Cette conférence technique territoriale était consacrée à la question de l’élaboration des stratégies de gestion du risque d’inondation par ruissellement. Elle fait suite au webinaire organisé par le Cerema Méditerranée le 8 juin 2023, qui constituait une introduction générale aux journées techniques locales (Aix-en-Provence, Lille, Bordeaux et Nancy).
des retours d'expérience sur la gestion du risque inondation
Avec près de 70 participants, la journée a rassemblé un large panel d’acteurs du domaine de la gestion et de la prévention des risques d’inondation (représentants de l’État, établissements publics, chambres d’agriculture, SDIS, collectivités territoriales ainsi que leurs groupements en charge de la gestion de l’eau (EPTB, syndicats mixtes), etc.). Ce fut l’occasion d’échanger sur la base de la présentation de certaines réflexions et des démarches portées à des échelles locales autour d’échanges constructifs et d’une volonté commune d’avancer sur le sujet.
Dans un premier temps, les propos introductifs ont permis de souligner l’importance de ce sujet d’actualité, d’exposer le cadre (national et régional) et de proposer des définitions.
La première partie de la journée était consacrée à la présentation d’actions locales de cartographies du ruissellement et des outils inhérents ; il en découle qu'il existe diverses méthodes, toutes complémentaires, à employer en fonction des besoins des acteurs et des exigences spécifiques du territoire. Cette mise en commun d’expériences a permis aux auditeurs d’élaborer une "boîte à outils", qui les aidera dans l'élaboration ou le renforcement de leur stratégie.
La fin de matinée a été l’occasion de donner la parole aux porteurs de PAPI pour évoquer la place du ruissellement dans les PAPI. Si les responsabilités restent à clarifier, l'aléa ruissellement n'étant pas une compétence GEMAPI, la nécessité d'agir sur cet aléa dans le cadre de ces programmes est partagée. Ainsi plusieurs actions s'inscrivent dans la prévention du ruissellement, même indirectement : le rôle de phénomènes aggravants des eaux de ruissellement dans la survenue d'inondation est reconnu. Par conséquent, des actions d'amélioration de la connaissance et travaux de ralentissement des écoulements via de l'hydraulique douce trouvent leur place dans les PAPI.
Ensuite, la présentation d’actions et de stratégies mises en œuvre, par le biais de pratiques régionales, a permis de mettre en lumière le fait que la réponse aux phénomènes de ruissellement ne peut se faire de manière homogène et doit donc être envisagée au cas par cas ; elle doit s’ajuster aux caractéristiques spécifiques des territoires, aux phénomènes en jeu, aux acteurs en place et à la façon dont les compétences sont réparties.
Enfin, la clôture de la journée était consacrée à un point d’information sur l’action nationale à travers le guide national ruissellement. En cours de réalisation et en projet d’édition courant 2025, il a pour but de mieux formaliser la stratégie globale de l'État en matière de ruissellement et de répondre aux besoins des acteurs du territoire.
Les présentations (diaporamas et synthèses écrites) et la transcription des sessions de questions/réponses qui ont suivi, sont disponibles ci-dessous.
Introduction
Mot d'ouverture
Rémi Velluet, directeur de l'agence de Nancy, Cerema
Les phénomènes de ruissellement suscitent un vif intérêt, avec des impacts croissants sur les territoires en lien avec l’intensification des événements pluvieux extrêmes. De même cette problématique est étroitement liée aux questions d’imperméabilisation des sols. Bien que majoritairement rencontrés sur les têtes de bassin, les phénomènes de ruissellement peuvent également se produire en milieu urbain dense, comme en zones agricoles.
L'actualité nous en fournit d’ailleurs des exemples concrets, tels que les inondations par ruissellement survenues durant l’automne 2023 dans le sud-est de la France. De même, les inondations qui ont sévi dans le nord de la France ; bien que principalement liées à des débordements de cours d'eau, elles sont également influencées par des phénomènes de ruissellement sur des sols saturés en réponse à des épisodes pluvieux conséquents et durables.
Selon les estimations du CEPRI, à l'échelle nationale, près de 200 000 habitants sont touchés chaque année par le ruissellement, environ 1,2 million de maisons individuelles de plain-pied sont exposées à ce phénomène. Pour autant, et malgré l'ampleur de ces chiffres, le ruissellement demeure relativement méconnu et mal appréhendé, en comparaison avec le phénomène de débordement de cours d'eau.
L'objectif de ce type de journée est de faire progresser collectivement la compréhension de ce phénomène, en mettant l'accent, sur sa traduction cartographique et vise également à faire le point sur les outils techniques actuellement mobilisés.
Le ruissellement de quoi parle-t-on et quels impacts sur les territoires ?
