4 décembre 2024
travaux de dépollution de la décharge de Fouras
Travaux de dépollution et de renaturation de la décharge de Pré-Magnou à Fouras - Thierry Degen TERRA
Dans le cadre de la lutte contre la pollution par les plastiques dans l’océan, le plan national de résorption des décharges littorales a été lancé en février 2022 afin de résorber les décharges littorales historiques présentant le plus fort risque de relargage de déchets en mer. Point d'étape après deux ans de travaux.

Le plan national de résorption des décharges littorales est doté de 30 millions d’euros par an et doit permettre de trouver les solutions techniques les plus adaptées pour stopper le relargage de déchets et les pollutions liées dans le milieu naturel.

 

Une démarche nationale pour agir rapidement sur les décharges inventoriées

travaux de dépollution
Travaux de dépollution de la décharge de Fouras - Thierry Degen - TERRA

Le plan est sous la tutelle du Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, notamment des Directions Générales de l’Aménagement, du Logement et de la Nature (DGALN) et de la Prévention des Risques (DGPR) (site MTECT). Il mobilise trois opérateurs que sont l’ADEME, le BRGM et le Cerema.

Le BRGM effectue le recensement des décharges entrant potentiellement dans le plan national selon plusieurs critères : elles se trouvent à moins de 100 m du rivage, ont reçu des déchets ménagers avant 1992 et au maximum jusque dans les années 2000, et sont vulnérables aux aléas marins tels que l’érosion et la submersion marines. À ce jour, le BRGM a recensé 94 décharges entrant potentiellement dans le plan.

Cet inventaire est évolutif, revu en fonction des signalements réalisés par les services de l’État, les communes, les associations, l’Office National des Forêts ou encore le Conservatoire du Littoral (géorisques).

L’ADEME a en charge la gestion du fonds décennal de 30 millions d’euros par an, le suivi des dépenses liées aux résorptions des décharges et des mesures mises en œuvre à ce titre. Elle accompagne chaque maître d’ouvrage grâce à une convention bipartite, encadrant les modalités d’attribution des aides sollicitées (site Agir) comme les critères d'exemplarité techniques.

Le Cerema pilote la démarche globale du plan et la mise en œuvre opérationnelle des actions. Ses équipes, à travers la réalisation d’un diagnostic simplifié, sur la base de l’inventaire du BRGM, entérinent, en collaboration avec les services décentralisés de l’État, l’entrée ou non des décharges inventoriées dans le plan eu égard aux risques et enjeux en présence. Il assure le suivi et le reporting de la démarche au niveau national, et diffuse les connaissances issues de la démarche.

Depuis septembre 2024, le Cerema met également à disposition des maîtres d’ouvrage engagés, un bureau d’études missionné pour assurer l’assistance à maitrise d’ouvrage. Cette aide précieuse des points de vue techniques, financiers et gouvernance est proposée à titre gracieux.

Plus spécifiquement, l’État s’appuie sur le Cerema pour :

  • Confirmer et prioriser les décharges concernées par le plan,
  • Rédiger des avis techniques et financiers avant chaque dépôt de demande d’aide des maîtres d’ouvrage,
  • Accompagner les maîtres d’ouvrage dans la mise en place et la réalisation des phases d’études et de travaux (mise à disposition de documents de référence, ...),
  • Cartographier les financements complémentaires aux aides ADEME au profit des maîtres d’ouvrage.

 

 
Bilan chiffré à 2 ans :
  • 71 décharges rentrent dans le plan
  • 12 décharges sont en phase d'études
  • 3 décharges sont en phase de maîtrise d’œuvre et travaux : La caverne des hirondelles à Saint-Joseph (974), La Jamaïque à Saint-Denis (974) et La Ravine Sèche à Saint-Benoît (974)
  • 2 décharges sont réhabilitées : Pré Magnou à Fouras (17), La Torche à Ploemeur (29)

Zoom sur 3 sites pilotes

3 sites pilotes ont été ciblés au départ afin de commencer à capitaliser puis diffuser les retours d’expérience des démarches de résorption. Sur ces trois sites, des projets avaient été entrepris avant le lancement du plan :

  • Décharge de l’Anse Charpentier, Saint-Marie (Martinique) © ONF

    Décharge de l’Anse Charpentier (Martinique) : Cette décharge, dont la maîtrise d’ouvrage est portée par l’ONF, présente des enjeux environnementaux forts (parc naturel marin, lieu de ponte de tortues, ...). C’est également un lieu de loisirs très fréquenté. En 2023, l’ONF a engagé des mesures de mise en sécurité et des études afin d’identifier le volume et la nature des déchets en présence ainsi que leurs impacts sur le milieu naturel et la santé humaine. 

  • Décharge de Pré-Magnou à Fouras (Charente-Maritime) : Cette décharge de déchets ménagers de 20 000 m3 sur 2 hectares, dont le projet a été piloté par le Conseil départemental de Charente-Maritime, laisse désormais progressivement la place à l’extension naturelle et progressive du Marais d’Yves. Ce sites est restauré depuis début 2024. Les travaux ont pu être réalisés grâce à la collaboration de la DREAL Nouvelle-Aquitaine, de la commune de Fouras-les-Bains, du Conservatoire du Littoral, de l'intercommunalité, du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine et du Conseil départemental de la Charente-Maritime, de l’ADEME et du Cerema. Ces travaux ont permis d’évacuer la totalité des déchets tout en laissant la nature reprendre ses droits ;
  • Décharges de Dollemard (Seine-Maritime) : Ces quatre décharges à flanc de falaises fermées en 2000 cumulent 450 000 m3 de déchets susceptibles d’être relargués en mer. Elles ont fait l’objet d’un chantier test ambitieux piloté par la Ville du Havre, maître d’ouvrage. Désormais, après une phase de dialogue compétitif ayant permis d’identifier et de choisir les solutions les mieux adaptées aux enjeux en présence, les travaux débuteront début 2025.

