
Alors que la proportion de personnes âgées dans la population est amenée à augmenter, cette journée d'étude organisée le 4 novembre 2025 s'intéressera aux pratiques de mobilité quotidienne des personnes âgées et à leur évolution. Elle fait suite à une étude menée dans la métropole de Lille sur la mobilité des seniors, au cours de laquelle le Cerema a mené de nombreux entretiens pour comprendre comment évolue la mobilité au fil des ans, quels sont les besoins et les leviers d'action pour favoriser l'autonomie dans les déplacements.
Pour définir qui sont les personnes vieillissantes aujourd’hui, on peut "croiser l’âge à la génération" (Chamahian, 2024). La notion de génération "met l’accent sur le partage d’une même vision du monde du fait d’une socialisation commune" (Caradec, 2022). En effet, avoir 65 ans aujourd’hui est différent d’il y a trente ans. Le vieillissement de la génération du baby-boom est particulièrement intéressant à suivre, notamment parce que ses représentants ont "aspiré à plus de liberté vis-à-vis de la famille et ont développé un mode de vie plus autonome" (Bonvalet, Ogg, 2009).
Ce colloque entend faire le point sur les mobilités quotidiennes, c’est-à-dire de courte durée et interne à un bassin de vie (Gallez, Kaufmann, 2009).
Thèmes pour les propositions de communication
Les communications retenues alimenteront les échanges scientifiques, en faisant écho à la présentation des résultats de notre enquête mixte et longitudinale au sein de la Métropole Européenne de Lille de 2020 à 2024 sur les mobilités quotidiennes des personnes vieillissantes.
Nous attendons des propositions qui traiteront des thématiques suivantes, sans que cette liste soit exhaustive :
> La typologie des mobilités des aînés banlieusards développée par Lord, Joerin, et Thériault (2009) compte quatre types :
- Le domocentré possède un espace d’action limité formé par un nombre restreint de lieux visités sur le territoire.
- Le voisineur compte aussi un espace d’action réduit, mais cet espace est constitué par un nombre plus important de lieux visités sur le territoire.
- Les pérégrinateurs
- les hypermobiles possèdent quant à eux des espaces d’action plus vastes, les premiers concentrant leurs déplacements dans quelques lieux tandis que les deuxièmes les disséminent en plusieurs endroits » (Lord, Joerin, Thériault, 2009).
Quinze ans plus tard, cette typologie québécoise est-elle toujours d’actualité ? Vaut-elle pour le contexte français ? A-t-elle été complétée ou enrichie par de nouveaux résultats ?
> Certains retraités font durer leurs engagements (politiques, culturels, cultuels, associatifs…), quand d’autres associent la retraite au ralentissement du rythme de vie. Il est certain qu’une bonne forme physique est nécessaire pour se déplacer avec aisance (Girard, Lourdeau, Bielaczek, 2016). Toutefois, d’après le Laboratoire de la Mobilité Inclusive, c’est le niveau de vie qui influe le plus sur l’immobilité : 36 % des plus pauvres renoncent à se déplacer contre 13 % pour les plus aisés (Dreyfus, 2019).
Quels sont les nouveaux rythmes des mobilités quotidiennes des personnes vieillissantes ? Les lignes sont-elles en train de bouger avec le renouvellement générationnel ?

> Une part des aînés vit en milieu rural. Or "l’enjeu central du vieillissement [en milieu rural] réside dans la capacité des aînés à se mouvoir, en voiture ou non, sur un territoire marqué par l’éloignement des services, des lieux de loisir et de socialisation" (Lord et al., 2009). Isabelle Mallon a mené une enquête ethnographique entre 2004 et 2007, dans deux territoires ruraux isolés. Un de ses résultats est que "le milieu rural isolé n’isole pas les habitants qui y vieillissent" (Mallon, 2010). Au contraire, Véronique Mondou et Philippe Violier ont montré que l’attachement à un logement situé loin des aménités de la vie quotidienne pose des problèmes.
