Le 2 juillet 2019, le Cerema a organisé, avec la participation des différents partenaires, une journée technique sur le dispositif des Appels à Manifestation d’Intérêt (AMI) de Provence-Alpes-Côte d’Azur.
L’Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI)
L’Appel à Manifestation d’Intérêt est un dispositif autour duquel se sont associés l’État, la Région, l’Établissement Public Foncier, les Agences d’urbanisme et le Cerema, avec pour objectif de favoriser l’émergence de projets d’aménagement en réponse à des enjeux identifiés.
Le principe de ce dispositif repose sur l’expérimentation de démarches d’accompagnement avant de les déployer à l’échelle régionale en fonction de modalités opérationnelles (techniques et financières) qui seront définies par retours d’expériences. Face aux constats d’un déficit d’ingénierie pour les petites communes et l’expression d’un besoin d’accompagnement technique et financier, parallèlement à des exigences en matière de développement durable et de qualité de projet, une capitalisation de ces démarches d’accompagnement devrait permettre l’essaimage sur le territoire régional.
Établi sur une durée déterminée (entre 3 et 5 ans), le dispositif se focalise sur une thématique à enjeux et propose aux lauréats un accompagnement technique, méthodologique et financier, tout en créant les conditions pour développer des partenariats originaux et adaptés au contexte de l’opération.
En région Provence-Alpes-Côte d'Azur, trois AMI lancés entre 2015 et 2017 ont mis à l’honneur les thèmes des quartiers de gare, de la stratégie foncière et des quartiers durables. Toujours en cours pour certains, leur objectif est de renforcer les nécessaires réflexions pré-opérationnelles des projets des collectivités lauréates pour contribuer à l’émergence de projets d’aménagement durables et intégrés. Les lauréats (une vingtaine au total) sont répartis sur l’ensemble du territoire régional et sont aussi bien des communes que des EPCI, au caractère rural ou urbain.
Dans l’optique d’une reconduction du dispositif d’AMI, la visée de cette journée était de rassembler collectivités lauréates, EPCI, bureaux d’études et partenaires de l’aménagement pour échanger sur ses enseignements.
- Qu’apportent les AMI ?
- Quels impacts ont-ils sur les territoires ?
- Ont-ils permis de faire émerger des projets qui n’auraient pas eu lieu sans ?
- Ont-ils permis de renouveler les pratiques ? De provoquer de nouveaux partenariats ?
- Quelles sont les difficultés rencontrées en termes de moyens, de mobilisation, de délais ?
- Quelles sont les pistes d’amélioration ?
Au travers d’ateliers, cette journée a aussi été l’occasion d’apporter aux participants un certain nombre d’éléments méthodologiques et techniques, enrichis par des témoignages de collectivités lauréates et par des interventions d’experts.
Des notions d’engagement et de temporalité requises par l’AMI
Une première intervention menée à deux voix entre l’État et la Région sur le retour du contenu, des objectifs et des attendus portés par les AMI a permis de mettre en évidence la nécessité d’engagement des parties prenantes, à commencer par l’engagement politique des lauréats et leur adhésion à la démarche, dans toutes ses dimensions.
En effet, la méthode AMI suppose de travailler sur une partie représentative de l’ensemble des collectivités (une dizaine de lauréats), dont découle forcément un biais de représentation.
En l’occurrence, il s’agit de :
- s’assurer de l’investissement des collectivités candidates dans le dispositif AMI pour qu’il ne se limite pas à une opportunité de bénéficier d’une aide financière, et
- d’encourager les collectivités lauréates à se prêter au jeu des temps d’échanges et d’accompagnement technique dans le cadre du calendrier global de suivi de l’ensemble des lauréats à l’AMI.
Il s’agit d’un engagement sur le long terme qui, une fois ces premiers corollaires vérifiés, offre un espace temps précieux aux collectivités pour concevoir les politiques publiques à moyen et long terme, encourageant ainsi des projets ambitieux.
Par ailleurs, il est ressorti des échanges une certaine difficulté de la démarche AMI à articuler les différents calendriers (celui de l’AMI aux calendriers sociaux, politiques, du projet) et à diffuser son information.
Pour la commune de Saint-Cyr, lauréate de l’AMI Quartiers de Gare par exemple, des réflexions avaient déjà été engagées sur le projet de restructuration du quartier de gare pour lequel le dispositif d’AMI est arrivé au bon moment. Prévenue par l’AUDAT, la commune a pu saisir l’opportunité que proposait le dispositif.
De leur côté, ce n’est pas non plus un hasard si la plupart des lauréats de l’AMI Quartiers Durables sont des communes du Département des Alpes de Haute Provence, et de la Communauté de Commune du Pays de Banon. En effet, un dispositif de veille sur les appels à projet est en place dans l’EPCI, ce qui a permis, par l’intermédiaire de Mme Brigitte MOYA, Présidente de la Communauté de Communes et Maire d’Aubenas-les-Alpes, de diffuser l’information aux communes voisines et de répondre en groupement.
