Les pôles d’échanges multimodaux peuvent-ils dépasser leur rôle premier de connexion des grands réseaux de transports, pour constituer un outil d’aménagement local à partir duquel développer un « morceau de ville » ?
Telle était la question posée à l’atelier de la Rencontre nationale des agences d’urbanismes des 6, 7 et 8 novembre 2019 en Ile-de-France, consacré au rôle des infrastructures de transports dans le lien entre territoires. Le Cerema y a notamment apporté son expertise nationale, à partir des interventions qu’il effectue régulièrement auprès des collectivités locales sur la question des pôles d’échanges (études, assistances à maîtrise d’ouvrage, retours d’expériences...).
Conçus historiquement autour de la nécessité d’organiser les flux des grands réseaux de transports, les pôles d’échanges sont progressivement devenus les outils privilégiés de l’aménagement local pour un grand nombre de villes de tailles moyennes, pour lesquelles ils offrent des opportunités de redynamisation (exemples de St Brieuc, Soisson, ou encore Fontainebleau et Maisons Alfort Alfortville en Ile-de-France).
Autant que par l’arrivée d’une nouvelle ligne de tramways ou le développement de l’intermodalité, c’est le plus souvent par la nécessité de recomposer les parvis, les bâtiments gares et leurs accès que ces projets émergent, et contribuent in fine à ouvrir les gares sur leurs quartiers.
- Diversification des offres de mobilité,
- mise en valeur architecturale du patrimoine ferroviaire,
- pacification et qualité paysagère des espaces publics,
- développement de services pour la vie quotidienne…
Cette création de valeur ne peut s’obtenir qu’avec une approche conjointe : la constitution d’une « vision de site » commune aux maîtres d’ouvrages, conjuguée à une approche intégratrice de la maîtrise d’œuvre dans la production des espaces publics (mobilité, accessibilité, sécurité, qualité d’usage, ambiance nocturne, nature en ville…).
L’approche planificatrice développée dans le concept TOD’S aux Etats-Unis (« Transit Oriented Dévelopment »), ou plus récemment par les « contrats d’axes » en France, rappelle aussi trois fondamentaux de structuration des territoires par les transports : densification autour des gares évidemment, mais aussi mixité des fonctions et qualité des espaces publics.
Espaces publics coutures, vecteurs de lien économique et social entre les gares et leurs quartiers, les pôles d’échanges ne doivent plus être pour autant uniquement des lieux de « marketing urbain » des grandes agglomérations. En proposant aussi des connexions entre des offres de transports moins structurantes comme les cars express et le covoiturage autour des grands nœuds de la route (stations bus sur autoroutes ou aires de covoiturages près d’échangeurs ou péages autoroutiers, de giratoires…), de nouvelles formes de pôles d’échanges mettent aussi en exergue l’enjeu du lien avec le périurbain et du maillage territorial.
C’est le sens, par exemple, de la politique de mobilité mise en œuvre par la Métropole d’Aix-Marseille-Provence autour d’un réseau de Cars Express métropolitain : son efficience comme sa crédibilité reposent tout autant sur des voies réservées que sur des stations bus sur autoroutes et pôles d’échanges ferroviaires plus classiques.
En contribuant aussi à éviter des déplacements longs sur des infrastructures souvent congestionnées ou perturbées, la politique des espaces de travail partagés en gares menée par la SNCF et Ile-de-France Mobilités illustre aussi, d’une certaine façon, l’intérêt potentiel que peuvent avoir les pôles d’échanges dans le management de la mobilité.
Les autres interventions de l’atelier ont fait ressortir le lien étroit à entretenir entre la planification des nouvelles lignes (Ile-de-France Mobilités), la planification urbaine (Région Ile-de-France et Agence d’Urbanisme de Grenoble), et la mise en œuvre de démarches projets (SGP) au sein de quartiers de gares divers (Institut Paris Région).
L’intervention du Cerema a permis de rappeler que les pôles d’échanges restent des « matériaux urbains vivants » à adapter, sur plusieurs dizaines d’années, à l’étalement des territoires comme à « l’hybridation » des offres de mobilité.