Derrière la notion de vieillissement se cache des réalités et des perceptions disparates, souvent définie par des critères d’âge, elle se manifeste différemment d’un individu à l’autre selon ses conditions de vie, son milieu social, son travail…
Séniors, personnes âgées : une diversité de population
Retenons que d’après l’OMS, le seuil d’âge qui correspond à l’entrée dans la vieillesse est celui auquel on cesse son activité, autour de 62 ans, c’est le 3ᵉ âge, on devient alors un "sénior", ou "une personne âgée". Le 4ᵉ âge coïncide avec l’apparition d’un handicap ou d’une limitation dans les activités du quotidien (entre 75 et 85 ans) et le 5ᵉ âge regroupe les personnes de 95 ans et plus.
Les caractéristiques d’une perte d’autonomie qui augmente avec l’âge
Aujourd’hui, la plupart des personnes âgées sont globalement autonomes, seules 17 % des personnes de plus de 80 ans sont dépendantes. La perte d’autonomie, qui augmente avec l’âge, provient d’une dégradation de l’état de santé des personnes qui, au-delà du vieillissement naturel peut varier en fonction de l’environnement dans lequel on vit, de l’isolement, de l’aménagement du logement.
Le public des personnes âgées présente donc une diversité de difficultés d’intensité variable pouvant être de l’ordre d’un affaiblissement général ou de pertes de capacités physiques, sensorielles et intellectuelles plus ciblées.
Le degré d’autonomie des personnes (enquête Handicap-Santé 2008) est évalué en différenciant les activités dites "essentielles", comme manger, boire, se laver, s’habiller, se coucher, utiliser les toilettes, des activités "instrumentales" : faire les courses, préparer un repas, faire le ménage, prendre des médicaments, sortir du logement, utiliser un moyen de transport.
De même, on sait répertorier les différentes gênes rencontrées par les personnes dont l’autonomie baisse :
- se déplacer sur de longues distances, le franchissement de grandes hauteurs ou rester en station debout (fatigue),
- utiliser des équipements nouveaux,
- garder l’équilibre dans les passages difficiles,
- exécuter des opérations demandant une certaine précision,
- se déplacer rapidement,
- franchir des dénivelés (ressaut, marche, escalier…),
- se déplacer sur des sols peu praticables (glissants…) ou encombrés (meubles),
- supporter la chaleur, le froid et les courants d’air.
Les difficultés et les besoins des personnes âgées sont donc variés, ce qui les caractérise principalement est leur fatigabilité et leur manque d’agilité. Pour en savoir plus, retrouvez la fiche "La mise en accessibilité : un levier en faveur des personnes âgées" en suivant le lien ci-dessous (fiche n°3) :
Des personnes âgées attachées à leur domicile et à leur milieu de vie, mais qui craignent la solitude
La plupart des personnes âgées souhaitent vieillir chez elles et sont attachées à leur environnement, à leur quartier et à leur "cercle de sociabilité (famille, voisins, amis, associations)". C’est ainsi que l’adaptation de leur logement apparaît comme primordiale.
Les besoins rendant une personne dépendante apparaissent souvent progressivement, les changements sont lents et continus, mais il existe aussi des moments spécifiques de la vie pour intervenir auprès des personnes :
- au moment d’une instabilité émotionnelle ou affective, lors du décès du conjoint ou d’un proche, de l’éloignement des enfants, ou d’une évolution rapide notable de l’état physique ou intellectuel, notamment liée à une pathologie
- quand les repères pratiques changent, lors d’une modification du mode de vie imposée par le décès du conjoint, l’évolution de l’environnement ou du voisinage
L’avancée en âge pose des questions sur le logement et son adéquation, ce qui se traduit dans le parcours résidentiel des ménages à deux étapes :
- lors du passage en retraite, les ménages choisissent soit d’entreprendre des travaux de confort et d’esthétique (douche à l’italienne, cuisine, rénovation énergétique…) soit de déménager pour avoir un logement qui correspond à leurs besoins (taille du logement) avec le critère d’avoir un logement de plain-pied. La question de l’adaptation du logement se pose également lors de la prise en charge d’un parent dépendant qui coïncide également avec le passage en retraite
- Avant le passage au 4e âge, qui apparaît souvent entre 75 et 80 ans, il est envisagé soit une mobilité vers un logement plus facile d’entretien soit la réalisation de travaux d’adaptation (barres, assise de douche, volet roulant…)
Pour répondre aux enjeux d'adaptation du logement aux différentes étapes de la vie et aux besoins de ses occupants, le Cerema a publié un article bibliographique sur le logement évolutif :
L'adaptation de son logement : du confort au maintien à domicile
Aujourd’hui, on fait le constat d’un paradoxe que l’on cherche à comprendre : le parc français est peu pourvu de logements adaptés et pourtant les personnes font peu de démarches d’adaptation de l’habitat.
