Visite à la ferme : des actions en faveur de la biodiversité
La ferme de Monsieur Éric Germond à Chabanais (Charente) constitue un exemple de conjonction de la préservation de l’environnement, du bien-être animal et de résilience agricole pour le bocage. Dans la continuité de la stratégie bocagère de Charente Limousine, une visite de la ferme d'Éric Germond, paysan à Chabanais et membre du CIVAM de Charente Limousine, a été organisée. Pendant plus de deux heures, en présence d’associations, de propriétaires, de syndicats de bassin, de l’OFB, du Cerema, d’un élu et de la réserve naturelle nationale de l’Astroblème et de la Communauté de Communes de Charente Limousine, Monsieur Germond a illustré les différentes fonctions de la haie sur son exploitation.
Monsieur Germond a fait évoluer ses méthodes d'exploitation au cours des vingt-cinq dernières années suite aux dégâts subis lors de la tempête de 1999, phénomène climatique qui a constitué pour lui un déclic. Déterminé à réduire l’impact de son activité sur l’environnement et à assurer la résilience de son exploitation face aux changements climatiques, il entreprend un changement de cap : il diminue son cheptel, plante des haies, restaure des zones humides et se concentre sur l’amélioration génétique de son troupeau.
Des kilomètres de haies plantées, des mares restaurées
Pour lutter contre l'érosion et éviter les terrains nus, Éric Germond a commencé les couverts végétaux dès 1997. Aujourd'hui, 10 km de haies ont été plantées sur les 20 km de haies existantes, comprenant du frêne, du mûrier blanc, du saule, etc... Au pieds des nouveaux plants, de la paille de lin est étendue. Cette paille dense résiste pendant au moins trois ans et permet de garder la fraîcheur durant les épisodes caniculaires estivaux.
En limite de parcelles, la ripisylve de la rivière la Graine s’est régénérée naturellement ; elle est désormais dense et multi-strates. Éric Germond dit avoir "laissé faire la nature".
Les parcelles sont clôturées, sans barbelé dans un souci de bien-être animal, empêchent les vaches de venir détériorer les jeunes plants. Une bande de 1 m 20 à 1 m 30 entre la clôture et le pied de la haie permet aux animaux de brouter sous le fil, au plus près des plants, sans pour autant les piétiner et perdre trop de surface de pâturage.
Les tailles de haies sont utilisées comme fourrage pour les vaches lorsque l’herbe devient rare en été.
Le robinier faux-acacias, planté dans les haies en 2008, est une espèce désormais connue pour son caractère envahissant. Mais, taillé régulièrement, le robinier sert de fourrage (ses feuilles étant aussi nutritives que le foin, la luzerne) et son bois est utilisé pour fabriquer les piquets des clôtures. Avec seulement six acacias, 300 piquets peuvent être fabriqués. Une fois usés, ces piquets sont brûlés dans la chaudière pour chauffer la maison. Dans vingt ans, les tailles de haies devraient suffire à nourrir les vaches pendant au moins trois semaines en été et ainsi mieux se prémunir des effets du changement climatique.
Les techniques de taille, le choix des végétaux sont continuellement ajustés en fonction des retours d’expérience, bons ou mauvais. Par exemple, les prunelliers sont désormais moins plantés, car leurs épines tombent au pied des arbres et empêchent les vaches de manger l'herbe.
Par ailleurs, tous les drains de l’exploitation ont été bouchés, les mares ont été restaurées, les berges de la rivière ont été mis en défends pour favoriser la régénération naturelle. L’étang existant a été remplacé par une zone humide, favorisant ainsi la biodiversité locale.
Un système en arête de poisson a été réalisé à la sous-soleuse dans les champs en pente afin de retenir l’eau de pluie à la parcelle et de recréer ainsi de l’humus en profondeur.
Les difficultés rencontrées
Mettre en place ces nouvelles pratiques a nécessité un véritable apprentissage. Il a fallu non seulement réinventer ses méthodes de travail, mais aussi chercher un soutien technique, tant auprès d’associations que d’organismes de recherche tels que l'INRAE.
Avec l'aide de Prom’haies, Eric Germond teste des variétés locales, mieux adaptées au changement climatique, mais aussi des espèces exotiques comme le goyavier, l'amandier ou le pistachier. Toutefois il reste convaincu que c’est bien le végétal local qui s'adaptera le mieux. Certaines espèces, comme le pacanier ou le nashi, ont été plantées à titre expérimental, sans garantie quant à leur développement. En partenariat avec le Centre d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural (CIVAM), des essais sont menés sur des haies dites "climats", avec des plantations de sureau provenant de la Nouvelle-Aquitaine et du Sud-Est. Toutefois, 99 % des haies restent composées de végétaux locaux.
Malgré les avantages à long terme, la mise en place de haies nécessite une implication importante de l’exploitant (création de clôtures, un entretien régulier de l’ordre d’un jour par semaine).
La plantation de haies implique également une réflexion globale : il faut définir chaque îlot, déterminer au préalable l’emplacement des abreuvoirs, des points d’ombres, savoir où planter et comment orienter les haies en fonction des besoins spécifiques (plantation perpendiculaire à la pente pour lutter contre l’érosion, parallèle pour les phénomènes d’inondation) et à quel endroit.
Conclusion
Les haies jouent un rôle essentiel en protégeant le bétail des intempéries : elles servent de brise-vent, apportent de l'ombre et assurent une meilleure résistance aux aléas climatiques.
Le couvert permanent des prairies joue également un rôle crucial dans l'enrichissement du sol : il permet d’apporter de l’humus, garantissant une production d’herbe sur une prairie permanente comparable à celle d’une prairie temporaire qui aurait été ressemée, tout en favorisant le stockage de l’eau. En effet, 1 kg d’humus peut retenir jusqu’à 7 litres d’eau. Lors des automnes pluvieux, le sol riche en humus peut retenir l’eau pendant plusieurs semaines avant qu'elle n'atteigne la rivière.
Grâce aux haies, Éric Germond n’a plus connu de coulées de boue ni de phénomènes d’érosion ou de ruissellement. Le sol est désormais mieux protégé, et les risques liés à ces phénomènes ont disparu.