2 septembre 2024
rénovation énergétique de logements sociaux en Aquitaine
E. Handtschoewercker - Cerema
Le Cerema a piloté le projet RENOVAIR, dont l’objectif est d’évaluer l’impact de la rénovation énergétique de bâtiments basse consommation sur le confort et la santé des occupants, dans le cas où aucune prescription de performance en termes de qualité d’air intérieur, de ventilation et d'étanchéité à l'air de l’enveloppe du bâtiment n’existe.

La rénovation énergétique des bâtiments nécessite, pour assurer le confort des occupants en été comme hiver et une bonne qualité d’air intérieur, de prendre en compte les questions de renouvellement d’air, de ventilation et d’étanchéité de l’air. En effet, mieux les bâtiments sont isolés et étanches, plus la ventilation est importante pour assurer une bonne qualité d’air intérieur et éviter ainsi les problèmes d’humidité néfastes au bâtiment et à la santé de ses occupants.

 

Evaluer les paramètres qui influent sur la qualité de l’air et le confort

système de ventilation d'un bâtiment
Système de ventilation d'un des bâtiments étudiés - Cerema

Depuis 2016, le Cerema accompagne le Conseil Régional Nouvelle-Aquitaine sur le plan technique, dans le cadre d’opérations de rénovation énergétique des logements sociaux construits avant ou après 1974, date de la première réglementation thermique des bâtiments en France. 70 opérations ont été analysées par le Cerema avant et après la réalisation des travaux, dans le cadre de la demande de financements du programme FEDER, afin de s’assurer la qualité de l’air, du gain en termes de consommation d’énergie, de réponse aux objectifs et l’évaluation des impacts sociaux et environnementaux.

Pour réaliser des mesures dans des logements avant et après des travaux de rénovation énergétique, et ainsi pouvoir caractériser la qualité d’air intérieur, le confort, l’étanchéité à l’air et les performances de ventilation, le Cerema a suivi pendant 3 ans sept opérations de rénovation du parc de logements sociaux en Nouvelle-Aquitaine, présentées au programme opérationnel FEDER 2017 – 2022, dans le cadre du projet RENOVAIR.

Ce projet poursuivait 3 objectifs principaux :

  • Constater la manière dont sont prises en compte l’étanchéité à l’air, la ventilation et la qualité de l’air intérieur dans ces opérations.
  • Identifier les leviers d’amélioration de l’efficacité énergétique des rénovations dans le cadre de la mise en œuvre de solutions correctives sur l’étanchéité, la ventilation et la qualité de l’air intérieur.
  • Accompagner les politiques publiques pour définir des critères d’éco – conditionnalité sur l’étanchéité à l’air, la ventilation et la qualité de l’air intérieur. 

Sur chacun des 7 sites pilotes, 3 logements ont été sélectionnés pour interroger les habitants sur leur ressenti et leur utilisation du logement, et faire l’objet d’un suivi métrologique à différentes étapes : avant les travaux, juste après les travaux et un an après. Ce travail a permis de quantifier la prise en compte de 4 paramètres qui ont une influence sur la performance énergétique et sanitaire et le confort des occupants de ces logements sociaux rénovés : l'étanchéité à l’air des bâtiments, la ventilation, la qualité de l’air intérieur et le confort ambiant.

 

Résultats des campagnes de mesure avant et après travaux

La campagne de mesures avant travaux a été réalisée de janvier à avril 2021, la campagne de mesures après travaux d’avril à juillet 2022 et la campagne de mesures 1 an après travaux a été menée de janvier à mars 2023, avec le même protocole pour tous les logements :

  1. dispositif pour mesurer l'étanchéité à 'lair
    Mesure de l'étanchéité à l'air - Cerema

    Mesures d’étanchéité à l’air de chaque logement avec Blowerdoor, selon le protocole d’essai norme NF EN ISO 9972, afin d’évaluer les fuites selon la méthode des contrôles réglementaires pour les constructions neuves, pour la RE2020. 

  2. Audit de ventilation sur chaque logement avec le protocole PROMEVENT défini par l’Ademe, applicable aux logements neufs soumis à la RE2020, qui comprend des mesures aérauliques, un diagnostic visuel, des contrôles fonctionnels et une enquête auprès des habitants.
  3. Mesures de qualité de l’air pendant une semaine en hiver, via des mesures dynamiques de température, d’humidité relative, de dioxyde de carbone et des mesures passives des composés organiques volatils dans chaque logement.
  4. Relevés et mesures du confort des occupants par des stations de mesure multi-capteurs afin de caractériser la qualité de l’environnement intérieur (température, humidité, CO2, bruit, éclairage) dans chaque logement, durant deux semaines en hiver.