Pour la commune de Saint-Maime en particulier, l’AMI arrivait à temps puisqu’une OAP sur le secteur de l’actuel projet devait être affinée.
Le nombre de candidatures aux différents AMI était variable : il apparaît important que les partenaires de l’AMI puissent s’appuyer sur un réseau de relais structuré pour assurer la diffusion de l’information à tous les territoires. Les calendriers sociaux, politiques, techniques de des collectivités ou la maturité des projets ne convenant pas toujours pour y candidater, c’est en diffusant largement l’information de leur lancement que les AMI bénéficieront au plus grand nombre des collectivités.
L’AMI, un dispositif mobilisateur et pédagogique
Les témoignages de la journée technique se sont montrés unanimes sur l’aspect mobilisateur de l’AMI.
Au sein de la CC Pays d’Apt Luberon, lauréat de l’AMI Stratégie Foncière Opérationnelle par exemple, l’AMI a permis de mobiliser les acteurs du foncier sur le territoire : les agents immobiliers ont été invités à contribuer aux réunions de travail et le repérage des gisements fonciers s’est fait grâce à l’appui de l’AURAV et du Cerema. Ceci est à nuancer avec le fait que ni les bailleurs sociaux ni l’EPF ne sont venus sur le projet, révélant que la dynamique de marché reste déterminante.
Pour Durance-Luberon-Verdon Agglomération, aussi lauréat de l’AMI Stratégie Foncière Opérationnelle, le travail dans le cadre de l’AMI a permis de mobiliser chacune des communes de l’agglomération et de débattre sur le sujet du foncier avec chacun des maires dans une approche intégratrice.
Outre les outils dont elle a accompagné la mise en place (observatoire immobilier et foncier, fiches d’identité foncière par commune, conventions avec l’EPF PACA), cette démarche a permis de surmonter en partie des difficultés liées aux postures et aux compétences des uns et des autres : l’agglomération, en tant que lauréat de l’AMI, avait la compétence pour les études, mais pas la compétence sur l’habitat qui revient aux communes.
Bien sûr, des projets communaux en logique d’opportunité subsistent et sont parfois difficilement influençables, mais l’AMI a contribué à faire évoluer certaines pratiques et postures dans une logique de coopération pour la mise en place d’une stratégie foncière d’ensemble : l’agglomération est intervenue en accompagnement et non plus seulement en contrôle des projets d’aménagement, et cela est un aspect pédagogique qui peut subsister à la suite de l’AMI. Finalement, la limite de l’exercice réside surtout dans l’aspect financier et le décalage entre la définition stratégique d’ensemble et la réelle capacité d’action de chaque collectivité.
Le bénéfice pédagogique du dispositif a aussi été mentionné par le Syndicat Mixte du ScoT Gapençais pour qui l’AMI a représenté une opportunité de réflexion avec les communes et les bureaux d’études autour de la question de la stratégie foncière.
Pour les lauréats de l’AMI Quartiers Durables qui ont été encouragés à s’inscrire dans la démarche Nationale EcoQuartier, ils ont pu accéder gratuitement aux formations de la démarche. Comme l’a indiqué Mme BOR, Maire de Saint-Maime, ces formations permettent aux politiques de mieux appréhender les aspects techniques du projet et de se familiariser à la notion de projet intégré et durable portée par l’AMI Quartiers Durables à l’image de la démarche EcoQuartier.
L’AMI comme catalyseur et déclencheur de projet : ses plus-values opérationnelles
« L’AMI a été un facteur catalysant » et a permis d’améliorer grandement la qualité du projet, témoignait la commune de Saint-Cyr, lauréat de l’AMI Quartiers de Gare, à cette journée technique.
L’AMI a en effet permis la réalisation de deux études SNCF complémentaires qui n’avaient pas du tout été envisagées au départ. D’après la collectivité, la gouvernance élargie du projet, qui a intégré très tôt la SNCF, a encouragé les approches complémentaires et a poussé plus loin la cohérence du projet. Cette bonne dynamique a aidé à concilier les différents temps des acteurs du projet. Aussi, la volonté d’opérationnalité portée par l’AMI s’est traduite par la nécessité de phaser le projet.
Pour DLVA aussi, le dispositif a apporté une grande plus-value opérationnelle en encourageant la hiérarchisation et la priorisation des sites d’intervention, ainsi que les rencontres entre les acteurs.
Pour la commune de Saint-Maime, l’AMI a été un moyen de lancer le projet en finançant d’une part une étude de réseau de chaleur et une étude de faisabilité, ainsi qu’en proposant un accompagnement sur la rédaction du cahier des charges.
D’autres témoignages évoquaient aussi l’aide précieuse des outils mis en place avec l’aide des partenaires dans le cadre de l’AMI. Certains ont été présentés lors de cette journée :
- UrbanSimul pour l’identification de gisements fonciers,
- fiche d’identité foncière de l’EPF et
- grille d’analyse du cahier des charges développée par l’AURAV.
