Une application de réalité virtuelle pour anticiper les conséquences des inondations

Un objectif de sensibilisation pour cet outil de réalité virtuelle en matière d’inondation

Lorsqu’il s’agit de sensibiliser les populations aux conséquences d’une inondation, on se heurte inévitablement à un obstacle : il est toujours difficile pour les habitants de se projeter concrètement dans une situation qu’ils n’ont pas vécue. C’est ce qui a incité le Cerema à tester l’impact d’une application de réalité virtuelle qui simulerait une inondation dans le lieu de résidence des populations exposées. Ce projet a été développé dans le cadre du projet BRIC (Building resilience in disadvantaged communities), dont la raison d’être est précisément de tester des outils et des méthodes innovantes pour développer la résilience des populations aux inondations.

L’application, développée entre juin 2022 et janvier 2023, est le fruit d’une collaboration entre Marelle Studio et le Cerema. L’objectif fixé était de créer un outil qui exploiterait des banques de données en ligne recensant la topographie (IGN) et le bâti existant (Open street map) pour générer une visualisation du paysage urbain où que se trouve l’utilisateur. Cet outil a été
mobilisé pour modéliser deux des huit sites d’expérimentation du projet, situés dans la communauté de communes de Pont-Audemer val de Risle (Eure).

Visualiser la montée des eaux

L’application permet de visualiser plusieurs scénarii de montée des eaux dans deux quartiers, le quai de la Ruelle à Pont-Audemer et le quartier des Baquets à Manneville-sur-Risle. Dans chacun de ces sites, deux scénarios d'intensités différentes sont visibles : la crue historique observée en 2001 (crue moyenne) et une crue intense et très rare (probabilité de 1/500).

Grâce au développement basé sur des technologies WebVR, l’application peut être utilisée partout sous réserve d’avoir accès à Internet. La simulation est visible dans un casque de réalité virtuelle, ainsi que sur un écran d’ordinateur, une tablette ou un smartphone.

L’application invite les habitants et les acteurs du site choisi à simuler une inondation dans leur quartier. Ils peuvent faire le tour du site en se téléportant de point en point dans l’espace, pendant que l’application simule la montée des eaux. L’utilisateur est immergé dans un environnement virtuel, intégrant des modèles 3D détaillés pour les bâtiments, les arbres et la route, et dans l’atmosphère sonore d’une crue.

Des tests encourageants

L’application a été présentée et testée lors de plusieurs ateliers auprès, d’élus, d’agents des collectivités et de la population des quartiers concernés. Auprès de ces dernières, l’expérience a réveillé le souvenir de crues passées. "Comme elle a été construite en surplomb par rapport à la cité des Baquets, ma maison n’a jamais été touchée, contrairement à la cité qui a déjà été inondée", observait un habitant de Manneville sur Risle, après avoir testé l’expérience.

Les tests ont montré que l’utilisation de l’outil était accessible par tous, y compris ceux ayant une utilisation limitée du numérique. "J’espère ne jamais voir ce qu’on vient de voir à la visio, confiait ainsi un habitant des Baquets et élu de Manneville-sur-Risle. Avoir de l’eau jusqu’au nombril, on n’a jamais vu ça, et j’espère ne jamais le voir !".

Les fonctionnalités de l’outil sont apparues adaptées à l’objectif de mise en situation d’une inondation susceptible de se produire. Le choix des scénarios permet notamment une implication des utilisateurs, pouvant déboucher sur l’engagement d’actions de prévention et de résilience aux inondations (apprentissage des bons comportements face à une crue, mise en sécurité de ses biens, adaptation de son habitation…). Autre aspect important : il a semblé nécessaire de trouver un équilibre entre réalisme de la scène, qui permet aux habitants de reconnaître leur quartier, et stylisation de l’expérience, afin d’éviter la mise en scène d’un événement catastrophique qui engendrerait une démotivation, voire un déni.

Il a enfin été identifié qu’une médiation était utile pour atteindre l’objectif de sensibilisation. Cet accompagnement permet de faciliter la prise en main de cet outil par un public peu familier de la réalité virtuelle. Il offre également l’occasion d’un échange avec l’utilisateur, afin qu’il puisse questionner sa propre résilience et envisager l’engagement dans des actions nouvelles.