Dans un contexte de raréfaction des ressources, l’ANEB, Intercommunalités de France, le Cerema et INRAE ont identifié un besoin de poursuivre l’accompagnement des territoires dans la mise en œuvre des compétences de la Gemapi en réponse aux défis de la gestion de l’eau.
L'appel à partenaires
L’accompagnement des territoires se traduit par la réalisation d’études par le Cerema et INRAE en partenariat avec les porteurs de projet, sur une durée globale de 2 ans. Outre l’apport de pistes de réponses opérationnelles aux problématiques locales, l’objectif de ce partenariat est de tirer des enseignements généralisables à l’échelle nationale, de valoriser des expériences innovantes et de mettre en réseau des acteurs concernés par les mêmes préoccupations.
15 porteurs de projet sur tout le territoire national ont été sélectionnés. Les 15 collectivités retenues dans le cadre de cet appel à partenaires ainsi que les posters présentant leur projet sont présentés ici.
Les actes du séminaire ont également été publiés aux éditions du Cerema.
Les principaux résultats attendus portent sur des enseignements répondant aux trois objectifs de l’appel :
1) la gestion intégrée de l’eau par bassin :
- co-construction de stratégies d’intégration des démarches de prévention des risques et de gestion des milieux aquatiques : concertations, ateliers participatifs,
- développement d’outils d’évaluation des politiques de gestion intégrée de l’eau (ACB, AMC…) et de référentiels d’indicateurs,
- prise en compte du changement climatique dans la stratégie.
2) la synergie entre Gemapi et autres objectifs d’aménagement :
- synergie Gemapi et ruissellement,
- Gemapi et ressource en eau,
- urbanisme et Gemapi,
- redonner à l’eau sa place sur le territoire.
3) Les solutions fondées sur la nature :
- typologie et catalogue de solutions fondées sur la nature,
- restauration de cours d’eau urbain « oublié »,
- nouvelles fonctionnalités de bassins de rétention et de réservoirs hydroélectriques,
- gestion de l’eau et pratiques agricoles (érosion des sols, bocage…)
- gestion de zones humides.
L’atelier participatif
Un atelier participatif s’est tenu en présentiel le 10 mai à Anthony dans les locaux d’INRAE. Ce dernier a réuni une cinquantaine de participants notamment les élus et techniciens de collectivités lauréates et les techniciens des structures partenaires. Les objectifs visés par cet atelier sont :
- Faire se rencontrer les porteurs de projet du partenariat GEMAPI.
- Partager des réalités/problématiques.
- Initier une dynamique collective et collaborative.
Trois temps forts ont meublé cette demi-journée riche en partage :
Arrivée et mise en contexte de la rencontre :
Sur une carte de France, les représentants de chaque collectivité ont affiché une photo représentant leur territoire et ont précisé le défi prégnant en termes de gestion de l’eau au travers d’une phrase.
Le directeur de la direction technique risques, eau et mer du Cerema a ensuite contextualisé l’atelier et présenté le déroulé de la demi-journée en rappelant l’intérêt que revêt la mise en réseau d’acteurs ainsi que le partage d’expériences pour une gestion intégrée de l’eau.
Forum :
Ce temps a permis aux participants de se positionner sur les réalités de leur territoire, de favoriser des échanges informels et de faire émerger les problématiques communes et majeures ainsi que les enjeux et leviers d'action.
Plusieurs problématiques ont été identifiées et sont communes à la plupart des territoires : prévention des risques d’inondation, préservation des milieux humides, élaboration d'une stratégie de gestion, prise en compte du changement climatique, la préservation de la ressource en eau, la gestion concertée des acteurs de l’eau et la gestion intégrée de l’eau et avec d’autres compétences.
Les motivations des collectivités sont une meilleure intégration de manière conjointe de la Gema et de la PI, une montée en compétence sur la Gemapi, la mise en œuvre de la Gemapi en tant que composante de l’aménagement et l’intégration d’un collectif ayant des préoccupations communes.
Les attentes qui ont été plus évoquées sont des retours d'expérience pour s'inspirer, des outils pour agir efficacement, des méthodes pour avancer pas à pas et des regards extérieurs pour identifier des pistes de progrès.
Atelier (format word café) :
Trois mini-ateliers ont permis d’initier par des productions individuelles des participants des réflexions et des pistes de solutions sur des défis liés à trois thématiques :
- la gestion intégrée de l'eau à l'échelle du bassin
- les synergies entre Gemapi et autres compétences
- les solutions fondées sur la nature dans la Gemapi.
Les échanges se sont poursuivis lors d’un apéro des territoires.