Ils sont autant d’outils et méthodes qui peuvent être mobilisés pour faciliter la sortie opérationnelle des projets.
Enfin pour l’AUPA qui a accompagné DLVA dans le cadre de l’AMI stratégies foncières opérationnelles, celui-ci a été un catalyseur des questions posées par la cohérence des différents documents d’urbanismes (PLH, SDE, ScoT). La réflexion portée par l’AMI a permis d’anticiper les besoins d’avoir une stratégie foncière pour transcrire concrètement sur le territoire les attendus de ces documents.
La valorisation des enseignements des AMI et leur généralisation
Même si cette journée technique du 2 juillet apporte un élément de réponse, la valorisation des enseignements des AMI reste un aspect à renforcer. Plusieurs lauréats ont exprimé le souhait d’échanges plus fréquents avec les autres lauréats. Un retour sur les projets non lauréats serait lui aussi bienvenu pour avoir une idée de la plus-value de l’AMI. Un réseau fondé sur les outils serait par exemple une façon de partager et valoriser ces enseignements.
Quant à elles, les suites et la généralisation du dispositif ont été très questionnées lors de cette journée. Les interrogations sur l’« après-AMI » sont récurrentes. Dans certains cas, les études et les projets menés par les équipes pourraient mener à l’élaboration d’une OAP et d’un accompagnement par cette même équipe. La généralisation n’a pas encore trouvé de réponse, si ce n’est dans la valorisation des enseignements de ces premiers AMI.
Conclusion
La journée technique a permis de dresser un bilan positif des démarches d’AMI lancées récemment en PACA. Décrit au cours de la journée comme déclencheur de projets, mobilisateur ou encore vecteur d’amélioration et de renouvellement des pratiques par les différents intervenants, l’AMI semble être un outil facilitateur et bénéfique de l’aménagement.
Déclencheur d’une part car l’AMI est l’occasion de confronter les politiques publiques à des réalités de terrain en créant les conditions de passage à l’opérationnel du projet au prisme d’une thématique particulière.
Mobilisateur d’autre part, car il permet de rassembler un nombre important de partenaires publics et privés (Etat, Région, Cerema, EPF, Agences d’Urbanisme, notaires, agents immobiliers, aménageurs, opérateurs…) que peut-être une collectivité à son niveau n’aurait pu mobiliser de telle façon. En donnant au projet une envergure insolite, il permet de faciliter les échanges, voir de sortir des postures, comme cela a pu être relevé entre des communes et leur intercommunalité dont les relations ont été revisitées. L’investissement de forces extérieures aux territoires a quant à lui contribué à l’adoption d’un regard plus neutre sur les projets, ce qui en a facilité l’appropriation par les élus.
Vecteur d’amélioration et de renouvellement des pratiques enfin, car l’AMI, bien qu’il aborde le projet sous l’angle d’une certaine thématique, permet finalement d’en élargir les réflexions, tant en matière de géographie que de domaine, et contribue alors à renforcer l’attractivité des territoires. Ainsi, il est un accompagnement qui encourage la structuration des projets, la hiérarchisation des priorités et le phasage et par là-même la maîtrise des coûts.
Plusieurs pistes de progression ont par ailleurs été mises en évidence. Elles résident dans la diffusion de l’information de l’AMI et de son appropriation par les collectivités. Les échanges de la journée ont en effet soulevé la nécessité d’appuyer cette diffusion sur des structures relais au réseau organisé afin d’assurer un accès équilibré de l’information à tous les territoires.
L’AMI est par ailleurs un dispositif qui nécessite un engagement dans la durée et un investissement important de la collectivité. À plusieurs reprises au cours de la journée, il a été remarqué que la collectivité doit « jouer le jeu ». Des partenariats sur la durée sont à mettre en œuvre pour en exploiter pleinement les bénéfices. D’autre part, un autre aspect de la temporalité du dispositif à améliorer concerne le calendrier de l’AMI au regard de la maturation des projets et des agendas sociétaux et politiques. La façon d’articuler le temps de la contractualisation avec le temps long et variable de chaque projet lauréat reste encore une réflexion à nourrir.
Il a été plusieurs fois exprimé pendant cette journée le souhait que la démarche encourage et permette des temps d’échanges entre les territoires lauréats. Cela permettrait de créer une synergie de groupe, d’échanger sur les manières de procéder, voire d’encourager les plus fragiles à persévérer. Il serait peut-être intéressant aussi de connaître l’évolution des projets sur les territoires non lauréats qui avaient candidaté aux AMI.
Enfin, la généralisation d’un tel dispositif reste une piste de réflexion majeure.
- Comment faire en sorte que ces expérimentations d’accompagnement deviennent la norme ?
- Qu’adviendrait-il des financements si la pratique des AMI venait à se généraliser ?
- Quels relais pourraient être pris dans les phases opérationnelles ?
- Un élément de réponse réside peut-être dans les politiques contractuelles public/privé ou public/public ?