Kamila Bensaadi, chargée d’études Eau, Cerema
Le terme ruissellement revêt plusieurs définitions :
- Ecoulements en surface, sur un versant ou le long d'axes préférentiels (thalweg, route, …), en dehors des principaux cours d’eau et ruisseaux, en milieu rural ou urbain,
- Surplus d’eau ne pouvant pas être absorbé par les sols ou les dispositifs d’évacuation des eaux pluviales,
- Tout écoulement (surfacique ou linéaire) se produisant sur un territoire dont le bassin versant amont à un temps de réponse inférieur à 2h (DGPR),
- La partie de l’eau qui ne s’infiltre pas dans le sol et qui ne s’évapore pas dans l’atmosphère
Il s'agit d'un phénomène rapide et localisé, fréquemment associé aux orages, susceptible de causer des dégâts au niveau des routes, des parcelles agricoles, des bâtiments etc. Il se manifeste préférentiellement dans les zones à forte pente mais également en zones à pente plus douce. Tous les espaces sont concernés : ruraux, urbanisés, les zones de plaine, de montagne et les littoraux.
Le ruissellement répond à une classification en trois zones distinctes : la zone de production (précipitations), de transfert (mouvement de la masse d’eau) et d'accumulation (les points bas et sans exutoires).
Selon le CEPRI, 72,5 % des communes françaises ont fait l'objet d'un arrêté CATNAT pour le « ruissellement et la coulée de boue » entre 1982 et 2014.
La CCR estime que 7% du territoire français est soumis au risque d’inondation par ruissellement ; la région Grand-Est est au 13ème rang des régions les plus exposés.
Le ruissellement est un objet complexe à appréhender, se situant à l’interface entre la gestion du risque inondation (GEMAPI), la gestion intégrée des eaux pluviales (GEPU) et la règlementation sur le risque inondation (PLU, PLUI, PPRI).
Plusieurs exemples régionaux marquants sont présentés :
- en milieu urbain à Verdun (55) le 09/08/2019, à Nancy (54) les 21 et 22/05/2012, à St-Avold (57) le 09/06/2018 et à Reims (51) les 4 et 22/06/2021,
- en zone viticole à Voegtlinshoffen (68) le 12/06/2018)
- et en zone rurale à Verbiesles (52) le 04/06/2021 et à Brabant en Argonne (55) le 04/06/2016.
Echanges
Témoignage de M. Patrick Adolph, DDT54, Référent PAPI/RDI :
Plusieurs communes de Meuse et de Meurthe-et-Moselle ont été impactées en 2016. La DDT54 a réalisé une quarantaine de visites de reconnaissance de catastrophe naturelle.
Précision de Mme Angélique Masson-Poyac, DDT54, Cheffe de l'Unité Prévention des Risques :
Autant Météo-France va fournir les rapports météorologiques lorsqu’il s’agit d’événements de type risque inondation par débordement de cours d’eau, mais si les cours d’eau ne sont pas surveillés, les DDT peuvent être mises à contribution dans le cadre des reconnaissances CAT NAT en cas d’événements. Les visites de terrain sont importantes pour mieux comprendre les événements et surtout identifier les défauts d’entretiens qui pourraient aggraver le risque.
Mme Masson-Poyac rappelle aussi l’importance de capitaliser l’information pour garder en mémoire les événements et les cartographier, les partager, les porter à connaissance. Il s’agit d’un travail de fond souvent fait avec l’appui du Cerema.
Question de Mme Lina Rustom, Maire de Clémery :
Il est régulièrement mentionné avant chaque épisode pluvieux, le niveau d’intensité de la pluie à l’instant t.
Quel serait, si on peut le définir, le niveau d’intensité de pluie qui doit être absorbé par les réseaux, et à partir de quand on peut considérer la situation d’un phénomène comme exceptionnelle et pour lequel les réseaux ne peuvent plus absorber ?
Réponse de M. Vincent Remy, Cerema Est, Chef du groupe Eau, Risques, Aménagement :
Tout ce qui est "réseaux" renvoie à la compétence assainissement / gestion des eaux pluviales.
Tout ce qui est "intensité pluviométrique", et notamment "le caractère exceptionnel", renvoie plutôt aux données Météo-France.
L’intensité du phénomène est définie par les occurrences supérieures à la trentennale sur la base des statistiques de tous les événements connus (comparaison de la pluie à l’instant t par rapport à l’ensemble des pluies). Celle-ci peut être calculée par la collectivité elle-même si elle en a la capacité.
Il est considéré qu’un événement devient exceptionnel dès lors qu’on dépasse la trentennale en matière de ruissellement.
