Le Cerema présente les leviers d'action dans cet article pour Techni Cités.
Cet article du Cerema a été publié dans le magazine Techni Cités en novembre 2021.
Depuis quelques années, le commerce des centres-villes fait l’objet de toutes les attentions tant il est devenu un baromètre de leur vitalité. Le taux de vacance commerciale a connu une augmentation tendancielle depuis la fin des années 2000 : le palmarès établi par la Fédération pour la promotion du commerce spécialisé (Procos) fait état de niveaux souvent supérieurs à 10 % et parfois allant jusqu’à 25 % de vacance mesurée par le nombre de cellules vacantes par rapport au nombre total de cellules commerciales.
Situation du commerce en centre-ville
Tout d’abord, le commerce de centre-ville dispose des avantages en matière de centralité avec la présence des services publics et de l’accessibilité via des modes doux ou en transports collectifs. Le patrimoine historique d’une ville lui confère parfois des atouts indéniables par comparaison avec la périphérie.
Ensuite, la diversité de l'offre commerciale (marché, commerce alimentaire, supérette) permet de le différencier de la périphérie et participe à la stratégie d’attractivité de la centralité. Des aménagements qualitatifs (parcs et jardins, rues piétonnes, etc.) sont également incitatifs.
Cependant les inconvénients relevés par les spécialistes ne manquent pas :
- les difficultés d’accès en voiture individuelle liées à la congestion urbaine (dans les grandes villes) et au stationnement ont découragé les clients dans certaines villes ;
- les contraintes en matière de rénovation architecturale ou d’exploitation commerciale peuvent peser sur le dynamisme du centre-ville alors que l’installation en périphérie, dans des locaux fonctionnels, est souvent plus aisée.
Le linéaire commercial est parfois inadapté : les parcours marchands se sont rétrécis avec l’essor rapide de l’e-commerce et de nombreux locaux commerciaux ne peuvent plus se maintenir car situés trop à l’écart du "coeur marchand" de la ville. Cependant,
la composition du parcours marchand compte aussi beaucoup dans le dynamisme du centre-ville : la juxtaposition de commerces alimentaires avec des services bancaires et financiers sera peu adaptée à la fréquentation des premiers, comme des restaurants isolés au milieu de services financiers.
L’ensemble de ces questions relève souvent du rôle du manager de centre-ville ou de territoire qui tentera d’articuler les attentes des commerçants et de leurs représentants avec celles des autres acteurs économiques de la ville. Ces initiatives d’animation occupent une place centrale dans les leviers de dynamisation du centre-ville et dans le bon positionnement de celui-ci par rapport aux pôles commerciaux de périphérie.
Atouts et faiblesses de la périphérie
Les quelque 1 500 zones commerciales représentent 75 % des parts de marché du commerce de détail (source Procos, 2020). À mesure que le commerce s’est développé en périphérie, il a diminué en centre-ville et centre bourg, ce phénomène étant plus marqué dans les villes moyennes et les bourgs centres victimes d’érosion démographique. Les zones commerciales de périphérie offrent des avantages en termes d’accessibilité en voiture individuelle, de diversité de l’offre commerciale et de prix.
Mais ces atouts ont désormais tendance à stagner sous l’effet de la congestion urbaine qui touche aussi ces zones, de leur perte d’attractivité liée au temps d’achat dans ces espaces commerciaux victimes de leur taille. Le développement du commerce électronique (électroménager, informatique, hifi-vidéo, etc.) a également entamé le pouvoir d’attraction de ces zones. Leur chiffre d’affaires est d’ailleurs en baisse et le taux de vacance dans ces zones aurait doublé entre 2007 et 2020 (de moins de 4 % à plus de 8 % en 2020).
Les centres-villes commerçants et les zones commerciales de périphérie semblent donc emprunter le même chemin avec quelques années de décalage. La crise sanitaire aura eu un effet accélérateur mais l’amélioration de leur situation respective dépend de leur complémentarité et de la stratégie vis-à-vis du commerce électronique.
Le développement du commerce devient avant tout un enjeu de combinaison entre commerce en magasin et commerce en ligne. Pour les commerces de centre-ville et de périphérie, il s’agit de développer leur site en ligne afin d’améliorer le chiffre d’affaires tout en maintenant un volume de ventes suffisant en magasin.
