Quelle formation avez-vous suivie ?
Gaëlle Guyot : Je suis triple diplômée d’un Bac+5. Je suis ingénieure des travaux publics de l’État, diplômée de l’ENTPE. Et titulaire de deux masters recherche : un orienté environnement, suivi à l’Université Grenoble Alpes, et un orienté bâtiment, obtenu à l’INSA de Lyon.
Quel a été votre parcours avant de devenir chercheure ?
Je suis un bébé Cerema ! J’ai intégré l’établissement à la fin de mes études et j’y ai vécu trois périodes avant de devenir chercheure.
J’ai d’abord occupé, de 2006 à 2009, le poste de chargée d’études « bâtiment, énergie et risques », où mes doubles compétences étaient utiles et nécessaires. J’étais en charge d’élaborer la réglementation sur les bâtiments situés autour des sites industriels Seveso – potentiellement dangereux –, afin d’en diminuer la vulnérabilité. Je travaillais également sur la performance énergétique des bâtiments.
Au moment des 10 ans de la catastrophe d’AZF, le sujet de la prévention des risques technologiques a fait la une en France. Le Cerema a décidé de créer un pôle de compétences et d’innovation spécialisé dans le risque toxique, composé de six personnes, dont je suis devenue responsable. J’ai occupé ce poste de 2010 à 2013.
Après toutes ces années d’expertise sur les transferts d’air dans le bâtiment, la direction du CETE de Lyon (Cerema Centre-Est de l’époque), qui souhaitait que l’établissement développe encore son expertise et le nombre de docteurs dans ses rangs, m’a proposé de commencer une thèse, en parallèle de mes activités au Cerema. C’était avant la création des équipes de recherche. On avait une véritable volonté dans l’équipe d’aller vers le sujet de la qualité de l’air intérieur. J’ai dit « bingo », je fais une thèse sur ce sujet, cela nous permettra de monter collectivement en compétences !
Je suis un bébé Cerema ! J’ai intégré l’établissement à la fin de mes études et j’y ai vécu trois périodes avant de devenir chercheure.
Faire une thèse plusieurs années après la fin de ses études, ce n’est pas commun, non ?
Oui, cela rend mon parcours un peu atypique ! J’avais eu l’opportunité de participer à des projets de recherche au Cerema mais il ne s’agissait pas d’un travail de chercheure à proprement parler.
Parlez-nous de votre thèse et de vos premiers pas en tant que chercheure…
Je l’ai débutée en décembre 2013. Je travaillais à 50 % sur ma thèse, le reste de mon temps avec les équipes du Cerema. Cela m’a permis d’aller vers la recherche, en montant par exemple le gros projet VIA Qualité et en étant chercheure invitée à l’international, notamment au Berkeley Lab, aux États-Unis, en 2016.
Ma thèse a pour sujet « Vers une meilleure prise en compte de la qualité de l’air intérieur et de la santé : développement d’une approche performancielle pour la ventilation des logements basse consommation ». Je l’ai faite en 5 ans… comprenant deux congés maternité ! Je l’ai soutenue en décembre 2018, date à laquelle je suis devenue chercheure. Et moins d’un an plus tard, j’encadrais trois thèses !
Depuis 2020, je suis également l’adjointe de Marjorie Musy, directrice de l’équipe de recherche BPE – Bâtiments Performants dans leur Environnement – du Cerema. Je suis son relais sur le site de L’Isle d'Abeau (Isère) où j’encadre les autres chercheurs de l’équipe.
Crédit photo : Charlène Aubert
Quels sont vos domaines d’expertise scientifique ?
La caractérisation des transferts d’air dans le bâtiment et les interactions qu’il y a entre les débits que l’on souhaite dans les bâtiments – qui sont les débits de ventilation – et les interactions avec tout ce que l’on ne maîtrise pas, plutôt lié à la perméabilité à l’air du bâtiment.
Je travaille sur la façon dont l’air qui circule dans les bâtiments va impacter plusieurs types d’enjeux comme la qualité de l’air intérieur, la performance énergétique, éventuellement le confort des occupants.
Je suis très engagée dans mon quotidien face à l'urgence climatique.
En 2017, votre projet VIA a reçu un prix au Cerema. De quoi s’agissait-il ?
Le projet VIA Qualité a effectivement reçu le prix du Cerema dans la catégorie Partenariat. Dans ce projet, nous voulions sensibiliser l’ensemble des acteurs, autour d’un projet de maison individuelle, à la qualité de l’air et à la qualité de la ventilation. Avec le soutien de l’ADEME et de la région Auvergne-Rhône-Alpes, et le concours d’un illustrateur, nous avions notamment élaboré un guide « Grand air » à destination des particuliers. C'était un très beau projet qui a permis d’accompagner, de lever des verrous et qui a été à l'origine de nombreuses suites.