Lorsque l’événement est classé catastrophe naturelle, Météo-France statue sur les données et édite un rapport.
Précision de M. Manuel Collongues, Cerema Est, Responsable d’études inondations et vulnérabilité territoriale :
Il y a aussi un énorme effet de la perméabilité du sol au moment de l’événement. Dans le sud de la France par exemple, suivant la saison, le même sol peut encaisser facilement 100mm, ou au contraire à peine 30mm. Sur des sols complètement gelés, on va pouvoir avoir l’intégralité de la pluie qui va ruisseler. Il y a une variabilité extrême vis-à-vis de l’état du sol au moment de l’évènement.
Actions locales de cartographie et outils
Caractérisation de l’aléa érosion et ruissellement en région Grand Est
Stéphanie Guignat hydrogéologue & Mickaël Rabin, ingénieur Risques naturels, BRGM
La méthode MESALES est une méthode à scores à 4 données d’entrée qui intègre la variabilité saisonnière et la rotation de culture, permettant ainsi de classer l'aléa en 5 classes avec une résolution qualifiée par celle du MNT.
Les 6 variables sont :
- L'occupation du sol : à l'aide des bases de données RPG et OGS GE2, permettant ainsi d'établir un taux de couverture du sol,
- Le relief : à l'aide de la BD Alti 25m, 8 classes de pente sont déterminées en fonction du pourcentage de pente et de la superficie drainée,
- Le climat : à travers l'érosivité des pluies évaluées par le facteur R,
- La pédologie : via le référentiel régional pédologique, la susceptibilité du sol à la battance et à l'érosion est évaluée en fonction des taux :
- de limon,
- de sable
- d’argile
Ces données sont ensuite intégrées dans un arbre de décision qui produit 7 classes d'aléa.
Les résultats révèlent un nombre d’évènements plus élevé en automne et en hiver, moindre au printemps et en l'été, et mettent également en exergue un rôle protecteur de la couverture végétale.
En cours de développement dans le département des Vosges, l'indice de coulée de boue utilise :
Cartographie du ruissellement dans le département de la Meuse
Eric Bachelez, chargé de missions prévention des risques, DDT 55
Pour le département de la Meuse, 7 PPRI par débordement de cours d'eau ont été établis, couvrant ainsi 200 communes. Des études de caractérisation des trois types d'aléas liés aux inondations ont été lancées dans le bassin versant de la Chiers (département de la Meuse). L'objectif est d'accroître la connaissance et la compréhension du risque d'inondation, d’élaborer un Plan de Prévention des Risques d'Inondation (PPRI) multi-aléas, et d'intégrer les défis associés aux inondations par ruissellement et des coulées de boue.
L’étude se déroule en 3 phases :
- Phase 1 : collecte, analyse des documents existants et enquêtes de terrain,
- Phase 2 : caractérisation de la sensibilité au ruissellement des différents sous-bassins versants, localisation des zones à risques, quantification du phénomène de ruissellement et mise en miroir avec le zonage débordement de cours d’eau
- Phase 3 : élaboration d’une carte d’aléa de ruissellement et de coulée de boue en fonction de la vitesse et de la hauteur d’eau (réalisée pour 82 communes) - modélisation 2D réalisée sur les sous-bassins versants prioritaires (49 communes) ; la priorisation s’est faite sur les zones à enjeux où avaient été recensés des désordres historiques avaient été recensés.
Cartographie du ruissellement : méthode CRUS et telemac 2D.
Adrien Labalme, chargé d’études Ruissellement, Cerema
La méthode de Cartographie du RUissellement de Surface (CRUS) vise à expliquer les phénomènes de ruissellement et à réfléchir à leur prise en compte dans l'aménagement. Elle permet d'identifier les zones vulnérables, de définir des stratégies locales et des mesures de lutte contre le ruissellement, tout en mesurant leur efficacité.
La méthode CRUS est une méthode sèche (sans pluie) à score et reposant sur 3 données :
Méthodes de cartographie du ruissellement du Cerema
Vincent Remy, chef de groupe Eau, Risques et Aménagement, Cerema
Il existe différentes méthodes de cartographie du ruissellement utilisées présentement par le Cerema. Parmi elles :
La méthode CRUS, est présentée précédemment.
La modélisation HEC-RAS – HEC-RAS (Hydrologic Engineering Center - River Analysis System) est un logiciel de modélisation hydraulique développé par le Corps des ingénieurs de l'armée américaine. Il est largement utilisé pour simuler les écoulements fluviaux, évaluer les inondations et concevoir des infrastructures hydrauliques.
