Cet article fait partie du dossier : Dossier : Marche en ville
Voir les 10 actualités liées à ce dossierLa "marchabilité" d’une rue ou d’une ville croise à la fois des enjeux de santé publique, de sécurité routière et d’accessibilité, de développement économique et d’animation urbaine.
Que ce soit dans le cadre d’un diagnostic de plan marche ou pour un projet urbain, connaître le degré de marchabilité d’un espace public s’avère utile. Mais la diversité des enjeux, et donc la multiplication des indicateurs d’évaluation pose problème.
Sur quels critères définir la marchabilité d’une rue ? Quelles méthodes utiliser selon le périmètre observé ? Faut-il privilégier les données techniques ou bien sur les éléments qui donnent envie de marcher ? Comment prendre en compte la diversité des points de vue des piétons ?
Si la marche est le socle des autres déplacements, et le deuxième mode de déplacement des Français, la notion de « marchabilité » reste encore peu connue et peu utilisée. Afin d’approfondir cette notion, plusieurs études ont été repérées dans le cadre d’un stage au Cerema en 2021 : "Comprendre la marchabilité – Comment évaluer la place du piéton dans les espaces publics ?" (Nicolas Buttet – Institut d’Urbanisme de Lyon). Cet article en extrait quelques points clés et un document synthétique.
Cartographie des indicateurs de marchabilité : 4 approches complémentaires
En exploitant diverses études et grilles d’analyses existantes, quatre approches se distinguent :
- des méthodes de modélisation de la marchabilité : le maillage urbain est analysé, souvent via des données il s’agit de relever les grands indicateurs qui influencent la marche sur un territoire ou un quartier : densité, diversité d’activités, design destination accessible, intermodalité (ces 5 points constituent les 5D de Ewing et Cervero);
- des audits de marchabilité : l’environnement urbain immédiat est relevé "in situ" à l’aide de grilles d’analyses sur : la cohérence, l’accessibilité, la sécurité, ou la qualité environnementale;
- des enquêtes de marchabilité "in situ" pour repérer de ce qui donne envie de marcher et pour recueillir des témoignages sur : le confort, la sûreté, la lisibilité, la visibilité, les usages;
- des questionnaires pour comprendre l’ancrage institutionnel du sujet "marche": une politique "marche" est-elle affichée et traduite dans les documents de planification, des associations d’usagers piétons sont-elles actives sur ce territoire, quelle perception des habitants a été recueillie dans le baromètre des villes marchables ?
Grilles de marchabilité : des compromis à faire entre complétude de l'analyse et simplicité de la méthode
De même que pour le choix de l’approche d’évaluation, les grilles développées dépendent beaucoup de l’échelle et de l’objectif visé ; par exemple établir un diagnostic pour un plan piéton ou bien recueillir des usagers dans le cadre d’un projet urbain. Plusieurs grilles en lien avec les enjeux de santé tentent d’objectiver la qualité des cheminements et de leurs abords (Ex : audit MAPPA).
D’autres grilles axées sur les critères d’accessibilité sont régulièrement développées, en s’appuyant sur les diagnostics réalisés dans des Plans de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics (PAVE). La grille construite par Mobilité piétonne Suisse aborde en même temps l’environnement physique et l’impact sur la pratique de la marche, et se décline en plusieurs versions selon les espaces étudiés : rue principale ou rue de quartier, place, arrêt, traversée piétonne … Ces grilles d’analyse sont construites pour être faciles à remplir lors d’une visite de terrain dans un petit quartier ou le long d’un itinéraire. Pour un territoire plus large, une approche par quartiers ou par SIG, complétée d’enquêtes qualitatives semble plus adaptée.
Evaluer la marchabilité d’une rue ou d’une ville soulève de nombreuses questions sur les périmètres physiques, thématiques et méthodologiques à choisir. Elles illustrent la complexité à appréhender tous les facteurs qui influencent la marche. Voici quelques problématiques soulevées au fil des discussions avec différents interlocuteurs agissant sur la marche (collectivités et milieu associatif) :
- Comment prendre en compte de la diversité des piétons ? Selon l’age, le motif de déplacement, la vitesse de marche, ou d’éventuelles difficultés, chaque piéton a une perception différente de la rue.
- Comment prendre en compte des différentes temporalités des espaces publics ? Le moment de la semaine, l’horaire, la saison ou la météo modifient fortement les pratiques des piétons.
- Quelle grille utiliser ? Il s’agit d’arbitrer entre diversité des indicateurs et simplicité d’utilisation dans un temps raisonnable. Mais aussi de se poser des questions quant à la disponibilité des données, leur actualisation, leur gestion ...
- Comment mesurer la marchabilité sur un grand territoire, et comment tenir compte de la diversité des espaces publics ?
- Comment s’appuyer sur les usagers et comment impliquer les citoyens ? Dans le cadre d’un projet urbain, l’observation et l’écoute des usagers est un préalable souvent nécessaire pour esquisser des projets qui facilitent les parcours des piétons. Ce sont aussi des méthodes qui donnent l’occasion de mieux les impliquer tout en leur donnant envie de (re)parcourir leurs espaces publics.
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