Cet article fait partie du dossier : Un groupe collaboratif pour réfléchir aux quartiers de demain
Voir les 14 actualités liées à ce dossierCe webinaire était proposé sur la plateforme Expertises.Territoires, dans la continuité des rendez-vous de la communauté Quartiers de Demain qui visent à réfléchir aux enjeux d’aménagement pour des villes et des territoires plus résilients et plus agréables à vivre.
POURQUOI UN ATELIER-DEBAT SUR L’AMENAGEMENT BAS CARBONE ?
Dans un contexte de changement climatique et de déclin de la biodiversité, les différents secteurs, les pratiques métiers et nos modes de vie sont confrontés à la nécessité de tenir compte des limites planétaires et en matière d’énergie-climat, d’organiser la sobriété énergétique, de réduire nos consommations d’énergie fossile et nos émissions de gaz à effets de serre, notamment d’origine énergétiques, de contribuer au puits carbone et d’adapter les villes, les quartiers et les bâtiments aux changement climatique.
"Décarboner" l’aménagement revient ainsi à réduire les émissions de carbone relatives aux activités de ce secteur, et à favoriser des usages et comportements bas carbone pour les usagers, afin de contribuer aux objectifs énergétiques et climatiques nationaux à échéance 2030 et 2050, à la hauteur des enjeux climatiques. Pour atteindre les objectifs à 2050 de 2 teqCO2 par an et par habitant, les émissions liées au besoin de se loger doivent en effet passer de 1,0 teqCO2 à 0,9 en 2030 puis 0,2 en 2050, soit une baisse de 80%. C’est sans parler des émissions liées aux déplacements, qui doivent quant à elles diminuer de près de 89% (0,3 teqCO2 par an et par habitant au lieu de 2,7).
En se positionnant à l’échelle du quartier, cet atelier débat visait le partage des enjeux, des leviers et de pistes de solutions entre les différents acteurs de la chaîne de valeur de l’aménagement, afin de co-construire des pistes de travail. Ont ainsi été réunis une grande diversité de participants mobilisés dans le secteur de l’aménagement : collectivités et services de l’État, maître d’ouvrage ou maîtrise d’œuvre, concepteurs ou partenaires privés.
Alors que les aménageurs et l’État réfléchissent à la feuille de route de la décarbonation de la filière aménagement, cet atelier visait à aborder le passage d’une métrique carbone aux leviers puis aux pistes d‘actions et solutions avec les acteurs de l’aménagement. Les questions posées aux participants (qui ont été incités en amont de leur participation à recenser leurs questionnements et propositions) étaient les suivantes : Quelles sont leviers de décarbonation ? quelles sont les solutions bas carbone et cohérentes avec l’adaptation au changement climatique ? Avec quels effets et quels freins éventuels à leur développement ?
Florian Dupont pour ZEFCO "atelier de la ville en transition", a ouvert l’atelier en rappelant l’urgence d’agir : chaque action compte dans les économies d’énergie et la réduction des GES même si celles-ci peuvent paraître dérisoires à l’échelle globale des émissions. L’aménagement représente ainsi une triple opportunité pour la décarbonation :
- La réduction des émissions propres au projet et à sa réalisation et son adaptation au changement climatique ;
- Les effets d’entraînement de l’opération d’aménagement pour le secteur, qui permet de créer des nouveaux usages, de nouvelles pratiques et de favoriser le développement de nouvelles filières ;
- Les effets d’influence pour les usagers du site aménagé, grâce à une conception et une programmation favorables aux changements des pratiques individuelles (mobilité, alimentation...).
LES TEMPS FORTS DE L’ATELIER-DEBAT
Le webinaire a été organisé grâce à l’outil Klaxoon, adapté au format de ces rendez-vous numériques et surtout utile pour rendre actifs les participants, favoriser les échanges en groupes ou en plénière à partir de méthodes d’ intelligence collective. Il permet également aux participants d’avoir accès aux supports, aux ressources et aux détails des contributions pendant et après l’atelier.
Les échanges ont été particulièrement riches et dynamiques, avec deux principaux temps de débat en petits groupes.
- Dans un premier temps, les participants étaient invités à identifier les leviers d’un aménagement bas carbone selon trois approches différentes : la temporalité du projet (conception, réalisation puis vie de quartier une fois livré) ; les composantes du projet (bâtiments, espaces publics, infrastructures,…) ; et enfin les parties prenantes (usagers, collectivité, aménageurs, maîtres d’œuvre et opérateurs).
- Puis des solutions concrètes low tech, high tech, ou méthodes ont été présentées et partagées entre les participants afin d’illustrer la mise en œuvre des leviers précédemment identifiés.