HEC-RAS intègre des modèles 1D et 2D, permettant une analyse détaillée des canaux et des plaines inondables. Le logiciel prend en compte la topographie, les ouvrages hydrauliques et offre des fonctionnalités avancées telles que la cartographie des débits, la simulation d'écoulements non permanents, et l'évaluation des risques d'inondation
La méthode Exzeco (EXtraction des Zones d’ECOulement), est une méthode SIG permettant de déterminer automatiquement à partir de la topographie, sur des bassins versants, les emprises potentiellement inondables. Elle équivaut à remplir le fonds des thalwegs avec une certaine hauteur d’eau. Elle s’appuie sur un algorithme d’identification des thalwegs par détermination du point bas et sur un bruitage du MNT permettant, après un certain nombre d’itérations, de déterminer une surface de cheminement probable des écoulements.
La modélisation Cartino 2D : une méthode de mise en œuvre automatisée du modèle hydraulique Telemac2D (Cartino2D pluie) (Cartino2D débit) pour décrire les phénomènes de ruissellement ou de crues soudaines. Elle permet de reproduire des évènements historiques et de tester de multiples scénarios.
Cartino2D pluie nécessite de nombreuses données d’entrée (topographie, pluie, occupation des sols, bases de données locales…), traitées par le modèle hydraulique 2D Telemac2D et s’appuie sur un logiciel SIG pour fournir des cartographies de hauteur et/ou débit sur un évènement donné.
Echanges
Question de M. Philippe Larivière, Directeur de l’EPTB Meurthe-Madon :
Comment les modèles en matière de caractérisation du phénomène de ruissellement (où on est sur des niveaux d’analyse extrêmement fins) sont-ils calés ? (Parallélisme évoqué avec un modèle hydraulique exploitant des repères de crues)
Est-on sûr de la "théorie pure" ou y a-t-il une confrontation avec des événements réels ?
Réponse de M. Manuel Collongues, Responsable d’études inondations et vulnérabilité territoriale au Cerema Est :
En matière de modélisation pour le ruissellement, il n’y a pas de vraie règle de calage pour l’instant. Celui-ci peut être fait à partir de visites de terrain, où peuvent être confrontés les hauteurs d’eau atteintes et les axes où l’eau est réellement passée. Ces visites sont également utiles à la compréhension du phénomène et aux retours d’expérience.
Tout ce qui est « méthode rapide à grande maille », le calage se base surtout sur l’expertise et la connaissance terrain.
Sur des méthodes réelles de modélisation hydraulique, telles que CARTINO 2D, il a pu être récupéré sur un territoire, l’intégralité des interventions des pompiers, géolocalisées et horodatées à 15 minutes près. Cela a permis de valider la pertinence de la méthode et a son utilisation au niveau national pour établir la cartographie nationale des inondations rares.
Le plus gros problème est la puissance de calcul nécessaire (temps de calcul très significatifs). Aujourd’hui on a des méthodes sur ce qui peut se faire de mieux en matière de spatialisation des hauteurs d’eau, des débits et des vitesses déroulement, mais cette qualité a un prix.
Question complémentaire de M. Philippe Larivière, Directeur de l’EPTB Meurthe-Madon :
Les méthodes sont nombreuses : ont-elles été comparées entre elles ? obtient-on les mêmes résultats ? quelles sont leurs avantages/qualités et leurs inconvénients/défauts ? y a-t-il une plus rapide et/ou moins coûteuse que les autres ?
Réponse de M. Vincent Remy, Chef du groupe Eau, Risques, Aménagement au Cerema Est :
Cela fera l’objet du guide national en cours d’élaboration : les méthodes cartographiques seront présentées, avec des fiches-types de réalisation d’études.
Une convergence des méthodes sera proposée en fonction de l’usage final, des attentes et des exigences.
Un point de vigilance aussi est d’avoir une bonne connaissance des ouvrages (énorme travail à faire sur le sujet au niveau national et très utile dans CARTINO 2D).
Précision de M. Manuel Collongues, Responsable d’études inondations et vulnérabilité territoriale au Cerema Est :
Sur un territoire très étendu, on peut avoir des résultats plus rapides et faciles avec des approches de type CRUS ou MESALES par exemple, qui croisent des bases de données d’occupation du sol.
La partie "pédologie" n’est pas disponible de manière homogène sur l’ensemble du territoire national. C’est une "chance" d’avoir un Référentiel Régional Pédologique (RRP) fiable dans le Grand Est.
La parole à Mme Lina Rustom, maire de Clemery, qui émet le souhait de voir établies des cartes de ruissellement sur son territoire.
Réponse de M. Vincent Remy, Chef du groupe Eau, Risques, Aménagement au Cerema Est :
Sur le territoire de la Communauté de Communes de Seille et Grand Couronné, le Cerema a une commande à ce jour, mais uniquement sur la commune de Jeandelaincourt, qui correspond à des secteurs assez imperméables, avec une tendance à la battance de certains sols.
