Une centaine d’élus et techniciens de collectivités, d’aménageurs et promoteurs ont échangé collectivement sur les conditions d’aménagement de 4 types de ces fonciers : les friches, les îlots de centre-ville, les densifications en zones détendues et le devenir des grandes bâtisses.
Les fonciers à venir
En introduction à cette journée Bertrand LEROUX du Cerema a présenté la typologie de fonciers recherchés dans le cadre d’une stratégie de sobriété foncière :
1 – Les dents creuses composés
- des espaces verts qui n’ont pas trouvé d’usage,
- des îlots avec de fortes covisibilités,
- des terrains conservés par les propriétaires pour faire de la rétention immobilière,
- des potagers et jardins non attenants aux logements mais qui ont toujours un usage et donc pas mobilisables immédiatement,
- des délaissés liés à des équipements publics.
2 – Les friches qui présentent des difficultés de transformation (dépollution liée à l'activité antérieure) et un travail lourd pour permettre une remise sur le marché. Parmi ces friches ont trouve des grandes friches industrielles nécessitant un travail de découpage et de transformation progressive, des friches hospitalières, militaires. En fonction des cycles économiques, d'autres éléments arrivent sur le marché : des garages de centre-bourg, des commerces fermés.
3 – Les fonciers hors marchés ou en déshérence qui, paradoxalement, plus ils sont délabrés et sans valeur vénal, plus ils coûtent cher à la collectivité pour les transformer.
4 – les bâtis sous-occupés et notamment les logements vacants. L'expérience du Cerema via des études sur la vacance dans certains territoires montre que derrière les chiffres INSEE on peut avoir une grande diversité de situations : des logements en attente de transformation (avec un opérateur déjà désigné), des logements liés à des activités existantes, des logements saisonniers, des logements en vente mais qui ne trouvent pas preneurs ou des logements dont les propriétaires ne sont pas dans des logiques de valorisation du patrimoine.
De plus, les logements vacants, en nombre, pourraient répondre aux besoins de logement mais ils ne sont pas forcément là où le marché les attend.
Parmi les sites sous-occupés, les bâtiments publics sont moins présents cari les stratégies de mutualisation et de réflexion sur l'intensité des usages sont entrées dans les fonctionnements des collectivités.
5 – Les fonciers otpimisables sur les parcelles de grandes superficies nécessitants différents mécanismes de transformation : division parcellaire, parcelles en drapeau avec voie latérale et mobilisation sur le coté, lotissement, ou démolition sur construction existante.
6 – La transformation du bâti (surélévation, extension, division interne, changement d'usage - de la grange au logement, addition en fond de parcelle).
7 – La mutation d'un ensemble de bâtis - travail sur un îlot :
- soit pavillonnaire (îlots fortement morcelés avec des maisons), où la mutation des espaces doit se faire en évitant le grignotage des îlots végétaux qualitatifs, tout en permettant l'intensification,
- soit bâtis historiques (îlots intriqués avec des éléments de volume) dans des îlots avec des éléments de service et de centralité
- soit grandes bâtisses (de grands terrains et des bâtisses patrimoniales) où l'on travail simultanément sur des éléments fonciers (les parcs) des éléments de réhabilitation du bâti et des éléments de division.
8 – La transformation des équipements publics - accompagner la mutation des usages pour changer les destinations notamment vers le logement.
9 – L’accompagnement des relocalisations d'activités afin de rendre disponible des fonciers
10 – L’intensification des fonciers et de l'immobilier d'activité (intensification en l'horizontal ou en vertical)
11 – Action sur l’évolution des parcours résidentiels - questionner les conditions de logement des seniors (soit par la division du logement initial, soit par l'accueil dans un nouveau logement adapté) permettant de faciliter la libération de grands logements pour accueillir des ménages.
A la suite de cette introduction méthodologique, deux tables rondes se sont succédées pour illustrer, par des cas concerts, les contraintes et les leviers rencontrés à l'occasion d'opérations de reconversion de friches.
Réhabiliter le bâti
La première table ronde s’est intéressée aux friches ayant fait la part belle à la réhabilitation du bâti.
