliers |
États-Unis : priorité au transport de marchandises
Le 29 février, le gouverneur de l'État de Washington, Jay Inslee, était le premier gouverneur à déclarer l'état d'urgence sanitaire. Le 13 mars, le président Donald Trump a déclaré l'état d'urgence pour l’ensemble de la nation. Et depuis le 1er avril, les autres états emboîtent le pas. Ces derniers possèdent, exploitent et entretiennent 90 % des réseaux de transports linéaires. Ils sont donc en première ligne pour appliquer des mesures de contrôle et de prévention d’urgence.
Le département américain de la sécurité intérieure a d’ailleurs identifié le secteur des infrastructures comme un acteur clef dans la gestion de crise.
Par exemple en Floride, le département d'État gère la circulation aux points de contrôle et informe sur les procédures de quarantaine.
Comme ailleurs, le transport de marchandises est l’activité primordiale à maintenir. Les limitations de poids ont été réévalués de manière à assurer l’approvisionnement de produits de première nécessité.
Les agences routières privilégient le télétravail, les bâtiments gouvernementaux sont fermés, les services de péage sont dématérialisés, mais les services d’entretien des routes assurent la continuité de service.
On constate un impact sur la mobilité avec un trafic automobile réduit de moitié dans certaines zones et des transports en commun désertés à 90%. Les conséquences économiques se font sentir avec une baisse des recettes sur la taxe carburant et des coûts de désinfection à la hausse. Le financement de futurs travaux d’infrastructures pourrait être remis en cause.
Pays du Golfe : fort impact de l'arrêt des transports
Bien que le nombre de cas covid-19 soit inférieur à celui de la Chine, de l’Europe et de l'Amérique du Nord au moment des échanges, les pays du Golfe ont opté pour un confinement total (Koweït, Qatar, Arabie saoudite, Oman) ou partiel (Émirats arabes unis et Bahreïn).
On retrouve les mesures restrictives classiques telles que le télétravail, la limitation des déplacements aux besoins primaires, la limitation du nombre de passagers dans les transports en commun, la fermeture des commerces non essentiels.
Les impacts économiques sont immédiats avec le secteur des transports à l’arrêt. Les vols internationaux ont quasiment cessé et l’industrie du tourisme est soumise à des restrictions de quarantaine.
La plupart des habitants du Golfe sont des expatriés, seulement 10 % de locaux, c'est pourquoi la région dépend fortement du secteur aérien pour ses affaires. A Dubaï, on observe une baisse de 85 % des flux de circulation en fonction des itinéraires et des lieux touristiques, et une baisse de 70 à 80 % de la fréquentation du métro et des bus.
La baisse record des prix du pétrole vient exacerber le déficit que les banques centrales s’attachent à relancer.
Dans le domaine du BTP, les projets connaissent un certain ralentissement en raison des défauts d’approvisionnement dus à la fermeture des usines en Chine, des restrictions des équipes de nuit en raison du couvre-feu, d'une baisse de productivité due au retour des expatriés en quatorzaine, et du report de tâches spécialisées assurées par des experts étrangers.
Les impacts environnementaux et sociaux notamment sur la qualité de vie est souligné et interroge sur la pérennité de ce nouvelle modèle : réduction de trafic et amélioration du niveau de service, résilience et modèle de croissance des entreprises, durabilité des services numériques mis en place…
Chine : les mesures de transport pendant la crise du covid-19
Le Dr Wang Jian a présenté les actions et expériences des autorités routières en Chine pendant l'épidémie de COVID-19.
Le 20 janvier 2020, le COVID-19 a été classé comme une maladie infectieuse de classe B par la Commission nationale chinoise de la santé, avec plus de 80 000 cas. Le 8/2/2020, le Conseil d'État a coordonné la prévention et le contrôle des maladies épidémiques ainsi que la reprise des travaux.