Question subsidiaire de Mme Lina Rustom, Maire de Clémery :
Comment peut-on ensuite utiliser ces cartographies en prospective, et identifier l’impact de tel ou tel aménagement sur les phénomènes à venir ?
Réponse de M. Vincent Remy, Chef du groupe Eau, Risques, Aménagement au Cerema Est :
L’idée est d’abord de savoir où sont les écoulements principaux en identifiant tous les axes d’écoulement / thalwegs / concentrations dans les points bas lors des épisodes pluvieux intenses.
Il est préconisé de bannir tout aménagement dans ces secteurs, afin d’éviter de les exposer aux écoulements.
La sensibilité des sols va permettre de savoir globalement, sur un bassin versant plus ou grand, et moyennant un couplage hydrologique, la quantité d’eau prévisible, et potentiellement de savoir quel niveau d’exposition est susceptible d’être rencontré en point bas en cas d’inondation, afin d’identifier les mesures envisageables en matière de travaux de réduction de la vulnérabilité.
L’idée des approches comme CRUS ou WaterSed est justement de pouvoir évaluer l’efficacité / l’impact des mesures mises en place, que ce soit en termes d’occupation du sol / pratiques agricoles ou de mesures correctives (hydraulique douce notamment).
Question de M. Régis Creusot, DREAL Grand est, Responsable Adjoint Pôle Risques Naturels
Quelles périodes de retour sur des phénomènes de ruissellement ?
Réponse de M. Eric Bachelez Chargé de mission prévention des risques, DDT 55, M. Vincent Remy chef de groupe Eau Risque Aménagement Cerema Est, et M. Philippe Larivière Directeur EPTB Meurthe-Madon
Il est difficile d’envisager des périodes de retour concernant le ruissellement tant ces phénomènes sont tributaires de nombreux paramètres et leur survenue peut s’établir à n’importe quel moment de l’année ; sols gelés, sols secs, sols saturés en eau, urbanisation, méthodes de cultures, pente, … En hiver, une période de gel peut empêcher l’infiltration d’une pluie d’orage somme toute modeste, qui n’aurait pas eu de mal à s’infiltrer hors gel.
Question de M. Florian Lacroix – Chargé de missions Gemapi à la CC de Longwy
Etant donné la multitude de méthodes de cartographie du ruissellement, laquelle serait la plus pertinente pour un territoire comme celui de la CC de Longwy ?
Réponse de M. Vincent Remy, chef de groupe Eau, Risques et Aménagement, Cerema Est
La méthode choisie dépendra du bureau d’étude ou de la structure qui aura en charge la cartographie du ruissellement et celui-ci choisira l’une ou l’autre des méthodes en fonction des caractéristiques propres au territoire.
Question de M. Loïc Grabensttaeter, ingénieur risques au BRGM
Qu’entend-t-on par "topographie fine" ? quelle est la précision du MNT ?
Réponse de M. Eric Bachelez Chargé de mission prévention des risques, DDT 55
Pour élaborer le PPRi "débordement de cours d’eau", la DDT a fait réaliser des mesures LiDAR sur le lit majeur du cours d’eau, avec une précision altimétrique demandée de 5 cm. La densité est de 9 points au m².
Sur la zone d’étude représentant 25 à 50 m² de superficie (pour mémoire : 3 zones comparatives sur 200 km de cours d’eau), il a été constaté en moyenne une différence de 2,8 cm entre la topographie réalisée par un géomètre et les relevés LiDAR.
95 % de bons résultats obtenus en matière d’axes de ruissellement à l’interface avec les zones urbaines, a pu être constaté avec le LiDAR, contrairement à la modélisation 2D du bureau d’études qui utilise le MNT 25m rapporté au 5m.
Question de M. Ludovic Huin, adjoint au chef d'unité Prévention des risques à la DDT54 :
Le zonage réglementaire (et le règlement associé) a-t-il été développé dans le cadre de l’étude suivie par la DDT55 ?
Réponse d’Éric Bachelez, Chargé de mission prévention des risques à la DDT55 :
Le secteur concerné est en étude pour l’instant, l’élaboration du PPRi interviendra ultérieurement.
La méthodologie a été développée sur une des 71 communes de la vallée de l’Aire, qui est très sensible au ruissellement et contribue fortement aux petits cours d’eau contenus dans l’emprise inondable de la crue centennale. Il a été contraint de remodéliser la crue centennale avec les apports d’un petit ruisseau sur cette commune. Cette commune a été exclue de la procédure PPRi de la vallée de l’Aire pour faire un PPRi individualité multi-aléas « ruissellement + débordement de cours d’eau ».
