
La mobilité quotidienne cristallise une grande partie des enjeux liés aux interactions entre santé et mobilité : d’un côté elle apporte des bienfaits réguliers sur la santé physique des personnes, surtout si elles se déplacent à pied ou à vélo, mais de l’autre se déplacer quotidiennement expose aussi de manière répétée à différents risques (accident, pollution, stress etc.). Dès lors, les politiques de mobilité doivent tenir compte de ces enjeux sanitaires pour la population, en comprendre les leviers d’action et contribuer à la réduction des inégalités, dont une partie sont liées à la mobilité.
Si les multiples interactions entre santé et mobilité sont documentées depuis plusieurs années (D. Sayagh, L. Jardinier et V. Kaufmann1 et J. Vallée2), les protocoles de mesure et d’évaluation de ces niveaux d’interactions et leur analyse au prisme des contextes sociaux et environnementaux se font plus rares.

Mobilité et santé physique
Déjà largement utilisées dans l’élaboration des politiques publiques de mobilité, les enquêtes mobilité certifiées Cerema EMC² présentent certains atouts pour appuyer les politiques publiques de santé. La connaissance du mode de transport (dont la marche), des heures et lieux des déplacements quotidiens effectués par les résidents d’un territoire, quel qu’en soit le motif, permet une mesure correcte des niveaux d’activité physique générée par la mobilité active. S’appuyant sur un large échantillon de répondants, ces enquêtes permettent par ailleurs une comparaison temporelle et spatiale. Deux exemples d'analyses sont à retrouver ci-dessous.
SANTE physique, sociale et mentale

Le questionnaire standard d’une EMC² présente néanmoins deux principales limites :
- l’activité physique générée par les activités quotidiennes autres que la mobilité n’est pas bien appréhendée : par exemple le niveau d’intensité des pratiques sportives n'est pas mesuré, l'activité physique au domicile non plus (jardinage, travaux, sport intérieur)
- les enjeux de santé mentale et sociale liés à la mobilité ne sont pas abordés alors qu'ils participent à l'évaluation de l'état de santé général d'une population.
Dès lors, l’adaptation du cadre de l’enquête mobilité est nécessaire pour tenter de mieux mesurer les interactions en termes de santé sociale, mentale et physique.
La démarche engagée par le Cerema consiste donc à développer un outil de diagnostic santé et mobilité adossé aux EMC2 (projet SANUM) s’appuyant sur les trois champs de la santé. Cela permettra aux collectivités de disposer d’une aide à la décision et d’éléments de communication sur le champ santé-mobilité appuyés sur un diagnostic qui mettra en lumière les déterminants socio-démographiques et géographiques de la santé et ses liens avec la mobilité quotidienne.
Les travaux déjà engagés par le Cerema ont permis d’établir :
- les indicateurs santé-mobilité à développer à partir des EMC²,
- une liste d'outils plus ou moins complexes à mettre en œuvre, de la simple question supplémentaire à intégrer au questionnaire EMC², à un protocole d'enquête ad hoc qui viserait à équiper les enquêtés volontaires de l'EMC² de boîtiers GPS ou de dispositifs spécifiques permettant de mesurer leur exposition à la pollution de l’air.
Ces travaux ont fait l’objet d’une étude « Projet SANUM – Outil de diagnostic santé et mobilité » réalisée par le Cerema3 et financée par l’Ademe, dont le rapport complet est disponible sur le site de l’Ademe.
Un protocole expérimental en cours
Parmi les actions identifiées comme prioritaires dans le projet SANUM, la réalisation d’un questionnaire complémentaire web à celui de l’EMC² s’est rapidement imposée comme le prolongement le plus facile à mettre en place. Ce questionnaire doit mesurer les aspects de santé mentale et sociale, alors que le questionnaire standard EMC² évaluera classiquement les effets sur la santé physique des déplacements quotidiens.
Cette première expérimentation de protocole de collecte proposée par le projet SANUM vise ainsi à disposer d’une première mesure, inscrite dans un contexte social et spatial, des enjeux ressentis entre mobilité quotidienne et santé, en intégrant les trois grands champs de la santé. Elle permettra notamment de hiérarchiser les différents facteurs influant sur la santé et de mesurer leur lien avec la mobilité quotidienne des individus.
L’enquête EMC² couvrant le périmètre des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin est le terrain d’expérimentation de cette option web. Après une collecte réalisée entre janvier et avril 2024 pour la partie Bas-Rhin (Alsace Nord), des premiers résultats ont été présentés aux Journées d'échanges sur la mobilité urbaine (JEMU) en novembre 2024, dont les supports de présentation sont à retrouver sur la page dédiée aux JEMU.
Ce protocole expérimental est financé par le programme qualité de l'air du Cerema.
1 David Sayagh, Laurent Jardinier et Vincent Kaufmann, « Mobilités du quotidien et santé. », EspacesTemps.net [En ligne], Laboratoire, 2021 | Mis en ligne le 19 novembre 2021, consulté le 19.11.2021. URL : https://www.espacestemps.net/articles/mobilites-du-quotidien-et-sante
2 Julie Vallée. Introduction. Julie Vallée. Mobilité quotidienne et santé, ISTE Group, pp.1-4, 2023, Encyclopédie des Sciences - Domaine Géographie et Démographie (Géographie des réseaux d’infrastructure et des mobilités), 9781789481099. hal-04184253
3 Zoubir A., Sayagh D., Christian B. et Jardinier L., Projet SANUM – Outil de diagnostic santé et mobilité – Phase exploratoire, Convention ADEME n°2066C0002, Rapport final, 45 pages