Le plan "biodiversité" présenté par le gouvernement en 2018 introduit la notion de "Zéro Artificialisation Nette". Cet objectif ambitieux répond à une pression forte de l’urbanisation et à l’impact grandissant de l’étalement urbain sur la faune et la flore. Pour objectiver la consommation d'espaces des différents territoires, la DREAL Auvergne-Rhône-Alpes a fait appel au Cerema qui a réalisé une étude en trois phases.
Une démarche en 3 étapes
1. Dynamique d’artificialisation des Zones naturelles d’intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF de type I) entre leur création et aujourd’hui
Cette première phase qui s'est déroulée en 2019 a nécessité de comparer l’artificialisation des ZNIEFF au moment de leur création (1990 ou 2006 suivant leur génération) avec leur artificialisation actuelle . Le Cerema a donc dû travailler à partir de données d’occupation du sol (OCS) disponibles à ces dates ou, a minima, à des dates proches. Deux sources d’OCS ont été testées :
- Corine Land Cover : seuls les postes liés à l’artificialisation ont été utilisés
- Fichiers Fonciers (issus des données fiscales): les bâtiments de la BD PARCELLAIRE® (IGN ©) ont été datés grâce aux Fichiers Fonciers et agrégés par intervalles de dates pour générer des enveloppes urbaines périodiques. L’année de construction du bâti la plus récente disponible dans les Fichiers Fonciers au moment de l’étude étant de 2017, la situation "actuelle" considérée ici correspond aux données de 2017.
La méthode des enveloppes urbaines s’est avérée la plus adaptée et a été retenue pour la suite de l’étude. Elle ne permet de mettre en évidence que l'artificialisation liée à des constructions nouvelles que l'on qualifie d'"urbanisation".
Ce travail a permis de constater que les ZNIEFF qui se construisent ou s’urbanisent étaient le plus souvent celles qui intégraient des secteurs déjà urbanisés à la date de leur création. Pour les territoires mis en évidence lors de cette phase de l’étude, un échantillon de documents d’urbanisme a été analysé (SCoT, PLU). Il en ressort que les ZNIEFF sont globalement préservées d’une urbanisation importante, mais pas de constructions ou d’aménagements ponctuels.
La disponibilité et le rôle de conseil de la DREAL ont été un facteur de réussite de ce travail expérimental quant aux croisements de données qu’il a nécessité.
En outre, une attention particulière a été apportée sur la représentation graphique des résultats (data visualisation) pour faciliter l’interprétation des livrables.
2. Dynamique d’artificialisation des zones Natura 2000 entre leur création et aujourd’hui
La méthode mise en place pour les ZNIEFF a été appliquée aux zones Natura 2000 lors de la deuxième phase de l'étude, en 2020. Les Zones de Protection Spéciale (ZPS) et Zones Spéciales de Conservation (ZSC) ont été analysées ensemble puis séparément.
La conclusion de cette phase est similaire à celle des ZNIEFF.
Cette phase a également mis en évidence les différences existantes dans la façon dont les zones Natura 2000 ont été définies dans les ex-régions Auvergne et Rhône-Alpes. En Rhône-Alpes, les périmètres de ces zones sont souvent plus resserrés autour des espaces naturels, excluant les secteurs urbanisés. De ce fait, ces zones Natura 2000 ont été davantage préservées des urbanisations nouvelles. En Auvergne, le choix a été fait de définir des périmètres plus élargis, qui englobaient dès leur création des secteurs urbanisés. Il n’est donc pas étonnant que les zones Natura 2000 auvergnates soient davantage concernées par l’extension de l’urbanisation.
3. Constructibilité des ZNIEFF de type 1, zones Natura 2000 et zones humides au regard des documents d’urbanisme et de leur urbanisation passée
L’objectif de cette 3e phase, réalisée en 2022, consistait à mettre en exergue :
- Le niveau de protection des zonages environnementaux dans les documents d’urbanisme (PLU, PLUi). La connaissance de l’importance des zones constructibles à l’intérieur des ZNIEFF de type 1, des zones Natura 2000 et des zones humides pourra motiver des interventions ciblées (mesures de protection, mise en place de la séquence ERC, révision des documents d’urbanisme) et / ou des actions de sensibilisation dans les communes et EPCI concernés pour une meilleure considération de ces zonages (porter à connaissance plus explicites, amélioration des outils de communication, etc.) ;
- Les zonages environnementaux potentiellement menacés par l’urbanisation (part importante du zonage classée en zone à urbaniser (AU) et / ou urbanisée (U)).