Ces partages de réflexions et d’expériences ont été rythmés par plusieurs présentations plus descendantes en plénière. Florian Dupont de ZEFCO "atelier de la ville en transition" a introduit l’atelier par des éléments de cadrage. est revenu sur les enjeux et leviers pour la décarbonation de l’aménagement, en proposant des éléments de définition et en abordant quelques pistes de solution, dont certaines mesures dites "sans-regret" comme la désimperméabilisation ou la promotion des mobilités actives et des transports en commun dans l’aménagement. Valérie Potier du Cerema a introduit la première phase de débat en rappelant que décarboner revient à agir tout à la fois en faveur de la sobriété et l’efficacité énergétique, pour un mix énergétique vertueux et pour la compensation et le stockage du carbone émis.
Valérie Potier du Cerema a présenté l’outil GES Urba, une application d’aide à la décision pour accompagner la conception d’un PLU(i) ou d’un SCoT, qui disposent à leur échelle de leviers pour décarboner le territoire et encourager la décarbonation des opérations d’aménagement.
Il permet de comparer des scénarii d’aménagement et d’organisation du territoire en termes de consommation énergétique et d’émissions de GES.
Une présentation des travaux en cours sur la feuille de route de la décarbonation de l’aménagement, lancés conformément à l’article 301 de la Loi Climat et Résilience parue en 2021, a été réalisée par Jean Marie Quemener de la DGALN. Cinq groupes de travail se concentrent respectivement sur la planification territoriale, le foncier, la sobriété carbone de la mobilité et des transports, les infrastructures décarbonées et résilientes, et enfin les instruments réglementaires et économiques pour accélérer l’aménagement bas carbone.
Attendue pour Janvier 2023, la feuille de route devra identifier des leviers simples, robustes et activables à court ou moyen terme, pour que chaque acteur de la chaîne de valeur de l’aménagement participe aux objectifs climatiques. Le Cerema s’appuiera sur les échanges de l’atelier-débat pour contribuer aux différents groupes de travail auxquels il contribue.
SYNTHESE DES DEBATS : LA DECARBONATION, DE FORTS ENJEUX ET DES LEVIERS POUR TOUS, A TOUTES LES ETAPES DU PROJET
De nombreuses pistes pour un aménagement bas carbone ont ainsi été proposées, avec un accent tout particulier sur la décarbonation des espaces publics, ainsi que la maîtrise de l’étalement urbain et des déplacements, ces derniers pouvant être optimisés avec la mixité des espaces et des services, et par la promotion des modes actifs ou des infrastructures de mobilité alternatives. Il a été également rappelé que l’adaptation des espaces publics et du bâti au changement climatique ne doit pas être oublié.
Planifier et programmer en intégrant des objectifs d’aménagement ambitieux
La planification apparaît comme un outil clé pour poser les jalons d’un urbanisme bas carbone. En posant des objectifs et un cadre pour le renouvellement urbain et la densification (qualitative, vivable et acceptable !), elle doit favoriser les leviers favorables à l’aménagement bas carbone et au puits carbone notamment limiter l’étalement urbain, l’imperméabilisaton, protéger les espaces naturels, agricoles et forestiers,….
La planification fixe également des objectifs de mixité fonctionnelle qui agit sur le besoin et la distance de déplacement des habitants. La planification est également un levier pour soutenir et organiser territorialement le déploiement des énergies renouvelables collectives et individuelles. La collectivité en charge de la planification énergie climat et urbanisme a ainsi un rôle essentiel pour organiser la gouvernance, mobiliser les différents acteurs et actionner les différents leviers de la planification.
En phase de programmation, ces objectifs bas carbone territoriaux doivent trouver leur traduction dans une approche de projet ambitieuse, permettant d’adopter une démarche ERC -pour éviter, réduire et si besoin compenser (ERC) les impacts de l’opération. Les critères de programmation ambitieux face aux objectifs quant à la décarbonation de l’aménagement doivent constituer le socle du cahier des charges et des choix des opérateurs. Les participants ont insisté sur l’importance d’une réflexion pluridisciplinaire à toutes les échelles, avec une analyse du cycle de vie de l’opération et de son coût global (gestion et maintenance comprises).
Opérer la transition vers des solutions existantes et innovantes
Les échanges nous ont montré que les solutions existent, du low tech au high tech aux processus et méthodes métier innovants. A travers l’organisation spatiale et fonctionnelle d’un quartier aux espaces et usages décarbonés, les principes a mettre en œuvre concernent l’ éco-conception, la frugalité, la réversibilité, la mutualisation et la mixité, entre autres.
L’urbanisme tactique, l’urbanisme transitoire ou encore l’économie circulaire ont également été plébiscités pour concilier qualité d’usage et décarbonation.