Les objectifs en matière de réglementation qui se préfigurent à ce jour, sont les suivants (à voir au fil de l’eau sur cette commune comment la réflexion va se dérouler) :
- toutes les zones hors zones urbaines identifiées comme axes de ruissellement sont placées en zone rouge ;
- au titre de l’agricole, cela reste pour l’instant au niveau de recommandations pour le travail du sol et pour cibler éventuellement l’implantation de haies, la mise en place de fascines ou d’aménagements hydrauliques que la commune souhaiterait voir se développer pour atténuer le risque de ruissellement.
La parole à M. Loïc Grabenstaetter, Ingénieur risques au BRGM, qui souligne un point de vigilance :
Le retour d’expérience sur l’Eurométropole de Strasbourg a révélé une très grosse différence entre les axes de ruissellement calculés à partir d’un MNT (même très bon) et les axes de ruissellement réellement observés, notamment au niveau des interfaces zones agricoles / zones urbaines (décalage de plusieurs rues parfois).
Il attire l’attention sur la résolution et le maillage relatif au MNT, où le moindre trottoir ou muret non représenté peut faire décaler les axes de ruissellement par rapport à la réalité constatée.
Il s’interroge sur la méthode pour s’assurer que les axes de ruissellement qui vont être utilisés dans le zonage réglementaire s’appuient bien sur des axes réels observés sur le terrain, et non sur une modélisation liée à l’utilisation d’un MNT.
Il préconise de ne pas s’appuyer uniquement sur du traitement simple de données LiDAR (sans être péjoratif) pour établir des prescriptions réglementaires dans un PPR, sans s’être assuré de la réalité de terrain.
La place du ruissellement dans les PAPI
La place du ruissellement dans les PAPI : la Moselle Aval
Geoffrey Remy, chargé de missions, Syndicat Mixte Moselle Aval
Une première phase de travail concernant l’identification des enjeux liés au ruissellement a été réalisée à l’échelle du bassin versant de la Moselle aval ; une quantification des impacts sur les biens et sur la qualité de l’eau de surface a également été réalisée.
L’identification des enjeux liés au ruissellement sur Moselle aval a été établie selon 2 phases :
- Phase 1 : Evaluation de la sensibilité globale au ruissellement à l’aide du modèle MESALES,
- Phase 2 : Modélisation fine de deux sous-bassins versant pilotes avec la méthode WATERSED et préconisations d’actions.
Les résultats montrent que près de 7500 bâtiments sont exposés au risque de ruissellement et que cet aléa cause des obstructions de cours d’eau liés à un apport en excès de terre (colmatage, envasement, etc.).
Cette première phase de travail a permis d’élaborer une stratégie de gestion du ruissellement à l’échelle du bassin versant de la Moselle aval.
Cette stratégie se décline en 2 étapes : la première a permis de mettre en exergue une hiérarchisation affinée des sous-bassins versants (200 à 300 retenus) et la seconde étape a permis la co-construction d’une stratégie opérationnelle via le choix du niveau de précision de la démarche d’études préalable (modélisation fine ou non), l’estimation des coûts globaux et l’inscription de certaines actions dans le PAPI Moselle aval (après concertation avec les EPCI).
Pour le SMMA, l’élaboration d’un PAPI repose sur une démarche progressive qui passe par :
- une connaissance approfondie du territoire,
- une collaboration étroite avec l’ensemble des acteurs dans les respect leur compétence GEMAPI,
- une échelle géographique pertinente pour la gestion du risque inondation.
L'objectif est de mieux connaître pour mieux agir.
Ruissellement et PAPI : le cas de la Meurthe et du Madon
Philippe Larivière, directeur, EPTB Meurthe Madon
La question de la responsabilité vis-à-vis du ruissellement reste non résolue. Le ruissellement fait partie du bloc 4° "La maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement ou la lutte contre l'érosion des sol" de l’article L211-7 du code de l’environnement qui n’est pas un compétence GEMAPI.
Si la GEMAPI relève de la responsabilité des communes et intercommunalité, le ruissellement est pour sa part, traité par diverses entités en fonction des problématiques rencontrées, ce qui constitue en tant que tel une des principales difficultés à sa bonne prise en compte.
Dans le cadre de ses missions déléguées ou transférées pour la prévention des inondations et la gestion des milieux aquatiques, l’EPTB MM, à travers ses PAPI, a réalisé plusieurs actions qui ont un lien plus ou moins direct avec le ruissellement : inventaires de zones humides et des boisements et haies bocagères avec programmes de préservation, diagnostic de vulnérabilité.