Le Club Ventilation a ainsi été créé par la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), constitué de tous les experts et représentants de la filière Ventilation en France et œuvrant pour une meilleure prise en compte de ce sujet dans le bâtiment. L’équipe de recherche BPE a également apporté des contributions avec deux projets portant sur l’inspection des systèmes de ventilation : le projet PROMEVENT pour l’ADEME ainsi qu’une étude pour la Commission européenne. Une des suites très concrètes aujourd’hui, c’est l'entrée de l'obligation d'un diagnostic de la ventilation dans la « RE2020 », la nouvelle réglementation environnementale des bâtiments neufs.
Vos travaux ont-ils abouti à un projet de R&D avec une entreprise ?
Il y a une dizaine d’années, dans le cadre d’un projet ADEME, le Cerema avait accompagné et suivi la construction et l’instrumentation de deux bâtiments de logements sociaux équipés de systèmes de ventilation « intelligents » hygroréglables, sensibles à l’humidité.
Il y a deux ans, un des deux industriels impliqués, Aereco, a sollicité le Cerema afin de mesurer, dix ans plus tard, le comportement et la durabilité des performances de son système. Nous avons donc accompagné cet industriel dans une première campagne d’expérimentation in situ, dans le cadre d’un contrat Carnot. Cela a été suivi d’un projet de recherche financé par l’ADEME, sur la durabilité des performances des systèmes de ventilation.
Nous avons également signé en début d’année un accord-cadre avec le CETIAT – Centre technique des industries aérauliques et thermiques – afin de poursuivre les collaborations déjà engagées depuis plusieurs années et de pouvoir les développer, par exemple en montant des projets Carnot avec leurs ressortissants. Nous avons ainsi présenté le Carnot Clim’adapt lors de notre comité de pilotage annuel, en mars.
Je suis super fière de notre équipe BPE qui est très jeune mais déjà très dynamique, avec de beaux partenariats, dont celui avec le LOCIE.
Une ou plusieurs fiertés professionnelles ?
Avoir réussi un sacré challenge en partant avec ma famille, dont ma fille de deux ans, pour travailler plusieurs mois dans le prestigieux Berkeley Lab. Une sacrée expérience personnelle et professionnelle, dans la baie de San Francisco où le ramassage des ordures intègre celui des bacs de compost en ville, où le tri très sélectif se fait jusque dans les couloirs du laboratoire, où les vélos sont accrochés à l'arrière des bus pour franchir les collines...
Je suis également super fière de notre équipe BPE qui est très jeune mais déjà très dynamique, avec de beaux partenariats, dont celui avec le LOCIE, une unité mixte de recherche CNRS / Université Savoie Mont Blanc que nous avons l'ambition d'intégrer, pour participer à son développement scientifique et arrimer un peu plus le Cerema à l'enseignement supérieur et à la recherche. Tout cela grâce à Marjorie Musy qui est une directrice brillante et bienveillante ayant su lancer une vraie dynamique d'équipe sur plusieurs sites.
Quelles sont les qualités requises pour réussir en tant que chercheure ?
Je dirais qu'il faut de la rigueur, l'esprit ouvert – à l'international, à d'autres disciplines connexes... – et beaucoup d'humilité.
Si vous deviez vous décrire en trois adjectifs ?
Frisée, brune et sportive ?! J’ai préféré demander à Marjorie et aux deux chercheurs permanents de mon équipe : ils m’ont décrite comme étant rigoureuse, engagée, dynamique… et à l’écoute même si ce n’est pas un adjectif !
L’institut Carnot Clim’adapt donne du sens collectivement à la recherche de haut niveau concernant l’adaptation au changement climatique, un enjeu crucial pour tous.
Le Cerema est labellisé institut Carnot avec Clim’adapt : qu’est-ce que cela représente pour vous en tant que chercheure au Cerema ?
Je suis très engagée dans mon quotidien face à l'urgence climatique : une maison passive conçue par mes soins – et avec l'aide de mon mari quand même :-) –, deux fours solaires qui tournent à plein régime, une formation à la permaculture... Être chercheure au Cerema – dont l’institut Carnot, Clim’adapt, est le premier Carnot uniquement dédié au climat – dans l'équipe BPE, sur le sujet de la performance globale des bâtiments, c'est à la fois me sentir utile face à l'urgence climatique, et en cohésion avec mon engagement personnel.
L’institut Carnot Clim’adapt est aussi un outil contribuant à la valorisation et au rayonnement des chercheurs et de leurs projets, ainsi qu’un gage de notoriété au niveau de la recherche publique pour le Cerema. Il donne du sens collectivement à la recherche de haut niveau concernant l’adaptation au changement climatique, un enjeu crucial pour tous.