Le projet Exist’air vise à faire un état des lieux de la perméabilité à l’air des bâtiments résidentiels, pour contribuer à la réflexion sur la règlementation thermique en rénovation. Suite aux résultats encourageants d’Exist’air 1, le ministère de la Transition écologique a souhaité que le Cerema poursuive son étude lors du projet Exist’air 2, qui se déroule de 2019 à 2020.
Le ministère de la Transition écologique a missionné en 2017-2018 le Cerema pour réaliser, via le projet Exist’Air 1, un état des lieux de la perméabilité à l’air des bâtiments résidentiels construits avant 2005 (date d’application de la première réglementation thermique prenant en compte l’étanchéité à l’air) dans le but d’améliorer les connaissances sur ce type de bâtiments, et de contribuer à la réflexion sur la réglementation thermique en rénovation.
L'ensemble des données récoltées a été compilé dans une base de données. D'une part, il a été possible d'identifier des types de fuite qui impactent plus fortement le niveau d'étanchéité à l'air global, et d’autre part, le renouvellement d'air a été évalué de façon qualitative, et il ressort que pour la majorité des logements, les ventilations, si elles existent, sont défaillantes, mais sont compensées par de bonnes habitudes d'aération de la part des occupants, et par une forte perméabilité à l'air des bâtiments.
En effet, une rénovation énergétique n'est performante que si l'enveloppe du bâtiment est rendue étanche à l'air et qu'un système naturel ou mécanique permette un renouvellement de l'air suffisant et permanent pour assurer une bonne qualité de l'air intérieur.
Aujourd’hui, grâce à une augmentation du nombre de logements à l’étude, passant de 117 à 174, Exist’air 2 a pour objectif de préciser les résultats obtenus avec plus de certitude et notamment obtenir davantage d’éléments de réponse aux deux principales questions :
- Parmi les fuites connues et prévisibles, est-ce que certaines jouent un rôle prépondérant dans le niveau d’étanchéité à l’air global mesuré ?
- Comment qualifier le renouvellement d’air dans les logements existants ?
Le projet est globalement scindé en 3 étapes :
- Sélection des logements de manière à avoir un groupe représentatif du parc français.
- Mesures de perméabilité à l’air et relevé visuel des caractéristiques de ces bâtiments.
- Analyse des données récoltées et rapport remis au commanditaire.
Il a été nécessaire de modifier le protocole suite à l’analyse des données de la campagne Exist’Air 1. Quelques données qui n’ont pas pu être exploitées ont été supprimées, tel que le calcul du linéaire des menuiseries.
Par contre, plusieurs nouvelles données sont ajoutées pour améliorer l’analyse et, potentiellement, obtenir une meilleure corrélation entre les résultats de mesure de perméabilité et le diagnostic visuel, comme par exemple :
- Présence de fissures au niveau des murs, planchers hauts et bas ;
- Continuité des joints à la liaison ouvrant / dormant des menuiseries ;
- Nombre de trappes sans joint.
Description échantillon
Les logements ont été sélectionnés afin d’être représentatifs du parc immobilier français, notamment par leur usage et par leur période constructive.
L’analyse des différentes caractéristiques recensées sur les logements à l’étude a permis d’obtenir une connaissance plus fine de l’état du parc immobilier existant actuel.
Voici pour exemple deux statistiques établies sur l’échantillon :
Le type de finition intérieure des sols le plus représenté, que ce soit en maison individuelle ou en logement collectif, est le carrelage, assurément davantage jointif par rapport au parquet et par conséquent plus étanche à l’air.
Pour 44% des logements, tout type confondus, il existe une discontinuité dans les jonctions entre les dormants des menuiseries et les murs.
Du point de vue du renouvellement d’air, les portes des pièces de vie et des pièces humides doivent faciliter les « passages de transit » pour que l’air puisse circuler librement entre les pièces équipées d’amenées d’air et celles équipées d’extractions. Le transit d’air est en général assuré par le détalonnage des portes.
En ce qui concerne la conformité des passages de transit, nous notons que seulement 40% des logements observés répondent aux attentes de libre circulation d’air de pièce à pièce.
Il est intéressant de noter que ce ne sont finalement pas les logements les plus récents qui se démarquent du point de vue de la conformité des passages de transit.
Au contraire, les logements d’après 1982, présentent le plus haut taux de non-conformités avec trois quarts de mauvais passages de transit.
Résultats d’étude et de mesure de la perméabilité à l’air
Les résultats de perméabilité à l’air obtenus permettent d’établir la distribution des valeurs du Q4Pa-surf des maisons individuelles et des logements collectifs.
Comme pour Exist’Air 1, on constate que la valeur médiane du Q4Pa-surf est plus élevée pour les maisons individuelles que pour les appartements, ce qui signifie que les maisons du panel sont plus fuyardes que les appartements. Ce constat est d’autant plus vrai que ces derniers sont en général désavantagés par l’indicateur Q4Pa-surf, qui ramène les fuites d’air à la surface (hors plancher bas), en général plus faible pour un appartement que pour une maison, à volume égal, du fait des nombreuses mitoyennetés dont bénéficient les appartements.