Le séminaire
Le séminaire s’est tenu en présentiel toute la journée du 11 mai à la maison des Travaux Publics de Paris. Il a permis de lancer la dynamique de la démarche en rendant visibles les projets et les collectivités partenaires et a aussi été l’occasion de diffuser l’état de l’art et les résultats acquis récemment (changement climatique, résilience, solutions fondées sur la nature, zones humides…).
Il a enfin été l’occasion d’initier un travail participatif sur les enseignements à tirer des projets. Les élus et techniciens des collectivités en charge de la gestion de l’eau, les services de l’État et les établissements publics concernés ont participé à cet événement. Deux tables rondes et cinq conférences ont meublé cette journée.
Introduction :
La journée a débuté par l’allocution introductive du sénateur Hervé Gillé. Celui-ci a souligné la pertinence du séminaire dans le contexte du réchauffement climatique et des déficits hydriques qui génèrent des conflits d’usage. Le plan Eau vient de fixer les intentions politiques, il convient de les décliner et c’est dans ce cadre que le sénat a lancé une mission d’information sur la gestion durable de l’eau. L’objectif est de proposer une approche pragmatique pour améliorer à la fois la gestion qualitative et la gestion quantitative de l’eau.
La Gemapi est maintenant en place depuis quelques années, il reste cependant à améliorer la prise de la compétence par les collectivités et pour cela il faut d’abord disposer d’un bilan. Il est aussi nécessaire de parvenir à une plus grande différenciation territoriale puisque les enjeux ne sont les mêmes sur les grands fleuves et sur les petits chevelus.
Cela pose un problème de financement, notamment pour l’entretien digues de protection contre les inondations. Hervé Gillé propose d’enrichir mutuellement les travaux de la mission et ceux du partenariat Gemapi.
Connaissances sur l’impact du changement climatique sur l’eau en France
Jean-Michel Soubeyroux, Directeur adjoint scientifique de la climatologie et des services climatiques de Météo France a présenté les constats liés au changement climatique ainsi que les projections climatiques pour la ressource en eau. En ce qui concerne les températures, il sera observé une hausse continue des températures annuelles atteignant +1,5°C* (RCP4.5) à +2°C* (RCP 8.5) à l’horizon 2050. Cette hausse sera plus forte l’été qu’en hiver et plus forte (écart jusqu’à +1°C) sur le Sud Est et en montagne par rapport au Nord-Ouest.
Quant aux précipitations, elles connaitront une hausse en hiver et une baisse en été avec un contraste géographique avec un peu plus de pluie au nord, un peu moins au sud. Il a également indiqué une hausse de l’évapotranspiration potentielle (ETP) proportionnelle à celle des températures de l’ordre de +10 % et une aggravation de la sécheresse des sols : +15 à +30 jours de sol sec à l’horizon 2050. Les précipitations extrêmes quotidiennes quant à elles subiront une tendance à la hausse.
Explore2 : des trajectoires hydrologiques en France pour le XXIe siècle - premiers enseignements
Eric Sauquet d’INRAE a présenté les premiers enseignements issus du projet Explore 2. Ce projet s’inscrit dans la continuité du projet Explore2070 (2010-2013) qui est une étude nationale pionnière engagée et financée par le ministère en charge de l’écologie, avec pour objectif : l’évaluation des impacts possibles des changements climatiques sur les grandes masses d’eau en France métropolitaine et dans les départements d’Outre-Mer, à l’horizon 2050-2070.
Explore2 (2021-2024) s’inscrit dans une volonté collective (scientifiques et acteurs de l’eau) de renouveler un exercice national sur la base de données du GIEC plus récentes, mais en évitant les écueils d’Explore2070. Des projections hydrologiques sur la base de conception de modèle seront produites.
En termes d’enseignements, il faut retenir que la notion de stationnarité du climat n’existe plus et nous devrons vivre avec. Les projections sont réalisées avec des modélisations toujours imparfaites (un modèle est une simplification de la réalité), mais qui correspondent à l’état de développement le plus abouti au moment de leur application. Les modèles sont challengés par le changement climatique avec un besoin d’actualiser les projections hydro-climatiques régulièrement.
En secteur de montagne, il a été constaté une très forte hétérogénéité et complexité de modélisation du fait de l’orographie (et de la neige).
Concernant l’adaptation, il ne faut pas se limiter à une trajectoire hydrologique mais plutôt s’engager dans une approche systémique et ne pas oublier l’atténuation dans les stratégies d’adaptation.