De plus, lorsque des adaptations sont mises en places, leur intégration au sein du domicile est souvent vécue difficilement. Peu de personnes ont effectué au moins un aménagement d’adaptation de leur logement : 7 % des moins de 80 ans vivant à domicile et 21 % des 80 ans et plus.
Or, 25 % des personnes âgées de 60 ans et plus déclarent des limitations fonctionnelles susceptibles de rendre des aménagements nécessaires (s’abaisser, s’agenouiller ou monter, descendre un escalier). On peut expliquer la faible proportion de ménages qui adapte leur logement par un manque d’information sur les aménagements, les financements et les acteurs à mobiliser.
Quelles solutions pour des besoins qui évoluent avec le temps ?
Anticiper la perte d’autonomie, se projeter
Les jeunes retraités n’adaptent pas leur logement en prévision d’un futur handicap dans le grand âge. La première raison avancée est la difficulté de se projeter dans la vieillesse, liée parfois à un "déni" du vieillissement et à son caractère imprévisible.
Quand ils le font, ce sont des travaux d’adaptation (douche à l’italienne, barre, assises de douche…) qui sont motivés par une recherche de confort et au final, ce sont des démarches qui permettent, plus ou moins consciemment d’anticiper l’avancée en âge. De même, que le déménagement au rez-de-chaussée ou la recherche d’un logement de plain-pied.
Un défaut d’anticipation de ce type peut faire encourir le risque à la personne de n’avoir plus le choix, elle devra quitter son logement dans l’urgence, car il n’offre plus un environnement sécurisé, par exemple en cas de chute. L’anticipation permet aussi d’éviter d’avoir recours à d’autres solutions quand on ne peut plus entretenir l’intérieur et l’extérieur de son logement.
Il est nécessaire de développer des solutions non-stigmatisantes, non intrusives, mises en œuvre rapidement et facilement, qui ne dénaturent pas le logement. "Défense et préservation de l’identité individuelle, maintien de l’estime de soi sont des processus qui sont souvent en jeu dans le refus des aménagements du domicile. Il ne suffit pas de lever les résistances pour qu’un individu adopte une conduite donnée, il faut également agir sur ses envies et démontrer l’intérêt et le plaisir qu’il pourrait avoir à adopter tel ou tel comportement ou à s’équiper d’une solution" (Portail pour-les-personnes-agees.gouv.fr).
Pour cela, la mise à disposition de simulations permettant de se projeter (3D, tests gratuits, showrooms), permettent d’accompagner les usagers et les prescripteurs en amont et en aval. Un processus de simplification des démarches peut également être mis en œuvre : interlocuteur unique, service après-vente, offre clé en main, accompagnement dans les démarches, notamment administratives.
Des exemples de travaux destinés aux personnes âgées
Les travaux à destination des personnes âgées font appel à des solutions de confort mais également à des solutions plus spécifiques d’adaptation qui s’apparentent à celles développées à la compensation du handicap.
Une porte d’entrée avec serrure connectée et ferme-porte à bras, une cuisine et des rangements à hauteur variable avec système d’assistance mécanique motorisé, une douche à l’italienne, des espaces ouverts, absence d’escalier dans l’unité de vie, des barres d’appui...sont autant de solutions qui peuvent être mises en œuvre.
Pour les acteurs du bâtiment les travaux à privilégier auront pour objectif de :
- réduire la difficulté de marcher par une bonne qualité du sol
- réduire la difficulté d’accès physique pour les accompagnants et soignants : dimensionnements des pièces d’eau, rampes…
- tenir compte de la difficulté de franchir des dénivelés : choix entre rampe et escalier, hauteur de marche, appui à des hauteurs adaptées…
- limiter la fatigue : cheminements courts, dispositifs de repos…
- compenser les difficultés d’équilibre: aménagement spécifique, appuis, éclairage adéquat…
- limiter l’anxiété et le sentiment d’insécurité : créer des ambiances sereines, bien circonscrire les espaces d’animation intense (bruyants, …)
- privilégier les ouvertures entre les pièces de vie pour communiquer plus facilement (cuisine américaine, verrière…) et anticiper la motorisation des volets et des fenêtres
Pour en savoir plus, le Cerema a participé à la rédaction de la plaquette technique éditée par l'AQC "Travaux de rénovation : restez autonomes dans votre logement !"
Des habitats diversifiés lorsque l’autonomie se perd
Face à une population à besoins spécifiques, les acteurs publics et notamment les collectivités territoriales peuvent mettre en oeuvre différentes actions afin de favoriser le déploiement d'une offre variée de logement à destination des personnes âgées.
Mener un recensement des logements accessibles
L'organisation d'un système de recensement de l'offre de logements accessibles reste un point de difficulté pour beaucoup de collectivités. Il s'agit pourtant d'un dispositif essentiel pour permettre de faire se rencontrer l'offre et la demande sur un territoire.