Le plan de relance du gouvernement prévoyait de soutenir les commerçants indépendants pour se former aux outils du commerce électronique et créer leur site internet (une très petite entreprise sur trois dispose d’un site) – les enseignes de la grande distribution
ont déjà développé leurs propres sites.
Par ailleurs, les solutions collaboratives de vente en ligne offrent la possibilité aux collectivités (Sens, Le Puy-en-Velay, etc.) de promouvoir sur internet les produits locaux (ou non) que les commerçants proposent d’acheter en magasin ou en ligne.
À cet égard, la Banque des territoires, dans son annuaire Smart city, recense vingt-sept sociétés en France ayant développé des solutions pour digitaliser le commerce.
La revitalisation commerciale doit s’appuyer sur des outils de gestion numérique adaptés aux évolutions de la clientèle : la mise en place de conciergeries, souvent à l’initiative des mairies (Roubaix), de casiers électroniques (Sceaux) et même d’un wifi en centre-ville (Châlonsen-Champagne). Par ailleurs, elle se structure autour d’outils pour accompagner la mutation des professionnels du commerce (AchetezA.com, etc.).
Cependant, ils ne remplacent pas les conseils du commerçant et le lieu d’échanges qu’il représente.
Il s’agit d’un marqueur du rôle social des magasins (1) et du renouveau récent des commerces indépendants dans plusieurs villes (Chaumont, Thionville, etc.) observés par les manageurs de centre-ville. En cela, les commerces indépendants et bénéficiant
d’un support numérique ont certainement une carte à jouer dans le paysage post-crise sanitaire.
Par conséquent, l’opposition entre centre-ville et périphérie doit être dépassée pour s’intéresser aux pratiques d’achat et au rôle du commerçant dans un paysage où le commerce reste une fonction urbaine essentielle. Afin de favoriser la complémentarité entre commerces de périphérie et commerces de centre-ville, les collectivités peuvent s’appuyer sur des instruments de régulation qui ont évolué ces dernières années avec les opérations de revitalisation des territoires (ORT) et l’émergence d’opérateurs de redynamisation commerciale.
Les outils de régulation de l’aménagement commercial privilégient les mesures favorables à la revitalisation des centres-villes. Les collectivités et les EPCI en particulier se voient accorder un rôle de coordonnateur des différentes mesures afin de garantir la cohérence de l’action publique locale (plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi), ORT, etc.). Les documents d’urbanisme (schémas de cohérence territoriale, documents d’aménagement artisanal et commercial, PLU-i) constituent un premier socle d’outils juridiques pour assurer l’équilibre entre le centre ville et la périphérie. Ils permettent de définir des polarités commerciales et des localisations préférentielles pour les commerces en fonction de critères de zone de chalandise et de diversité commerciale.
La définition de la politique locale du commerce, compétence nouvelle d’intérêt communautaire créée par la loi Notre, permet aux intercommunalités d’intervenir sur l’aménagement, la création, l’entretien et la requalification des zones commerciales de périphérie.
L’artificialisation par les surfaces de vente interdite
Au titre de la lutte contre l’artificialisation des sols, l’article 215 de la loi Climat et résilience ne permet pas la délivrance d’autorisation d’exploitation commerciale si celle-ci conduit à l’artificialisation des sols par implantation ou extension des surfaces de vente.
Des exceptions sont possibles si l’analyse d’impact démontre son utilité en secteur d’ORT ou de quartier prioritaire de la politique de la ville, si l’opération renforce la mixité urbaine dans un périmètre déjà urbanisé, si l’opération se limite à la création d’une surface inférieure à 10 000 m2 ou à une extension ne conduisant pas à créer un ensemble commercial de plus de 10 000 m2.
Enfin, une dérogation pourra être accordée par le représentant de l’État (avis conforme) pour les surfaces de vente comprises en 3 000 et 10 000 m2. Ces mesures donneront lieu à un décret d’application en Conseil d’État.
Par Nicolas Gillio, chargé de mission Appui socio-économique aux territoires, Cerema
1) « Éloge du magasin : contre l’Amazonisation », Vincent Chabault, éditions Gallimard, 2019. (2) bit.ly/3GqZuVc (3) « Structuration de foncières de redynamisation », Banque des territoires, septembre 2020. (4) bit.ly/3Cs0NAP