Un exemple est abordé pour présenter la complexité du terrain : l’évacuation des eaux pluviale d’une entreprise qui arrive dans un ruisseau, lui-même alimenté par des fossés qui arrivent au final dans une retenue d’eau pluviale.
Ruissellement ou prévention des inondations ?
La question de son intégration dans les PAPI se pose alors que les liens entre les compétences GEMAPI et le ruissellement sont reconnus. Il est essentiel de clarifier davantage les responsabilités de chacun. Si certains EPTB ont "pris", par choix, cette compétence ruissellement, il est impératif de clarifier au niveau national cette situation et de mieux définir "qui fait quoi".
Actions et stratégies mises en oeuvre
Actions et stratégies de lutte contre les coulées d’eaux boueuses : Stratégie de l’Eurométropole de Strasbourg en milieu extra-urbain
Bénédicte Petitjean, chargée d’études environnementales, Eurométropole de Strasbourg & Loïc Grabenstaetter, ingénieur risques, BRGM
L’EMS dispose de la compétence GEMAPI et "maîtrise des eaux pluviales et de ruissellements et la lutte contre l’érosion des sols" (coulées d’eau boueuse) depuis 2018, année où 9 communes du territoire ont été affectées par un phénomène d’eau boueuse.
Suite à cela et en collaboration avec le BRGM, une étude concernant ce risque a été lancée sur 14 communes. Cette étude a été réalisée selon 3 phases :
Phase 1 : caractérisation de l’aléa et définition d’une stratégie de gestion du risque basée sur l’hydraulique douce et les mesures agronomiques
Utilisation du modèle WATERSED
- Objectif de caractérisation de l’aléa sur les 14 communes
- Hiérarchisation des bassins versants en termes de risque
- Objectif de diminution des impacts des coulées d’eaux boueuses basée sur l’hydraulique douce
Définition du programme d'aménagement, cartographie de l'aléa coulée d'eau boueuse selon un scénario défavorable (calendrier culturel), mise en œuvre d'ouvrages d'hydraulique douce sur 96 bassins versants. Les coûts évalués pour les investissements sont de 150 k€ et de 80 k€ pour le fonctionnement.
Phase 2 : De la modélisation à la mise en œuvre, objectif de modélisation annuelle déploiement opérationnel de la stratégie
- Modélisation visant à hiérarchiser les investissements annuels dans la lutte contre les coulées de boue.
- Intégration des ouvrages mis en place par l'Eurométropole de Strasbourg.
- Proposition d'ouvrages complémentaires en fonction de l'occupation des sols.
- Réduction des volumes de boue pouvant atteindre jusqu'à 60%.
Deux types de mesures sont distingués : les mesures préventives et les mesures curatives. Les aménagements sont ensuite pris en compte dans les modélisations annuelles.
Mise en place d'une convention pour indemniser la plantation de haies sur des parcelles (18,44 €/ha/an). Actuellement 10 km sont conventionnés sur 11 communes du territoire.
Phase 3 : Axes de progrès et perspectives pour la résilience du territoire (depuis 2022)
- Renforcer les mesures préventives en lien avec la profession agricole (modélisation des moyens préventifs de lutte contre les CEB, sensibilisation à l’agriculture conservatrice des sols (ACS).
- Intégrer le risque dans les stratégies d’aménagement du territoire : Utilisation du PLUi comme outil ; l'urbanisation nouvelle peut engendrer de nouvelles situations à risque, l'intégration des CEB dans le PLUi engendrerait une réduction des risques et des dommages.
- Réduire la vulnérabilité des territoires en accompagnant les acteurs et les habitants du territoire, tout en intégrant et en accompagnant les acteurs économiques.
La gestion des coulées d’eau boueuses par la séquence Eviter-Réduire-Compenser
Franck Hufschmitt, chef du service milieux aquatiques et risques, SDEA Alsace Moselle
Plus de 100 communes sont touchées, avec 1300 bassins contributeurs dans le Bas-Rhin. De nombreuses inondations ont eu lieu, avec la présence de facteurs aggravants tels que la présence de sol nu sur des parcelles remembrées et des écoulements concentrés dans des vallons secs.
A la suite de ces évènements, il a été décidé d’établir un plan d’action en 3 temps, la séquence E-R-C :
Travaux de renaturation et de lutte contre les inondations du Grémillon
Vincent Remy, chef de groupe Eau Risque et Aménagement, Cerema Est
Les 21 et 22 mai 2022, l’agglomération du Grand Nancy est touchée par d’importantes inondations causant des dégâts dans plus de 1000 foyers et 300 commerces et entreprises ont été sinistrés. Des centaines de véhicules ont également été endommagés, en particulier sur les communes d’Essey-lès-Nancy et Saint-Max.