3 porteurs de projets ont présenté les difficultés rencontrées et leurs conditions de réussite lors des travaux portant sur :
- Une bâtisse patrimoniale sur la Place Napoléon à la Roche sur Yon (ORYON, Sébastien BONNET)
- Un bâtiment technique et commercial contemporain de centre urbain - l'immeuble France Télécom de la Roche sur Yon (ORYON)
- Un îlot ancien à Rezé porté (CISN, Pauline GARCON)
- Un ancien site industriel à Port Brillet (Laval Mayenne Aménagement, Charlotte BURON-DAUBIGNEY)
Parmi les difficultés sur ces différents projets le coût supérieur de la réhabilitation par rapport à la construction neuve est systématiquement avancé. Sur Rezé, le coût de la réhabilitation est de 2400 TTC /M² de SHAB contre 1770 TTC /M² de SHAB pour la construction neuve. Ce surcoût restreint la venue des opérateurs privés sur ce type d’opération. Sur le bâtiment France Telecom de La Roche sur Yon, des opérateurs s’étaient montrés intéressés, mais dans l’impossibilité de trouver un équilibre économique, ils se sont tous retirés.
La péréquation entre la réhabilitation et la construction, associée à l’apport d’une subvention permettent de réduire ce décalage.
L’autre contrainte récurrente réside dans la connaissance du bâti et la nécessité de réaliser les diagnostics permettant de s’assurer de la résistance structurelle de l’ouvrage pour un nouvel usage. Cette étape technique a été nécessaire à l’aménageur de la fonderie de Port Brillet avant de pouvoir proposer de grandes orientations pour ce site.
Les leviers et conditions pour engager et/ou stabiliser les opérations sont :
- les subventions
- l’absence de solutions alternatives (la réhabilitation est acceptable tant qu'il n'y a pas de proposition en construction neuve)
- avoir un client dés le départ (locataire ou groupe participatif)
- avoir un bâtiment adapté au changement d'usage envisagé
- la concertation avec les riverains pour proposer un projet cohérent qui ne suscite pas de recours
- la mise en place d’une fiscalité locale qui soit plus favorable à la réhabilitation qu'au neuf (ou un fiscalité plus forte plus le neuf)
Retrouvez les fiches de présentation des projets de reconversion de ces friches :
Aménager une friche
La seconde table ronde s’est intéressée aux démarches d’aménagement sur des fonciers en friche et à l’apport d’un établissement public foncier.
Les projets présentés représentent des typologies différentes :
- Un aménagement d’un quartier à Saint-Nazaire sur 9 hectares pour produire 470 logements (Thomas BOISSEAU de la SONADEV)
- Un aménagement d’un ensemble immobilier de 20 logements à Chateauneuf-su-Sarthe sur 1 ha (Olivier ORSOLIN et Anthony DUVERGER de Maine et Loire Habitat) .
- L’appui de l’Etablissement Public Foncier (Jean-François BUCCO, EPF44)
Sur les 9 hectares du site de l’ancien hôpital de Saint-Nazaire, la contrainte principale a résidé dans la gestion des 100 000 tonnes de bétons issus de la déconstruction. Ces bétons ont été laissés sur place après la démolition, recouvrant la terre naturelle d'une couche de qualité hétérogène avec beaucoup de déchets inertes.
Face à l’impact de ces déchets sur l’aménagement à venir, tant technique que financier, la SONADEV a décidé de prendre à sa charge leur retraitement sur site de l’ensemble des bétons pour un coût total de cette opération est de 1.8 million d’euros. La réutilisation sur site de ces gravats a évité environ 3700 voyages en camion sur la ville. Ce processus est conforme avec les ambitions bas-carbone portée par l’aménageur.
Dans les zones détendues sur lesquelles le bailleur social Maine et Loire Habitat intervient, les constructeurs privés ne sont pas présents car le marché locatif privé est très limité. L’offre en construction neuve est donc portée essentiellement par les bailleurs sociaux.
Depuis ces dernières années, MLH n’intervient plus que dans l’enveloppe urbaine de ces bourgs, sur des fonciers à reconvertir, identifiés par les collectivités via des stratégies foncières mises en place grâce aux différents outils à disposition (PVD, ORT, OAP...).
