La smart city, double peine pour les exclus ?
Selon Patricia Crifo, Directrice du programme « Smart Cities and urban policy » à l’Ecole Polytechnique, la croissance et l'innovation ont toujours été génératrices d’inégalités. Les tâches nécessitant le moins de qualifications sont toujours davantage automatisées, tandis que le progrès bénéficie d'abord aux personnes les plus qualifiées. De plus, les inégalités sociales et environnementales sont cumulatives, car ce sont en général les mêmes personnes qui souffrent de ces deux maux.
Il y a donc un enjeu fort à proposer des services qui permettent de réduire ces inégalités. Le politique a ici un rôle central à jouer. En effet, selon Antoine Picon, de l’Université d’Harvard, la technologie reste ce qu’on en fait à travers la politique. La ville intelligente sera donc avant tout ce qu’on voudra en faire. Le numérique peut également aider à réduire les inégalités en mesurant de nouveaux phénomènes, tels que les temps d’accès aux transports en commun dans certains quartiers défavorisés, qui viennent éclairer des choix politiques.
La ville intelligente doit donc être pensée comme un outil au service de la réduction des inégalités (David Kimelfeld, Président de la Métropole de Lyon). Mais le numérique est avant tout un enjeu culturel et il ne pourra être inclusif tant que 30 % des français se considèreront incompétents pour l’utiliser, comme c’est le cas aujourd’hui en France, d’après les chiffres du Crédoc rapportés par Orianne Ledroit (Agence du Numérique). Malgré ce handicap, la volonté d’adoption est forte, avec 76 % de français volontaires, et l’image de la smart city est plutôt positive pour ce qui est de l’amélioration de la qualité de vie (79 %).
La smart city, bénéfique pour tous les territoires ?
Philippe Vidal, de l’Université du Havre, cite les effets indésirables du numérique sur certains territoires. Par exemple, les territoires fortement portés par l’administration et le commerce local souffrent davantage de l’e-administration et du e-commerce que les autres.
A ce titre, les agents de La Poste offrent des services palliatifs à la population grâce au numérique. Par exemple, ils peuvent commander un livre dans une médiathèque pour un usager et lui livrer ensuite. La DGFIP a également mandaté la Poste pour aider certaines personnes, identifiées comme mal à l’aise avec le numérique, à télédéclarer leurs impôts (Guy-Pierre Sachot, La Poste).
De même, selon une étude de la Caisse des Dépôts, l’ouverture d’espaces de co-working attire de nouveaux habitants dans les territoires. Cependant, on arrive peut-être à un trop plein, car certains de ces lieux sont aujourd’hui contraints de fermer.
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Humaniser les flux avec le big data
Selon Eric Charreyron (Keolis), l’analyse des flux de déplacements masque la réalité des itinéraires empruntés par les usagers. En effet, beaucoup de monde se déplace tous les jours aux heures de pointe, mais ce ne sont pas systématiquement les mêmes personnes : seuls 30 % des usagers de l’heure de pointe d’un jour se retrouvent à l’heure de pointe du lendemain.
Ce constat est le même en heures creuses. Par exemple, le service de transports en commun de nuit à Dijon ne transporte que 1 500 personnes par jour, mais ce sont en réalité 17 000 usagers différents qui bénéficient de ce service sur toute la semaine. D’où l’importance de le maintenir.
L’exploitation de la data liés aux itinéraires permet de comprendre les comportements qui sous-tendent les flux et par là-même, de mieux répondre aux besoins des usagers.
Vers un usage responsable du numérique ?
Antoine Picon conclut la matinée en affirmant que le numérique ne sera pas infini et que la ressource nécessaire à son fonctionnement, en particulier l’énergie, doit être économisée. Il faudra donc être capable de limiter soi-même son usage du numérique, par exemple en ne regardant pas continuellement son smartphone.
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