103 mm de précipitations sont tombés en quelques heures, faisant de cet orage, un évènement extrême.
La forte urbanisation des communes en tête de bassin du demeure le principal facteur aggravant, l’imperméabilisation était particulièrement propice au ruissellement.
Une série d'aménagements a donc été réalisée le long du Grémillon :
- la création de deux champs d’expansion des crues,
- la réouverture en aérien du ruisseau sur deux secteurs,
- des élargissements ponctuels du lit majeur,
- le réaménagement de deux bassins (Trezelot et Masserine).
Guide de bonnes pratiques relatif au ruissellement en zone viticole
Vincent Remy, chef de groupe Eau, Risque et Aménagement, Cerema Est
En réponse à des inondations par ruissellement récurrentes causant de nombreux désordres, particulièrement sur le réseau public et également sur des aménagements à proximité du vignoble, la DDT10 a exprimé le besoin d'élaborer un guide de bonnes pratiques relatif au ruissellement en zone viticole.
Ce guide devra permettre de sensibiliser les acteurs du territoire à un aménagement foncier plus pérenne, de proposer une cartographie mettant en exergue les pistes d’actions sur la réduction de la vulnérabilité et sur les potentielles opérations de planification, et enfin ce guide permettra de définir les stratégies locales et les mesures de lutte contre le ruissellement, stratégies élaborées en concertation avec les acteurs locaux.
Après plusieurs mois de travaux, différents moyens de lutte complémentaires ont été recensés :
Clôture - Le guide national sur le ruissellement
Vincent Remy, chef de groupe Eau, Risque et Aménagement, Cerema Est
L'augmentation de l'intensité des précipitations et des phénomènes de ruissellement associés, conjuguée à une imperméabilisation croissante des sols et à la nécessité d'intégrer le risque de ruissellement dans les politiques d'aménagement, a conduit à la création de ce guide national.
Ce guide répond à une attente forte des acteurs du territoire qui souhaitent mieux comprendre et intégrer ce risque dans leurs orientations d’aménagement, pour pouvoir mettre en place des mesures de lutte et de réduction de la vulnérabilité des personnes et des biens existants ou futurs.
En ce sens, le guide, actuellement en cours d’élaboration, s’appuie sur deux axes :
- La connaissance de l’aléa : cartographie de l’aléa et du risque, développement concerté et mise à disposition d’outils de cartographie,
- La gestion des risques : stratégie de prévention et de mitigation, boîte à outils pour la prévention du risque inondation par ruissellement, aménagements pour la gestion du risque ruissellement.
L'objectif est d'assurer la sécurité des biens et des personnes, de réduire la vulnérabilité des territoires tout en évaluant la faisabilité d'une gestion plus intégrée du ruissellement.
Le guide comprendra à cet effet quatre parties :
- La définition des enjeux et les objectifs du guide
- La cartographie (besoins, méthodes, recommandations)
- Mieux aménager face au ruissellement (stratégies, mesures de luttes, …)
- Compétences et outils réglementaires (financements, outils, échelles d’action, …)
L’édition du guide est prévue pour 2025.
Echanges
Question de Mme Julie MORIN, pilote du projet HEBMA, EPAMA :
Que prévoit le protocole d’indemnisation agricole du SDEA dans le cas des aménagements d’hydraulique douce ?
Le projet HEBMA par exemple intègre des indemnisations pour les protections contre les inondations, mais pas pour les aménagements d’hydraulique douce.
Rappel de la méthode des « coûts évités » évoquée en 2019, qui évalue les coûts que la communauté aurait à supporter en cas de non-retenue des eaux sur les terres agricoles.
Concernant les aménagements d’hydraulique douce (bandes enherbées, haies, fascines, etc.), le SDEA a mis en place le versement d’une indemnité de perte de surface aux agriculteurs afin de faire accepter un maximum d’aménagements d’hydraulique douce pour lutter le plus efficacement possible contre les dommages liés aux événements. Il a, à ce titre, co-élaboré et co-signé avec la Chambre d’Agriculture Alsace, un protocole général d’indemnisation des préjudices agricoles engendrés dans le cadre de la gestion du risque d’inondation.
Précision de M. Vincent Remy, Chef du groupe Eau, Risques, Aménagement au Cerema Est :
En cas d’implantation de haies, la mise en place de fascines en amont est préconisée de manière systématique, le temps que la haie pousse avec une densité suffisante.
Lorsque la fascine vieillit et s’il n’est pas souhaité de l’entretenir, le ruissellement peut être géré avec la haie seule si la fascine meurt et si la haie a atteint sa taille adulte.