Le sujet a été abordé lors de la 6e session des ateliers du Réseau des Référents accessibilité des villes inclusives, retrouvez le compte-rendu et les livrables de l'atelier dédié :
Développer l'offre de logement alternatif
Le vieillissement de la population amène à repenser l'usage et la conception des bâtiments. Des solutions nouvelles permettant d'offrir des logements alternatifs à l'hébergement institutionnel ou au domicile émergent et se multiplient, aussi bien en ville que dans les espaces peu denses. Avec le PUCA, le Cerema a étudié plusieurs projets, et présente les démarches dans une série de fiches :
S'engager dans un projet d'habitat inclusif
Le Cerema est engagé depuis 2020 aux côtés de l’ANCT dans le déploiement du programme Petites villes de demain, qui accompagne plus de 1600 communes lauréates dans leur projet de redynamisation de centre-ville ou centre-bourg.
L’ANCT afin d’apporter un soutien à ces territoires sur l’enjeu de l’adaptation de l’habitat au vieillissement de la population (12,6% des habitants des communes PVD ont plus de 75 ans contre 9,3% à l’échelle de la France) a lancé le 25 octobre 2021 un appel à manifestation d’intérêt ouvert jusqu’à fin 2022 en trois vagues de sélection : au total 100 projets bénéficieront de l’ingénierie financée à hauteur de 1,5 M€ par la CNSA, la Banque des Territoires et l’ANCT.
Parmi les 27 premiers lauréats de la "Fabrique à projet" de l’habitat inclusif PVD, le Cerema, associé à la mise en place de cet AMI, s’est engagé à accompagner plusieurs projets situés dans différentes régions. Le contenu de notre intervention sera précisé avec les collectivités qui portent le projet d’habitat d’inclusif.
Parmi les thématiques qui seront abordées l’insertion urbaine, la mobilité, l’accessibilité des logements, le montage opérationnel, la dimension inclusive…
AMI Habitat inclusif - Petites villes de demain
Un environnement adapté pour le confort et la qualité de vie des séniors
L'adaptation du logement et le développement d'une offre variée adaptée aux personnes âgées sont les facteurs essentiels d'une stratégie d’anticipation du vieillissement de la population à l'échelle d'un territoire. Elle doit être accompagnée de réflexions à plus grande échelle : comment rendre la ville attractive aux séniors ?
Rendre la ville lisible
Quels sont les besoins et les difficultés rencontrées par les piétons, notamment les personnes les plus vulnérables, dans leurs déplacements ? Comment perçoivent-ils les aménagements et quels repères peuvent-ils utiliser ? Le Cerema revient sur des expérimentations qu'il a menées en partenariat avec les métropoles de Grenoble et de Lille et publie une fiche sur ce sujet :
Sécuriser la mobilité des aînés
La mobilité évolue en fonction de l'âge : avec le vieillissement de la population, un enjeu fort pour les territoires est de favoriser la mobilité des seniors. Le Cerema a participé le 29 juin 2021 à une conférence organisée par la Sécurité routière sur cette thématique.
Retrouvez les deux interventions du Cerema : une étude réalisée à Lille sur la mobilité des seniors et la présentation des leviers d'action en faveur de la mobilité de tous dans les territoires peu denses :
Pour aller plus loin
Bibliographie
- Fanny Auger, L’aménagement de l’habitat chez des couples de nouveaux retraités Baby- Boomers: vivre le présent; anticiper l’avenir ? Sociologie. Université Charles de Gaulle- Lille III, 2016, 529 pages.
- Fanny Auger, Vincent Caradec et Ségolène Petite, Anticiper le grand âge ? Comment les jeunes retraités baby-boomers «adaptent» leur logement, Retraite et Société, 2017,2017/3 N° 78, pages 15 à 43
- Muriel BOULMIER, Bien vieillir à domicile: Enjeux d’habitat, enjeux de territoires, Rapport remis à M. APPARU, 2 juin 2010
- Jean-Noël ESCUDIE, Une convention multipartite pour atteindre les 100 000 logements adaptés au vieillissement. https://www.banquedesterritoires.fr (CDC), publié le 6 juillet 2016
- Jean-Noël ESCUDIE, Dépendance : comment lever les freins psychologiques à l’adaptation du logement. https://www.banquedesterritoires.fr (CDC), publié le 15 octobre2018
- Pierre Fabre et Nadia Sahmi, Construire pour tous : accessibilité en architecture, octobre2011, Éditions Eyrolles
- Isabelle Rougier, Pierre Mayeur, Adaptation des logements pour l'autonomie des personnes âgées, Rapport de l’Anah et de Cnav,
- Alexandre Faure, Les 5 meilleures alternatives à l’Ehpad, article internet publié le 17 juillet 2019