Il s’agissait d’identifier les secteurs les plus exposés (zones déjà urbanisées et susceptibles de l’être encore) en croisant les résultats obtenus avec ceux des deux premiers volets de l’étude sur les dynamiques d’artificialisation. Le travail s’est articulé autour de trois axes :
- Recensement des documents d’urbanisme (Géoportail de l’Urbanisme, plateformes locales, etc.) et harmonisation des données
- Croisement des zonages environnementaux avec les documents d’urbanisme
- Mise en forme des données, calcul de statistiques à l’échelle régionale, départementale, intercommunale et communale et rendu dynamique : cartes, graphiques et rapport interactifs
La difficulté réside dans le fait que les zonages des documents d’urbanisme numérisés n’ont pas pu être récupérés sur l’ensemble de la région. Les statistiques de constructibilité ont donc été générées uniquement sur les communes dont le PLU(i) est téléchargeable librement sur une plateforme numérique (moins de 50 % des communes d’Auvergne-Rhône-Alpes).
Ainsi, une commune couverte par un PLU(i) non numérisé ou non téléchargeable et nécessitant pourtant une vigilance particulière du fait de l’urbanisation marquée de ses espaces naturels ne sera pas identifiée dans cette étude.
Cette incertitude concerne un cinquième de la totalité des communes. Parmi elles, 8 % sont couvertes par des Cartes Communales pour lesquelles les secteurs constructibles et inconstructibles n’ont pas pu être récupérés.
Par ailleurs, il est à noter que plus d’un quart des communes de la région sont soumises au RNU, où les espaces naturels ne sont en théorie pas menacés puisque toute construction nouvelle ne peut être autorisée que dans les parties urbanisées de la commune.
Si l’on considère l’ensemble des territoires dont le PLU(i) a pu être récupéré (agrégation des résultats communaux à la région), les zonages environnementaux sont situés essentiellement dans les zones naturelles et forestières (N) et dans les zones agricoles (A). Une petite partie de ces zonages est toutefois située en zone urbanisée (U) ou à urbaniser (AU) (en moyenne 0,7 % de la surface totale en ZNIEFF et 4 % de la surface totale U / AU).
Une vingtaine de communes nécessitant une vigilance particulière ont été mises en évidence. Il s’agit des communes dont la surface totale du zonage environnemental située en zone U / AU est relativement élevée au regard de son urbanisation passée. À ce stade il ne s’agit que d’une pré-identification, qui ne dispense pas d’une prise de connaissance plus approfondie des documents d’urbanisme pour apprécier la réelle prise en compte des zonages environnementaux dans la planification territoriale.
Un enjeu sur la disponibilité et la qualité des données
Cette phase de l’étude est venue clore trois années de travail avec la DREAL sur les dynamiques d’artificialisation passées et potentielles dans les zonages environnementaux.
Elle a permis de mettre en évidence que, outre le fait que les espaces naturels qui se sont le plus construits sont ceux qui l’étaient déjà au moment de leur création, certains zonages sont doublement menacés par la progression de l’urbanisation du fait de leur non prise en compte dans les documents d’urbanisme. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce phénomène : pressions démographiques, politiques, économiques (exemple : extension d’un parc d’attraction).
Il convient toutefois d’exploiter ces résultats avec précaution, car leur précision dépend de la qualité et de la disponibilité des données sources. Ainsi, par exemple, plus le tracé des zonages environnementaux est grossier et inclusif, plus cela entraîne que des communes puissent apparaître à tort comme urbanisant beaucoup sur des espaces naturels.
Les conclusions de cette étude pourront servir de levier d’action pour les collectivités (protection de leurs espaces naturels, déclassement de certaines zones constructibles dans les documents d’urbanisme, mise en place de mesures compensatoires). Elles pourront également encourager les services de l’État à poursuivre leurs efforts en matière de qualité de la donnée (reprise des périmètres environnementaux et amélioration de leur précision, meilleur accompagnement des collectivités pour la numérisation de leur PLU).
Les réflexions menées lors de cette étude se poursuivront en 2023 pour savoir comment s’approprier ce travail, comment le valoriser et le rendre accessible à tous.