En l’absence d’EPF en Maine et Loire, MLH assure des missions portées en Loire-Atlantique par l’EPF local.
L’EPF capte les fonciers le plus en amont possible à la demande des élus afin de leur permettre d'avoir le temps de maturer les projets. Il peut réaliser des études et diagnostics techniques, financer les études pendant le temps du portage foncier et assurer le proto-aménagement. L'établissement vient également décoter le prix de cession du foncier par la minoration foncière (via la taxe spéciale d'équipement qui est la ressource fiscale dédiée au financement des EPF). Depuis 2021 ne fait plus d'acquisition que dans l'enveloppe urbaine.
Retrouvez les fiches de présentation des projets de reconversion de ces friches :
Application au territoire de la Communauté de commune Sèvre et Loire
En début d'après-midi, Félix BEAUVAIS du Cerema a présenté l'étude foncière menée dans les cadre de l'AMI ZAN de l'ADEME, et qui vient alimenter différentes démarches de la collectivité pour s'engager dans une trajectoire de sobriété foncière : élaboration du PLUi, échanges avec l'EPF, mobilisation de nouveaux outils d'action foncière.
L'étude a dans un premier temps permis la consolidation d'un référentiel des gisements fonciers de la CCSL, en partant d'un recensement de parcelles nues détachables au sein de l'enveloppe urbaine réalisé par un bureau d'étude en 2020. Cette base de travail a été mise à jour, enrichie et retraitée en prenant en compte des enjeux impactant la constructibilité (Zones Humides, espaces protégés...), en intégrant des données locales (PC récents, compteurs d'eau fermés) et nationales (ventes récentes, friches, LOVAC...), en identifiant les espaces de relative sous-densité et sous-occupation. Ces travaux ont été complétés par des visites de terrain et des échanges avec les élu.es et technicien.nes des communes. L'étude a permis de passer d'un recensement de parcelles à un référentiel de gisements fonciers consolidés et qualifiés, en fonction de leur typologie et de leur opérationnalité (constructibilité, faisabilité, mutabilité). Les enseignements de cette première phase sont les suivants :
- les gisements fonciers "faciles" et mobilisables rapidement ont largement été mobilisés depuis 2020
- les grandes opérations d'aménagement et les lotissements sont plutôt en fin de commercialisation
- la CCSL connait une faible vacance structurelle
- les futures marges de manœuvre résident dans la mobilisation de nouvelles typologies de gisements fonciers, avec un accompagnement fort via un calibrage adapté des outils réglementaires (PLUi et OAP)
La deuxième phase de l'étude a permis de passer aux préconisations et à un accompagnement vers l'opérationnalité, notamment en construisant des sites d'intervention sur la base de grappes de gisements fonciers, dont il faut coordonner la mobilisation pour éviter la sous-estimation. A partir du référentiel foncier et des sites d’intervention, le Cerema a produit des portraits dynamiques communaux permettant d'estimer la production de logements pour la période 2021-2035, selon les temporalités et les filières de production. Ce travail a permis, à l'échelle intercommunale, d'apprécier la production de logements dans le temps et de la comparer aux objectifs d'accueil de population du territoire. Les enseignements de cette seconde phase sont les suivants :
- ZAN ou pas, les collectivités sont toutes poussées à imaginer de nouvelles façons d'aménager le territoire
- certaines typologies de gisements et d'opérations se raréfient et ne reviendront pas à leurs niveaux antérieurs : lotissements en extension, grands espaces d'aménagement, promotion via les bailleurs sociaux...
- des typologies sont mobilisées "spontanément" par le marché et contribuent à la production d'une offre nouvelle : changement de destination, réhabilitation de biens, sortie de la vacance
- des typologies, très actives ces dernières années, vont probablement s'essouffler par épuisement relatif du gisement et car des tailles critiques vont être atteintes : phénomène BIMBY, division de terrain
- des typologies de gisements nouvelles et complexes, nécessitant un fort accompagnement, vont devoir prendre le relai : reconversion des friches, réaménagement des îlots pavillonnaires ou de cœur de bourg, densification en secteur détendu ou transformation des grandes bâtisses patrimoniales
La fin de la présentation a été consacrée aux données de marché sur le territoire de la CCSL.