Le Cerema a réalisé une intervention sur la mise en œuvre réutilisation des eaux usées (REUT), dispositif encore peu utilisé. Ces journées techniques ARSATESE étaient organisées du 13 au 15 septembre 2022.
Un nécessaire changement de paradigme face à une ressource insuffisamment exploitée
Face à une diversité des usages de l’eau (alimentation en eau potable, irrigation, industrie, etc.), et des tensions associées, exacerbées par les effets du changement climatique, la REUT représente une solution pour préserver la ressource et s’adapter au changement climatique.
En passant du concept de gestion linéaire (collecte, traitement, rejet) à un concept plus circulaire, les eaux usées traitées peuvent servir d’alternative à l’usage de l’eau potable.
En effet, sur les 8,4 milliards de m³ d’eaux usées rejetées par an, seul 1 % est actuellement réutilisé en France métropolitaine [1], quand ce ratio peut atteindre 8 % ou 14 % en Italie ou en Espagne [2].
Un changement de paradigme s’avère donc nécessaire, car la station de traitement des eaux usées peut être vue non plus comme un lieu de traitement de déchets mais comme un lieu de production avec de nombreux bénéfices, économiques, environnementaux ou sociaux. La situation de sécheresse qu’a subi la France cet été 2022 a mis en avant la nécessité du recours à des eaux non conventionnelles.
Toutefois, la REUT ne doit pas faire obstacle à des plans d'économie d'eau. Elle a vocation à s’inscrire dans un écosystème de solutions d'adaptation au changement climatique incluant, en plus des solutions techniques en vigueur, des usages sobres de la ressource à l'avenir.
Un cadrage réglementaire en évolution
La mise en œuvre de la REUT permet de répondre à certains des Objectifs du Développement Durable (ODD) des Nations Unies [3] et se trouve à la croisée d’enjeux sanitaires et environnementaux, encadrés réglementairement au niveau national et européen. Initialement limités aux seuls usages d’arrosage et d’irrigation, les textes en vigueur permettent d’ouvrir progressivement, sous couvert d’expérimentation, à d’autres usages.
Suite aux Assises de l’Eau de 2019, organisées par le ministère en charge de la transition écologique, qui ont permis d’engager un processus de concertation large et inédit avec l’ensemble des acteurs de l’eau (collectivités, associations, entreprise, etc.), des groupes de travail, dont le Cerema fait partie, pilotés par les associations ASTEE et AMORCE, ont été mises en place pour réunir des acteurs publics et privés en vue de faire évoluer la réglementation sur les eaux non conventionnelles. La REUT s’inscrit dans le cadre de ces discussions.
L’étude d’opportunité, un outil d’aide à la décision adaptable à différentes échelles
Face à cette complexité, il convient d’analyser l’opportunité de la mise en œuvre de la REUT par les prismes des besoins en eau actuels et futurs (écosystèmes existants, besoins humains), du contexte du territoire (industriel, littoral, continental, agricole...) dans lequel est implantée la station de traitement (tendances climatiques, sensibilité au stress hydrique, aménagements projetés, évolution démographique) ou encore des contraintes réglementaires et économiques.
Le Cerema est actuellement engagé sur des études d’opportunité sur des territoires et pour des collectivités de taille et de nature différentes :
- Pour le compte du Département du Loiret, portée par la Direction territoriale Normandie-Centre, dans une démarche prospective et multi-acteurs pour cibler les secteurs de son territoire où la REUT serait la plus appropriée et pour faciliter l’acceptabilité de la démarche par le plus grand nombre ;
- Pour le compte de la CARENE (Communauté d’Agglomération de la Région Nazairienne et de l’Estuaire), portée par la direction territoriale Ouest, dans le cadre d’une convention portant sur l’écologie industrielle et territoriale et l’adaptation au changement climatique : définition des besoins potentiels et des disponibilités en quantité et en qualité des 9 STEU de la collectivité appuyée sur une expertise technique et réglementaire des données existantes, un recensement des usages et une analyse multicritères des enjeux.
L’étude d’opportunité apparaît alors comme un outil d’aide à la décision, adaptable à différentes échelles, qui nécessite un cadrage méthodologique partagé par l’ensemble des acteurs concernés, et qui permet de cibler les STEU les plus pertinentes et les usages les plus adaptés avant d’engager des études de faisabilité pour établir un plan d’adaptation pluri-annuel.
[1] Réutilisation des Eaux Usées Traitées-Le panorama français – Cerema, collection Connaissances - juin 2020
[2] Voir article sur Terre.net.
[3] 17 objectifs adoptés en 2015 par l’ensemble des états membres de l’ONU dans le cadre du Programme de Développement Durable à l’horizon 2030 -