 

Défis techniques et environnementaux

Chaque décharge présente des contraintes spécifiques comme l’instabilité, les difficultés d’accès, la vulnérabilité aux aléas marins, la présence de nappes d’eaux en contact direct ou indirect avec les déchets ou encore la présence de déchets dangereux (amiante, résidus de déchets industriels par exemple), mais aussi d’autres enjeux naturels et réglementaires (paysages et sites classés, Natura 2000, ...).

Les défis techniques sont importants, et le Cerema accompagne les maîtres d’ouvrage afin que les différentes étapes de ces démarches s’inscrivent dans la méthodologie nationale de gestion des sites et sols pollués et répondent à la norme NF X31-620 de décembre 2021. Cependant l’approche doit également être pluridisciplinaire, au-delà des aspects techniques, les projets de restauration de décharge nécessitent une compréhension des enjeux naturels (présence d’espèces sensibles protégées, gestion des espèces invasives, milieux naturels inscrits ou classés…). Les enjeux règlementaires sont également forts sur ces zones littorales très vulnérables. Enfin ce type de projet fait appel à de nombreux partenaires et acteurs territoriaux aux enjeux propres et leur gouvernance doit donc être exemplaire.

Grâce à ses compétences, le Cerema porte une attention très spécifique à la prise en compte des aléas marins, érosion, submersion et recul du trait de côte. Il évalue notamment la manière dont ces aléas peuvent impacter le massif de déchets à court terme mais également contribue à projeter les solutions techniques pour obtenir un site restauré et adapté, eu égard à ces aléas et pour les 50 à 100 prochaines années.  
 

 

Critères d’exemplarité environnementale

Dans le cadre de l’accompagnement des maîtres d’ouvrage, des critères d’exemplarité environnementale sont établis par le Cerema et l’ADEME comme :

  • L’élaboration d'un bilan coût-avantage et d’une analyse multicritères permettant d’identifier la meilleure solution technique, environnemental et économique,
  • La réalisation d’un tri optimal des déchets afin de permettre leur valorisation et d’éviter de les envoyer dans des installations de stockage,
  • L’optimisation du bilan environnemental des mesures et travaux prévus (alternative à l’évacuation totale des déchets, impacts liés aux manipulations et aux transports des déchets, valorisation/réemploi sur et hors site, …),
  • La mise en œuvre de suivis environnementaux avant, pendant et post chantier.

Une attention spécifique est donnée à la gestion des grands plastiques et des microplastiques. Un plan de gestion spécifique a été proposé par le Cerema et l’ADEME, afin de procéder à l’acquisition de données en la matière et de faire de la recherche sur la caractérisation des microlastiques et le traitement des sols contaminés par ces derniers.
 

Procéder étape par étape

Le Cerema et l’ADEME accompagnent les maîtres d’ouvrage dans la définition et le chiffrage des différentes étapes à mener pour restaurer les sites.

Les projets de résorption reposent notamment sur une caractérisation fine des déchets, de leur volume et de la nature des sols qui les abritent, et de l’emprise de la décharge en surface et en profondeur grâce à la réalisation de sondages, et d’études géophysiques.

Des études détaillées et bien ciblées sont la clé de travaux réussis. Elles permettent de bien connaître le site, les déchets, enjeux et risques en présence et de déterminer les actions à mener, étape par étape.
 

terrain en dépollution

Focus : la gestion des macro et microplastiques

Une attention spécifique est donnée à la gestion des grands plastiques et des microplastiques. Un plan de gestion spécifique a été proposé par le Cerema et l’ADEME, afin de procéder à l’acquisition de données, et mener des recherches sur la caractérisation des microlastiques et le traitement des sols contaminés par ces derniers.

Si le tri des macroplastiques est réalisable sans difficulté par les entreprises prestataires, ce n’est pas le cas des microplastiques issus de la décomposition de plus grands éléments mélangés à la terre, ce qui obère la valorisation des terres excavées. Dans le cadre du plan de résorption des décharges, un plan de gestion des macro et microplastiques a été mis en place, pour les prendre en compte tout au long du projet : diagnostic, phase d’études, travaux.

Pour cela, les maîtres d’ouvrage sont accompagnés pour cadrer les prestations de diagnostic et peuvent s’appuyer sur une méthodologie de gestion des plastiques :

  • Des travaux de recherche et notamment une thèse, vont être menés à partir de 2025 pour déterminer leur charge polluante et mieux comprendre leur processus de dégradation. Un travail d’échantillonnage et d’analyses a déjà débuté sur tous les sites en phase d’études. Il est nécessaire de caractériser les microplastiques pour évaluer le degré de pollution sur les milieux récepteurs et anticiper leur gestion. Ce travail doit contribuer à une harmonisation de la collecte de données en la matière et à la comparaison et l’évaluation des différentes techniques et modalités d’analyses. 
  • Des techniques de dépollution des terres excavées contenant des microplastiques vont également être expérimentées sur les chantiers à venir. La gestion de ces micropollunats doit être pragmatique, opérationnelle. 

Afin de mettre à disposition de tous, les éléments techniques et enjeux associés, le Cerema a produit un tableau de suivi consultable en ligne. Cet outil permet d’avoir une cartographie nationale actualisée de l’emplacement de chaque décharge avec un descriptif du site et de l’avancement de la démarche de résorption liée.

 

Le tableau de bord

 

 
Une vidéo de présentation du plan décharges est proposée :