12 juin 2019
Soyaux_rocade Est - D1000
Rocade d'Angoulême, entre Soyaux et L'Isle-d'Espagnac - D1000 @JackMa
Comment réduire les nuisances sonores d’une rocade ? Sur quels paramètres peut-on jouer ? Comment évaluer, mesurer, anticiper ? En modélisant la propagation du bruit en 3D autour de la rocade d’Angoulême, le Cerema a pu apporter des éléments de réponse et de prospective.

La gêne au bruit dépend à la fois du niveau de bruit et de sa durée. Le bruit d’un poids lourd sur voie rapide est équivalent à celui de 7 véhicules légers.

Les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) fixent le seuil de gêne sonore à 55 dB de jour et 48 dB de nuit, alors que des points noirs du bruit subsistent aux abords des infrastructures de transport avec des niveaux dépassant 70 dB de jour et 65 dB de nuit.

 

La modélisation en 3D 

À la demande de la préfecture de la Charente, le Cerema a modélisé et évalué la réduction des nuisances sonores de la rocade d’Angoulême par une limitation de la vitesse en la combinant avec les prévisions d’évolutions du trafic et celles d’évolution technologique des véhicules. Il s’est appuyé sur une méthode de référence (NMPB 2008) de la réglementation.

Les effets sonores des 3 paramètres :  le trafic, l’évolution technologique des véhicules et la vitesse, ont été évalués et combinés.

 

Le trafic : la durée d’exposition et le niveau du bruit routier augmentent avec le trafic. Trois périodes ont été étudiées : 2018, 2028 et 2038. Les prévisions de trafic routier sur la rocade d’Angoulême montrent une augmentation de 22 % du trafic tous les 10 ans avec un maintien de la proportion de poids lourds à 23 %.

logicielLes pneumatiques et le revêtement de chaussées sont les deux composantes du bruit de roulement, prépondérant au-delà de 50 km/h et masquant le bruit du moteur. L’augmentation du parc de véhicule électrique n’a donc pas été pris en compte dans les évolutions technologiques impactant le bruit de la rocade d’Angoulême.

Les perspectives d’évolution des pneumatiques seront plus silencieux, jusqu’à -3 dB en émission, grâce à un renforcement progressif de la réglementation.

L’amélioration acoustique des revêtements de chaussée permettrait de réduire considérablement le bruit de roulement, jusqu’à -9 dB soit l’équivalent d’un trafic divisé par 8, mais cette perspective n’a pas été retenue car leur surcoût et la diminution de leur performance dans le temps rendent incertains leur mise en œuvre.

La vitesse des véhicules : le niveau de bruit émis par un véhicule augmente avec sa vitesse. La vitesse est actuellement limitée à 110 km/h pour les véhicules légers (VL) et 80 km/h pour les poids lourds (PL). Deux scénarios ont été étudiés : une limitation VL/PL à 90/80 km/h et à 90/70 km/h.

 

Quels résultats ?

Les effets sonores des trois paramètres, trafic, vitesse et évolutions technologiques, sont indépendants et se cumulent.

La réduction à l’émission du bruit de roulement se répercute intégralement en réception sur les habitations proches de la rocade, soit un impact sonore réduit de 3 dB avec les hypothèses d’évolution technologique retenues. Cette réduction sonore est importante car équivalente à celle d’un trafic routier divisé par 2.

L’évolution de trafic augmente le niveau sonore en moyenne de 0,85 dB en 2028 et 1,7 dB en 2038, valeurs calculées par la modélisation sur une sélection représentative de points proches de l’infrastructure.

Le passage en vitesse VL/PL de 110/80 km/h à 90/80 km/h induit une réduction du niveau sonore en moyenne de 0,65 dB de jour et 0,35 dB de nuit.

Le passage de 110/80 km/h à 90/70 km/h réduit le niveau sonore de 1,3 dB de jour et 1,2 dB de nuit, valeurs calculées par la modélisation sur la même sélection de points récepteurs que pour les autres paramètres.

Les gains et les pertes s’additionnent pour obtenir le bilan acoustique global au niveau des riverains. Par exemple, pour un trafic en 2038 (+1,7 dB), une limitation à 90/70 km/h en vitesse VL/PL (-1,3 dB) et une prise en compte de l’évolution technologique des pneumatiques (-3 dB), les nuisances sonores sont réduites de 2,6 dB (= 1,7 dB – 1,3 dB – 3 dB).

 

Que retenir ?

La limitation de vitesse VL/PL de 110/80 km/h à 90/80 km/h permet de diminuer les nuisances sonores. Néanmoins, cette diminution ne permet pas, à elle seule, de compenser l’augmentation des nuisances sonores induites par l’évolution du trafic en 2028 et a fortiori en 2038.

La limitation de vitesse VL/PL de 110/80 km/h à 90/70 km/h permet de diminuer les nuisances sonores et compense l’augmentation des nuisances sonores induites par l’évolution du trafic en 2028 mais ne compense pas celles induites par l’évolution du trafic en 2038. Cette seconde limitation de vitesse montre que l’impact sonore des poids lourds est prédominant sur la rocade d’Angoulême.

L’évolution technologique a minima des pneumatiques permet à elle seule de compenser largement l’augmentation du trafic jusqu’en 2038 : -3 dB grâce à l’évolution technologique et +1,7 dB dû à l’augmentation de trafic.

Les dernières recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en 2018 fixent le seuil de gêne sonore à 55 dB de jour et 48 dB de nuit, en niveaux sonores moyens selon les indicateurs français. Pour suivre ces recommandations, plus contraignantes que la réglementation actuelle, toutes les solutions de réduction des nuisances sonores doivent être considérées en fonction du site, tels que les écrans et les merlons acoustiques, l’entretien et l’amélioration acoustique des revêtements de chaussée, la distance et l’orientation des habitations par rapport à l’infrastructure, l’isolation de façades, l’évolution technologique des véhicules, le report de trafic et la limitation de vitesse.