Les participants ont mis en avant le principe du bioclimatisme qui œuvre à la fois pour la sobriété énergétique, le puits carbone et la lutte contre le phénomène d’îlot de chaleur urbain, avec une mention particulière pour les solutions fondées sur la Nature et la végétalisation.
Parmi les autres solutions techniques, les matériaux ont été au cœur du débat : matériaux biosourcés ou bas carbone, issus du réemploi, de l’économie circulaire, ou encore les matériaux faciles d’entretien. Les échanges ont permis de rappeler l’importance de soutenir les filières locales et la sobriété dans l’usage des ressources notamment des terres excavées et autres produits du chantier.
Par exemple, la piste des outils numériques a été proposée pour le recensement et la gestion des matériaux disponibles et réutilisables ou l’optimisation des distances d’approvisionnement.
Décloisonner les opérations est aussi une grande opportunité pour connaître les gisements disponibles.
Réemploi, réhabilitation et entretien facilité devraient devenir les maîtres mots des quartiers bas carbone de demain !
La valorisation de la production et consommation d’énergie renouvelable est enfin un axe de progression identifié : soutenir le développement des ENR sur le bâti, anticiper et coordonner les choix d’approvisionnement énergétique, favoriser la mutualisation de la production d’énergie entre les bâtiments de bureaux et de logements, les ENR collectives ...
Faire évoluer les méthodes, acculturer et sensibiliser
La décarbonation de l’aménagement opérationnel est un objectif partagé par les participants et requiert la transition de tout un secteur avec la contribution et engagement de tous les acteurs de la chaîne de valeur de l’aménagement qu’il s’agit selon les besoins, d’acculturer, de former, d’accompagner, d’outiller, ....
De nouveaux modèles économiques doivent être explorés pour permettre de lever les freins financiers et de sécuriser l’expérimentation de solutions décarbonées ambitieuses et innovantes. Si l’équilibre économique de l’opération reste une condition essentielle, il doit intégrer l’exigence de la décarbonation et permettre de prioriser les investissements en faveur des enjeux de transition, d’atténuation et d’adaptation. La fiscalité, la valorisation du foncier, et les régimes d’aide et d’assurance spécifiques ont été désignés comme des outils à repenser en ce sens.
Pour faire évoluer les pratiques des différentes parties prenantes (aménageurs, élus, gestionnaires, opérateurs et usagers), les démarches et opérations de sensibilisation, de formation, d’accompagnement par l’exemple, … doivent être conçues afin d’acculturer, de communiquer, de soutenir le déploiement à grande échelle des pratiques métiers et d’usage décarbonnées et exemplaires.
Les usagers notamment doivent être sensibilisés et associés aux démarche de décarbonation à travers leurs pratiques et comportements du quotidien et leur implication dans la vie du quartier. Pour chaque acteur, la communication et la diffusion de retours d’expérience sont essentiels pour rendre les nouveaux usages et la transformation de nos quartiers possibles, désirables et acceptables !
QUELLES PISTES POUR LA SUITE ?
La mobilisation des participants et le tableau final sur le module Klaxoon nous montrent combien la thématique mobilise et intéresse. Pour que les solutions concrètes soient plus largement déployées et consolidées, un certain nombre de besoins ont été exprimés, notamment vis-à-vis :
Nous tenons à remercier les intervenants qui ont apporté des éclairages sur ce sujet complexe ainsi que l’ensemble des participants pour leur mobilisation et les solutions exposées : plateforme de stockage des matériaux de réemploi proposée par l’aménageur à destination des opérateurs, études juridiques pour assurer les composants réutilisés, annuaire des fournisseurs locaux...
Nous retiendrons que penser la décarbonation, c’est penser la sobriété et l’efficience des aménagements, en faisant la part belle aux low tech tout en soutenant l’innovation, sans oublier les enjeux d’équité sociale et d’adaptation au changement climatique.
Chacun peut participer à la décarbonation de l’aménagement à son niveau, et cette transversalité est tout à la fois une opportunité et un enjeu pour que la transition se poursuive.
Les participants à l’atelier-débat ont montré par leur présence et leurs échanges que la décarbonation concerne une multiplicité d’acteurs et de filières. Ces derniers ont des postures différentes, et les solutions qu’ils emploient pourront être complémentaires, mais aussi parfois antagonistes, ce qui complexifie la lecture des enjeux et la définition d’objectifs facilement appropriables sur le terrain.
Cet atelier débat représente donc une première amorce de définition des leviers et solutions pour la décarbonation de l’aménagement. Pour les déployer, la poursuite des échanges et des travaux collectifs est nécessaire.
RDV le 16 décembre prochain sur la communauté Quartiers de Demain pour faire le bilan des différents RDV qui ont eu lieu en 2022 et envisager les perspectives pour de nouveaux temps d'échanges et pour des collaborations sur les sujets d'actualité en 2023!
Contacts Cerema
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