Dans les collectivités territoriales, le champ de la mobilité est en forte évolution. Ce mouvement a été impulsé dans les années 1990 suite à la loi sur l’air qui appelait à des solutions différentes de l'usage individuel de la voiture.
A partir de là, les collectivités se sont mobilisées ; certaines avaient déjà enclenché la démarche. Dès lors, tramway, bus à haut niveau de service... n’étaient plus pensés uniquement pour permettre à des personnes non motorisées de se déplacer, mais pour gagner des parts de marché par rapport à la voiture "solo". Cela s’est également traduit par le partage de l'espace public et la place croissante accordée aux piétons.
Il est apparu assez rapidement qu’une offre de déplacements alternative basée uniquement sur des transports publics attractifs ne pouvait pas répondre à une demande "de porte à porte", de plus en plus diffuse du fait de la périurbanisation et de la flexibilité accrue du marché du travail (qu'il s'agisse des horaires ou des lieux).
De nouveaux services de mobilité ont été mis en œuvre par les collectivités territoriales dans les années 2000 : vélos en libre-service, autopartage, covoiturage. Si les flotte de vélos ont répondu rapidement à une demande importante, en revanche, pour l’autopartage et le covoiturage, les résultats ont été mitigés. De leur côté, les sites internet de covoiturage souffraient souvent du manque d'accompagnement des collectivités territoriales, qui constitue un élément essentiel à leur développement.
Les années 2010 ont vu la large diffusion des smartphones auprès du grand public. Le numérique "à portée de tous en permanence" a permis le développement d'offres nouvelles, essentiellement portées par des opérateurs privés, à la recherche de marchés rentables.
Les atouts du numérique sont indéniables : souplesse avec possibilité d'information en temps réel, massification des flux, utilisation de l’intelligence artificielle pour mieux connaître les besoins et les habitudes des abonnés…
Mais le numérique comporte aussi des contraintes : inégalités d’accès aux offres de mobilité, faible développement dans des zones peu denses, déresponsabilisation du conducteur sur le choix du trajet pouvant influer négativement sur leurs dépenses énergétiques…
La LOM, des compétences étendues pour les collectivités territoriales
La Loi d’Orientation des Mobilités étend les compétences des collectivités territoriales afin qu’elles puissent accompagner efficacement le développement d’offres de mobilité.
En réalisant des partenariats avec les opérateurs privés, les collectivités territoriales pourront s’assurer que les offres sur leur territoire sont complémentaires entre elles, mais aussi, s'inscrivent dans les objectifs des politiques publiques.
Ainsi la loi leur a-t-elle ouvert la possibilité de financer certains trajets de covoiturage au moyen d’une participation accordée au conducteur et/ou au passager, cette information leur remontant via l’opérateur. En ce qui concerne les vélos/trottinettes/scooter en libre-service sans station, elles pourront édicter des règles concernant le positionnement des véhicules sur l’espace public (stationnement et circulation).
De plus, la loi met l'accent sur la co-construction des offres de mobilité entre opérateurs, collectivités et acteurs économiques. Si l'approche du transport public peut être globale, les offres actuelles de mobilité nécessitent une adaptation fine, au plus près aux besoins des usagers.
C'est ainsi par exemple que le covoiturage peut desservir les salariés d’une zone d’activité ou deux pôles urbains proches. Selon le cas, le service diffère (application, signalisation d’arrêts selon un concept de ligne de covoiturage), tout comme l’animation autour des dispositifs (selon le cas, plan de mobilité dans les entreprises, animation territoriale au moyen d’une agence de la mobilité et d’ambassadeurs de la mobilité…).
Une approche systémique, en trois piliers
Le Cerema propose d’examiner les offres de mobilités dans les territoires avec une approche "triptyque" identifiant clairement le rôle et la place des différents acteurs concernés.
L'une des trois entrées de ce schéma concerne les "services de mobilité " (covoiturage, autopartage, TC…) : ils doivent être complémentaires et assurer l’atteinte d’objectifs de politique publique. Cela passe aussi par des tarifications adaptées. Les tarifications intégrées facilitent, du point de vue de l’usager, le passage d’un mode à l’autre sur un même déplacement ou encore l’usage d’un mode donné, un jour, et d’un autre, le lendemain.
Une autre entrée concerne "la co-construction et l’animation". Il s'agit d’intégrer le plus d’acteurs possible à la démarche, afin que les services proposés répondent de façon optimale aux besoins et puissent s’adapter si cela est nécessaire.
Une entrée enfin concerne les "infrastructures". Il s'agit de permettre à la collectivité territoriale d’inscrire spatialement ces nouvelles offres de mobilités (voies réservées covoiturage, nombre de places réservées à l’autopartage ou au covoiturage…) et d’en faire des marqueurs publics. La maîtrise des infrastructures est également un levier de régulation pour les collectivités, leur permettant de promouvoir certaines offres par rapport à d’autres (cf partage de l’espace public entre piétons et trottinettes en libre-service)
Pour plus d’informations :
-
Présentation de Jean ROBERT de l’approche systémique lors des journées sur la mobilité dans les villes européennes à Strasbourg, novembre 2018
-
Rapport d’étude Covoiturage courte distance, Cerema 2018
-
Guide « Autopartage et territoires », Cerema 2018
-
Fiche « Vélos en libre-service sans station – Premier état des lieux », Cerema 2018
-
Guide « VLS avec station : de l’étude de faisabilité du service à la mise en œuvre », Cerema 2019
---
Auteur : Jean ROBERT, chargé de projets « Véhicules Partagés » au Cerema
Article publié dans la revue "Ingénierie territoriale AITF" : le n° 44 d'avril 2019