Les principales mesures appliquées par le ministère des transports sont les suivantes:
- Publication de directives de protection - Il s'agit notamment de directives techniques pour la désinfection des transports publics (Conseil d'État), de directives pour la protection de la santé dans les terminaux de passagers et les véhicules de transport, de directives pour la prévention et le contrôle des épidémies de COVID-19 dans les terminaux de passagers et les véhicules de transport avec des classifications par région et par niveau.
- Soutien aux fournitures d'urgence - exemption d'inspection, exemption de stationnement, exemptions de péage et priorités de passage fournies. Le traitement des laissez-passer a été simplifié et une quarantaine de 14 jours s'applique aux chauffeurs, aux dockers et aux autres membres du personnel qui assurent la livraison à court terme de fournitures dans les zones touchées.
- Les voyages de retour sont garantis pour les travailleurs migrants - personne spécialement affectée, véhicule spécial, usine spéciale et ligne spéciale, pour obtenir un transport direct "point à point" et un seul arrêt ; et traitement simplifié des licences pour les véhicules affrétés.
- Les péages autoroutiers étaient gratuits - sans frais pour les petites voitures particulières (depuis le 23 janvier), sans frais pour les véhicules transportant des fournitures d'urgence/médicaux/patients pour la prévention des épidémies, avec une priorité de passage pratique (depuis le 25 janvier), sans frais pour les véhicules affrétés transportant des travailleurs migrants (depuis le 7 février), et sans frais pour tous les véhicules sur les routes à péage (depuis le 17 février).
Certaines applications technologiques sont en cours d'application, telles que :
- Passeport numérique - codes de santé personnels pour réduire les transferts entre villes
- Cartes de voyage à grandes données de communication
- Mesures de la température par infrarouge (tests de température sans contact) dans les gares de transport, les aires de service des autoroutes, etc.
- Codes de bus pour scanner les codes QR avant que les utilisateurs ne montent dans le bus, ce qui améliore l'efficacité de la traçabilité de l'épidémie et permet d'identifier les contacts étroits
- Mesure de la température par reconnaissance de la face d'un bus.
L'intérêt des Systèmes de Transports intelligents
Valentina Galasso, Présidente du Comité 2.4, Recommandations des rapports de l'AIPCR sur l'exploitation des réseaux routiers et les STI, a relevé plusieurs points sur l'apport des Systèmes de Transports Intelligents (STI) :
- Les STI peuvent être d'une grande aide aux gouvernements et au secteur privé pour fournir aux usagers de la route une mobilité, des procédures et des données améliorées. Les STI sont des solutions qui peuvent améliorer la mobilité, améliorer les échanges de communication avec les parties prenantes internes et externes, soutenir les processus de prise de décision et permettre aux autorités routières et aux opérateurs routiers de communiquer de manière plus sûre et par le biais de dispositifs technologiques et de permettre la continuité des services de transport.
- Les applications STI visent à fournir des services innovants relatifs aux différents modes de transport et à permettre aux utilisateurs d'être mieux informés et d'utiliser les réseaux de transport de manière plus sûre, mieux coordonnée et plus "intelligente".
- Les solutions à faible coût peuvent être une option valable en cas de besoin, par exemple les technologies nouvelles et émergentes peuvent jouer un rôle important dans le développement de solutions STI lorsqu'il s'agit de budgets réduits et de coûts opérationnels limités. Elles peuvent également constituer une alternative valable lorsque le temps ou les ressources sont insuffisants pour mettre en œuvre une solution plus complexe et qu'il est nécessaire de fournir aux usagers de la route des services continus.
- Le rôle des données est fondamental pour la prise de décision. Par exemple, les données peuvent influencer toute la chaîne de valeur dans le secteur du transport routier et l'utilisation de Big Data peut soutenir la prise de décision.
- Il est important de capitaliser et de partager l'expertise, de développer une vision forte et à long terme, de s'adapter aux changements et de repenser ce qui ne fonctionne pas.
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