De nouveaux travaux permettent-ils aujourd’hui de caractériser l’impact de l’ancrage résidentiel dans un milieu peu dense sur les mobilités quotidiennes au grand âge ?
> D’après Coutard et al. (2002), ne pas disposer de sa propre automobile ou ne plus être en capacité de la conduire pose la double question de la dépendance automobile et de la dépendance à autrui (Gateau, 2020 ; Mondou, Violier, 2010). Or l’éclatement spatial des structures familiales renforce ce problème (OCDE, 2001).
Quelles solutions sont imaginées par les pouvoirs publics pour résoudre ce problème ? La pandémie de COVID a-t-elle marqué un tournant ?
> "Le renoncement à la conduite automobile est souvent difficile à accepter car il représente un signe majeur de perte d’autonomie et d’entrée dans le grand âge" (Pochet et Corget, 2010 ; Gateau, 2020 ; voir Demoli 2017). Puisque la démocratisation de l’automobile parmi les baby-boomers est un point saillant de cette génération et un "puissant facteur de transformation de la mobilité quotidienne au cours du troisième âge" (Pochet, 1998), les processus de démotorisation (se séparer d’un véhicule) ou de démobilité automobile (moins utiliser la voiture) sont-ils plus complexes ou plus douloureux pour la génération du babyboom ?
Quel est l’impact du genre sur le rapport à la voiture des babyboomers, alors que les hommes tendent à conduire au-delà de leurs capacités, à l’inverse des femmes (Marie Dit Asse, 2015) ? Si l’anticipation de l’évolution de la mobilité avec l’âge doit prendre en compte l’arrêt de la conduite automobile (Dumas, 2012), y parvient-on ?
> En France, l’inquiétude des chercheurs quant à l’accidentalité routière des personnes vieillissantes remonte aux années 1980 (Rallu, 1990). Les données récentes issues de l’ONISR montrent qu’en France, la mortalité en lien avec l’accidentalité routière a très significativement diminué et continue à diminuer toutes classes d’âge confondues. Seulement si on isole les [55-64 ans] ou plus encore les [65-74 ans], on observe jusqu’à +22 % d’augmentation entre 2010 et 2021. D’un côté, plusieurs accidentologues ont relevé une implication plus élevée des personnes âgées dans les accidents survenant plus particulièrement aux intersections, que ce soit en Finlande (Hakamies-Blomqvist, 1993), au Canada, en France ou au Japon (Torres, Gauthier, 2006). D’un autre côté, des chercheurs avancent que "l’hypothèse d’une accidentologie spécifique aux personnes âgées n’est pas très convaincante" (Torres, Gauthier, 2006 ; Brénac 1997) et que le sur-risque d’accident par kilomètre tend à diminuer (Fontaine, 2003).
Quelles nouvelles interprétations des données d’accidentalité peut-on faire ?
> Une part considérable des débats relatifs à la mobilité des personnes âgées porte sur la conditionnalité du permis de conduire à un contrôle de santé. Plusieurs auteurs identifient une réticence chez certaines personnes âgées à admettre qu’il devient nécessaire d’arrêter de conduire (OCDE, 2001). L’arrêt de la conduite est si redouté qu’il fait l’objet d’un déni (Espinasse, 2005). Pourtant, la vieillesse s’accompagne d’une diminution de la conduite automobile jusqu’à son renoncement (Torres, Gauthier, 2006 ; Wiebe, 2018) principalement pour des motifs de santé (Luxembourg, 2005), mais aussi en raison de facteurs sociaux. Si la doctrine française est de laisser au corps médical le soin d’avertir une personne quand elle n’est plus apte à conduire, elle fait régulièrement l’objet de tractations et débats.
Des données scientifiques nouvelles peuvent-elles les alimenter ?