Analyse des fuites prévisibles et recherche des fuites impactantes
Sur la base de la classification de fuites FD P50-784, nous avons été en mesure dans un premier temps de préciser les fréquences d’apparition des fuites prévisibles dont les 20 plus fréquentes sont listées ci-dessous :
Il peut être lu de la manière suivante : Dans 85 % des logements de la BDD 2, une fuite de type « C2 : fenêtre et porte-fenêtre : jonction cadre ouvrant / dormant » a été repérée
Il peut être lu de la manière suivante : Dans 85 % des
Les fuites suivantes ont été le plus souvent détectées :
- C2 : jonction cadres ouvrant/dormant (absence ou défaut de compression des joints),
- F3 : réseaux encastrés sur paroi donnant sur l’extérieur ou un local non chauffé.
- D3 : traversée de planchers et de murs (plomberie, conduits et gaines électriques…)
Nous avons ensuite mené un travail d’analyse des fuites prévisibles pour lesquelles nous avions un nombre d’observation suffisant par la méthode d’analyse de la variance, dite « ANOVA ».
La liste des fuites prévisibles proposée par la classification FD P50-784, et augmentée par les fuites prévisibles proposées à l’issue d’Exist’air 1 sont au total au nombre de 91. Les restrictions du domaine d’application de l’ANOVA nous ont limités à l’étude de 27 fuites prévisibles qui avait été observées un suffisamment grand nombre de fois dans notre échantillon.
Suite à une série de test successifs, il est apparu que pour trois fuites, nous observons une valeur de perméabilité moyenne significativement plus grande lorsqu’elles sont présentes que pour les autres fuites. Ces trois fuites dont nous pouvons dire qu’elles impactent de manière accrue l’étanchéité des logements sont :
- H7 : arrivée d’air ou extraction non prévue dans l’étude thermique.
- B4 : liaison mur / plancher haut ou toiture inclinée
- F2 : tableau électrique.
Il convient donc de porter une attention particulière à ces fuites prévisibles lors des opérations de rénovation des logements.
Indicateur « aération, ventilation, étanchéité » dit « AVE »
La ventilation, l’aération par ouverture des fenêtres, et l’étanchéité à l’air étant les trois principaux phénomènes qui contribuent au renouvellement d’air dans les logements, le Cerema a proposé dans son rapport une évaluation de la performance de chacun de ces paramètres.
Chacun de ces trois contributeurs au renouvellement de l'air est qualifié indépendamment des autres, sur la base de trois niveaux de performance (contribution forte, moyenne ou faible) :
- Aération : en fonction de la fréquence de l’ouverture des fenêtres (A3 : quotidienne – A1 : rarement ou jamais) ;
- Ventilation : en fonction du type de non-conformité, et du nombre de non-conformités relevées (V3 : ventilation conforme et effective – V1 : défauts rendant la ventilation quasi nulle);
- Etanchéité à l’air : en fonction du Q4Pa-surf avec pour seuils 0,6 et 1,2 m3/h/m² (P3 : Q4Pa-surf < 0,6 m3/h/m² - P1 : Q4Pa-surf > 1,2 m3/h/m²).
Un score baptisé "AVE" est ensuite établi pour chaque logement. Voici les résultats sur notre panel de 174 logements avec les recommandations d’actions de rénovation à mener adaptée à chaque score.
Le score ventilation / étanchéité à l’air nous permet d’établir une classification qualitative des logements ne tenant pas compte des habitudes des occupants et donc de prévoir des travaux de manière objective.
Le tableau permet de fixer des orientations en fonction du score atteint par une habitation.
Ressources
Bilan
Quel est l’état des lieux des caractéristiques des logements entrant en jeu dans la perméabilité à l’air des logements ?
- Grâce à la base de données rassemblant les informations relevées sur les 174 logements à l’étude, nous sommes en mesure de donner une vision d’ensemble de l’état actuel du parc immobilier des logements existants en ce qui concerne leur structure, les matériaux utilisés, l’état des menuiseries, l’état des systèmes de ventilation et leur perméabilité à l’air.
Parmi les fuites connues et prévisibles, est-ce que certaines jouent un rôle prépondérant dans le niveau d’étanchéité à l’air global mesuré ?
- Nous avons identifié 3 fuites prévisibles qui jouent un rôle prépondérant dans la perméabilité à l’air des bâtiments.
Comment qualifier le renouvellement d’air dans les logements existants ?
- Grâce au score AVE, nous avons un outil de synthèse et de communication sur la qualité du renouvellement d’air dans les logements existants. Nous y mettons en lumière le lien intime entre l’étanchéité et la ventilation dont seule la rénovation conjointe saurait être gage d’une qualité d’air intérieure satisfaisante tout en limitant la consommation énergétique nécessaire au confort thermique des occupants.
Les observations sont encourageantes pour la rénovation, et laissent penser qu’il est possible de se donner des objectifs d’étanchéité à l’air d’un point de vue réglementaire. Il est tout à fait concevable de contraindre chaque maître d’ouvrage à s’interroger sur la possibilité d’améliorer l’étanchéité à l’air de son bâtiment à l’occasion d’une rénovation énergétique. Introduire cette obligation réglementaire serait sans aucun doute bénéfique pour la qualité globale de la rénovation, et les consommations énergétiques réellement obtenues après rénovation.