Table ronde sur la gestion intégrée par bassin :
Problématique : Comment relever le défi d’un indispensable partage de l’eau ?
- Benjamin Morassi, chef de service Études et planification à Troyes Champagne Métropole
- Frédéric Molossi, co-président de l’ANEB
- Gaëlle Schauner, cheffe du département Ville durable à la direction territoriale Île-de-France du Cerema
- Annabel Gravier, pôle programmation et animation, SIRRA : Syndicat isérois des rivières Rhône aval
- Animateur : Maxime Lemaire
Les solutions fondées sur la nature pour concilier la restauration des milieux et la prévention des inondations
Freddy Rey, directeur de recherche au sein du laboratoire Ecosystèmes et sociétés en montagne à INRAE a présenté la définition et les concepts liés aux SFN.
Selon l’UICN, ce sont des Actions visant à protéger, gérer de manière durable et restaurer des écosystèmes naturels ou modifiés, pour relever directement les défis de société de manière efficace et adaptative, tout en assurant le bien-être humain et en produisant des bénéfices pour la biodiversité. Il a insisté sur le principe de co-bénéfices pour assurer le bien-être humain tout en favorisant la biodiversité que doivent respecter les SFN.
Les apprentissages du projet Life ARTISAN
Natalia Rodriguez, chargée de missions "Sciences, Société et Europe" de l’OFB a présenté les résultats du projet life intégré ARTISAN : Accroitre la Résilience des Territoires au changement climatique par l’Incitation aux Solutions d’adaptation fondées sur la Nature. Ce projet vise à appuyer la mise en œuvre du plan national d’adaptation au changement climatique en créant en 8 ans les conditions d’une généralisation du recours aux Solutions d’adaptation fondées sur la nature face aux effets du changement climatique en France.
Les freins (acceptabilité sociale, scepticisme, changements d’usages, coûts/bénéfices, accès aux financements, manque de compétences, défaut d’offre…) et leviers (faciliter l’acceptabilité sociale par la participation et la co-construction, définir les SaFN de manière opérationnelle, souligner les liens SaFN avec les politiques publiques, diffuser les sources de financement…) du déploiement de ces solutions ont été recensés par le projet.
10 sites pilotes sont suivis dans le cadre de ce projet (2020-2027) pour illustrer la diversité des contextes, des problématiques locales liées au changement climatique et des solutions mises en œuvre.
Cartographie nationale des milieux humides
Rachel Vanacker, chargée de mission Cartographie nationale des milieux humides – Patrinat a présenté la méthodologie issue du projet de cartographie nationale des milieux humides.
L’objectif de ce projet qui fait suite à une première cartographie des milieux humides en 2014 est l’identification des milieux et des zones humides à l’échelle nationale, la description de leur état et l’effet de la gestion. Les enjeux sont le pilotage efficace des politiques publiques de préservation-restauration à l’échelle locale et nationale et une réponse efficace aux rapportages internationaux.
Table ronde sur la synergie Gemapi et autres compétences
Problématique : Eau & Climat : comment inscrire les réponses territoriales dans des approches intersectorielles ?
Benjamin Morassi, chef de service Études et planification à Troyes Champagne Métropole
Catherine Gremillet, directrice de l’ANEB
Gabrielle Bouleau, chercheuse au LISIS et chargée de mission adaptation au département EcoSocio - INRAE
Michelle Darabi, directrice du Syndicat Chère Donc Isac (44)
Grand témoin - Les défis de l’eau : participation du public, décision, démocratie participative
Loïc Blondiaux, professeur de science politique à l’Université Paris Panthéon-Sorbonne, chercheur au Centre Européen de Sociologie et de Science Politique
Loïc Blondiaux est invité à ouvrir les réflexions au-delà des questions techniques sur l’eau. Son intervention porte sur la participation citoyenne aux décisions environnementales. La démocratie participative lui apparaît comme une nécessité pour rendre possible le consentement aux mutations drastiques générées par les changements environnementaux. Son plaidoyer apporte de nombreux témoignages sur des concrétisations de démocratie délibérative. L’assemblée populaire du Rhône, par exemple, institue une gouvernance qui donne la parole et permet la reconnaissance de la personnalité juridique d’un être non-humain, le fleuve Rhône.
Sébastien Dupray, Directeur de la direction technique Risques, Eaux, Mer du Cerema conclut la journée en remerciant tous les acteurs et en rappelant les principales étapes de la démarche qui s’appuieront notamment sur la plateforme Expertises-territoires.
Les actes du séminaire:
Le Cerema a publié en octobre 2023 les actes du séminaire, qui sont disponibles sur CeremaDoc.