> Si la liberté est une représentation associée à la mobilité largement partagée par toutes les générations, la voiture apparaît comme un de objets auxquels les personnes vieillissantes sont profondément attachées. Conduire, c’est se retrouver parmi les autres automobilistes et se rassurer sur le fait qu’on participe pleinement à la société. Il est possible que la voiture constitue, « au même titre par exemple que le micro-ordinateur ou la télévision, un support de l’investissement identitaire [apparaissant] au moment de la retraite » (Caradec, 2004). Mais en vieillissant, l’automobile est peut être "moins associée à la liberté" (Lord, Després, 2011).
À l’heure où les conducteurs d’Engins de Déplacement Personnels (EDP) prennent possession des trottoirs des métropoles, à quelles évolutions des représentations sur les modes de transport assiste-t-on chez les personnes vieillissantes ?
> L’augmentation des revenus des retraités français est un constat économique remarquable. Il est dû "notamment à la part plus importante de femmes ayant travaillé et à l’augmentation du nombre de cadres et professions intellectuelles supérieures". Cette conjoncture favorable a permis à la personne âgée de "garder son (voire ses) véhicule(s) plus longtemps" (Girard, Lourdeau, Bielaczek, 2016). Les pratiques touristiques des seniors disposant du temps et des revenus pour voyager ont été largement étudiées mais quelles sont les conséquences de cette nouvelle donne économique sur la "consommation" de transport du quotidien et sur les pratiques de mobilités quotidiennes de ces nouveaux retraités ?
> Depuis les années 2010 apparaissent des démarches de "mobilité inclusive" qui s’adressent notamment aux personnes âgées isolées. Les véhicules sanitaires (VSL) et taxis transportent un nombre croissant de personnes vers leurs rendez-vous médicaux ; des initiatives locales, souvent municipales et isolées, viennent combler un manque de transports en commun par la mise en place de navettes réservées aux seniors ; des associations développent des transports d’utilité sociale (TUS) comptant sur l’engagement bénévoles de jeunes retraités motorisés. Comme le mentionnait déjà Maryvonne Dejeammes en 2002, « les autorités organisatrices de transports et les services d’action sociale des communes se doivent de mieux répondre aux besoins de déplacement des personnes âgées » (Dejeammes, 2002).
Quels sont les objectifs des politiques publiques des autorités organisatrices des transport (AOT) ? Comment ces services sont ils – ou non – coordonnés entre eux ? connectés aux transports publics ? Vingt ans plus tard, le constat est-il différent ?
> Les recherches manquent sur les leviers potentiels d’adoption des mobilités bas carbone chez les personnes vieillissantes. Ces personnes pourraient pourtant être mises à contribution dans le cadre d’une politique de mobilité durable. Les retraités sont, par définition, moins sujets aux contraintes professionnelles d’horaire et de navettes vers un lieu de travail donné.
Dès lors, ne pourrait-on attendre d’eux que leur mobilité soit, selon le cas, plus lente, moins instantanée et que leurs véhicules soient mieux remplis (incitation au covoiturage) ?
Comment contribuer ?
Les propositions de communication attendues sont en français et émaneront de la sociologie, la démographie, la psychologie, l’économie, l’urbanisme, la géographie, l’histoire ou encore des champs de recherche intrinsèquement pluridisciplinaires que sont la gérontologie, les sciences politiques ou l’accidentologie. Les interventions dureront quinze minutes et seront suivies de cinq minutes de questions et d’échanges.
Un résumé d’une page au maximum de la communication proposée sur les thèmes proposés est à envoyer à joel.meissonnier@cerema.fr et à alexandre.rigal@cerema.fr avant le 11 mai 2025. Celui-ci devra préciser les noms de tous les auteurs et leurs affiliations respectives, une adresse mail de contact, la problématique traitée, la méthodologie employée, les résultats obtenus ainsi que quelques références bibliographiques remarquables.
Calendrier
- Date limite de rendu des propositions : 11 mai 2025
- Retour du comité d’organisation sur les propositions : 15 juin 2025
- Date de la journée d’études : 4 novembre 2025