Les comparaisons entre les mesures réalisées avant et après les travaux ont montré plusieurs évolutions:

 

Etanchéité à l'air

L'amélioration de l’étanchéité à l’air n’est pas systématique. Une partie des logements voient leur niveau d’étanchéité amélioré après travaux mais on constate aussi des logements qui voient leur niveau dégradé par rapport à leur situation initiale

En effet, les principales fuites constatées avant travaux sont des fuites sur menuiseries qui ont été corrigées grâce à leur remplacement prévu dans le bouquet de travaux de rénovation énergétique. Mais il est apparu sur une opération des problèmes de pose de certaines menuiseries présentant d'importantes infiltrations d'air rendant les logements moins performants après travaux sur le volet étanchéité à l'air.

 

Ventilation

En matière de ventilation, le remplacement par un système de ventilation mécanique contrôlé hygro-réglable a montré une réelle efficacité et permet d'atteindre les exigences réglementaires pour le neuf pour une grande partie des logements suivis. Cependant, de la même manière que pour l'étanchéité à l'air, cette amélioration n'est pas systématique puisque certains logements présentent des taux de renouvellement d'air nettement insuffisant malgré ces installations neuves. 

 

immeuble de logements pendant les travaux d'isolation extérieure
Travaux d'isolation sur l'un des immeubles de logements - Cerema

Qualité de l'air intérieur

Les travaux ont été source de COV qui ont légèrement dégradé la qualité d'air intérieur dans certains logements juste après leur réalisation. Toutefois, cette dégradation n'a été que temporaire puisque la qualité d’air intérieur un an après les travaux est restée dans le même ordre de grandeur qu’avant les travaux, conforme aux seuils de référence et dans des concentrations similaires à ce qu’on peut retrouver dans les logements en France. 

Dans certains logements, les mesures réalisées 1an après travaux montrent une augmentation des concentrations de plusieurs polluants : le formaldéhyde, le benzène, le toluène, l’éthylbenzène et les xylènes.  Cette dégradation de la QAI semble provenir majoritairement du comportement des occupants ou de l’installation de mobilier neuf (installé indépendamment des travaux). Les occupants peuvent être à l’origine de pollutions en COV du fait de leur habitudes : sources de combustion (tabagisme, utilisation de bougies, d’encens, …), utilisation de vernis à ongles, produits ménagers, etc. Les questionnaires remis aux occupants ont permis de mettre en évidence certains de ces comportements.

 

Confort

Concernant le confort, les retours des occupants avaient pointé un moindre confort en hiver avant les travaux. Des ratios de temps de confort ont été évalués à partir des mesures de température et d’humidité relative dans 3 pièces de chaque logement. Un Indicateur de Confort des Opérations (ICO) a été défini en évaluant pour chaque opération le pourcentage d'emplacements dont le ratio de confort est supérieur à une valeur seuil de 80% (dans chaque opération, trois pièces de trois logements ont été étudiées).

L'analyse des résultats des mesures avant et 1 an après travaux ont montré une détérioration du niveau de confort en hiver dans la plupart des logements. Cependant, il paraît difficile de mettre en cause la réalisation des travaux de rénovation face à la diminution des ratios de confort constatée. La crise énergétique que nous connaissons a modifié le comportement des ménages envers leur mode de chauffage. L'étude portant uniquement sur des logements sociaux, l'augmentation de la facture énergétique est lourde d'impact pour ces foyers qui ont majoritairement fait le choix de diminuer leurs consommations au détriment de leur confort, conformément aux campagnes de communication du plan sobriété énergétique du gouvernement incitant les ménages à diminuer la température de chauffage à 19°C (en dehors de la zone de confort considérée dans notre étude).

 

 

Le projet RENOVAIR avait pour objectif d'apporter des éléments de connaissance aux décideurs publics pour définir les exigences en matière de performances énergétiques des bâtiments rénovés. 

Les résultats de ce travail montrent la nécessité d'imposer des objectifs éco-conditionnés, et les contrôles correspondants, sur les niveaux de performance de l'étanchéité à l'air des bâtiments rénovés, ainsi que sur les systèmes de ventilation.