15 mai 2024
Rue de Lille avec un vélo
Cerema - Lille
Une conférence technique territoriale consacrée aux leviers de réduction du bruit dans l'environnement a été organisée par le Cerema Hauts-de-France et le Centre d'information sur le bruit (CidB) en partenariat avec la ville de Lille, le 16 avril 2024. Intitulée "Mobilisons-nous pour un environnement sonore de qualité - Aménager, gérer et rénover dans nos territoires", elle a permis la rencontre de différents acteurs régionaux autour de la thématique de l’environnement sonore (collectivités, bureaux d’études, industriels, services de l’état…).

C’est la première fois que le Cerema et le CidB collaborent dans l’organisation d’un tel évènement, qui s’inscrit également dans le cadre du "CidB Tour", série de conférences régionales organisées par le CidB. 

Les bâtiments de l’ancienne Gare Saint-Sauveur à Lille, transformés depuis 2009 en lieu culturel, ont accueilli une centaine de personnes pour quatre tables rondes, animées par Philippe Strauss du CidB.

 

Impact sanitaire et diagnostic de la pollution sonore sur les territoires

La première partie a été dédiée à l’impact du bruit sur la santé et au diagnostic de la pollution sonore sur les territoires. 

 

L'observatoire régional en santé-environnement

Frédéric Autin du Conseil Régional des Hauts-de-France et Frédéric Imbert de l’OR2S ont rappelé les enjeux sanitaires liés à l’exposition au bruit, issus des travaux de l’OMS en 2018 "Environmental Noise Guidelines for European Region". Le Conseil National du Bruit et l’ADEME ont publié en 2021 une étude chiffrant le coût social du bruit à 147 milliards d’euros par an en France. Ce chiffre inclut l’impact sanitaire du bruit, principalement dû aux bruits des transports, et manifesté par une forte gêne et des troubles du sommeil.

Les 5 axes du Plan Régional Santé Environnement 4 (PRSE4) des Hauts-de-France ont été présentés, avec une attention particulière sur l’axe 5 "Produire et partager les connaissances en santé-environnement pour favoriser le pouvoir d’agir de chacun". Cet axe a mené en 2023 à la construction d’un Observatoire Régional Santé-Environnement, regroupant plusieurs acteurs (dont le Cerema). Son objectif est de capitaliser et mutualiser les données existantes en santé-environnement, de mettre en lien les acteurs pour mieux partager les connaissances, et de les diffuser largement.

L’observatoire doit permettre de se rapprocher des collectivités pour élaborer des diagnostics locaux et leur proposer des outils d’appropriation de ces thématiques santé-environnement. Cela passe par une sensibilisation des élus et des agents des collectivités pour une meilleure prise en compte de ces sujets dans les projets d’aménagement.

À ce jour, les thématiques de la qualité de l’air extérieur, du bruit, de la distribution d’eau, des sites et sols pollués et des installations industrielles ont été croisées avec des critères de vulnérabilité de la population. Les travaux se poursuivent en 2024. 

 

Ressources et méthodes d’évaluation des impacts sonores pour prioriser les zones à enjeux

Geoffrey Pot du Cerema a ensuite présenté différentes bases de données disponibles pour les gestionnaires de réseaux et les aménageurs, puis une méthode qui permet d’identifier et de prioriser les zones à enjeux.

Il existe aujourd’hui de nombreuses sources de données accessibles aux collectivités et aux aménageurs. La présentation a précisé les liens ou les démarches pour obtenir les données acoustiques des cartes de bruit stratégiques, des classements sonores des voies et des plans d’exposition au bruit aérien. L’IGN fourni désormais en libre téléchargement les données bâtimentaires, les infrastructures de transport… 

Le Cerema dispose dans la base de données Plamade, des données d’entrée utilisées pour l’élaboration des dernières cartes de bruit stratégiques ainsi que d’une base nationale de la population par bâtiment. Le CSTB a mis en ligne en 2023 la Base de Données Nationale des Bâtiments intégrant notamment la date de construction. 

Il est alors possible de croiser les données acoustiques et les données bâtimentaires pour déterminer des zones à enjeux, fortement impactées par le bruit, et de se donner des critères, acoustiques, sanitaires et financiers, pour prioriser les actions de résorption. Une méthodologie du Cerema appliquée par la DiRIF sur son réseau routier a été présentée.

 

Bases de données disponibles sur les bâtiments à enjeux

Louise Mazouz du Cerema a ciblé son intervention sur la réglementation acoustique s’appliquant aux rénovations de bâtiments. L’axe 15 du Plan National Santé Environnement 4 (PNSE4) vise en effet à associer la rénovation énergétique et acoustique dans le logement social et autour des axes routiers, ferroviaires ou des aéroports.

Il y a depuis 2017 plusieurs critères qui peuvent conduire à l’obligation de prendre en compte l’acoustique lors d’une rénovation énergétique. Les différentes sources de données permettant à un maître d’ouvrage de s’assurer de ses obligations ont été présentées (cartes de bruit stratégiques, plans d’exposition au bruit aérien). 

Un travail piloté par le Cerema pour l’ADEME a ensuite été présenté, consistant à identifier tous les bâtiments très exposés aux bruits des transports dans les 480 quartiers prioritaires du nouveau plan national de renouvellement urbain de l’ANRU. Cette base de donnée disponible en ligne permet d’identifier les bâtiments potentiellement Points Noirs du Bruit (PNB). Ce travail s’est poursuivi par l’identification des potentiels PNB dans tout le parc social national, critère pouvant donner droit à un "bonus acoustique" dans le cadre de l’Éco-Prêt logement social. 

 

Le bruit sous l'angle du Pacte Lille Bas Carbone

Olivier Savy de la Ville de Lille a conclu cette première partie en présentant le "Pacte Lille Bas Carbone". Celui-ci s’inscrit dans le cadre plus global du "Plan lillois pour le climat 2021-2026" qui vise à réduire de 45% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et la neutralité carbone avant 2050.

Publié en 2021 après concertation avec de nombreux acteurs locaux et nationaux, le "Pacte Lille Bas Carbone" se donne 6 priorités dont le Bien-être, qui intègre le volet acoustique. Les opérations visées sont les projets d’aménagement, de construction et de rénovation de bâtiments portés par des personnes morales ou les professionnels de l’immobilier et nécessitant une autorisation d’urbanisme. Au-delà du réglementaire, deux niveaux d’exigences sont proposés, "socle" et "avancé", dont les critères ont été présentés.

 

Les présentations :

Aménager avec la dimension acoustique

La seconde partie a abordé les moyens d’intégrer l’acoustique dans les projets d’aménagement, que ce soit pour réduire l’impact négatif du bruit ou pour créer des ambiances sonores de qualité, qui soient favorables à la biodiversité. 

Intégrer la qualité sonore à la programmation urbaine

Nathan Belval, maître de conférence en urbanisme et chercheur à l’Université Polytechnique Hauts-de-France a présenté sa vision de l’intégration de la qualité sonore à la programmation urbaine. Il a fait un rappel des effets physiques du bruit (lésions auditives, effets cardiovasculaires…) et psychologiques (gêne, stress, troubles du sommeil…) mais également économiques (coût de la santé, de la lutte contre le bruit, pertes de production dues au bruit, baisse des loyers et des prix immobiliers…) et sociaux (difficultés de communication, diminution de la solidarité, agressivité…). 

Nathan Belval a ensuite introduit le concept d’écologie sonore et évoqué l’importance d’aborder le bruit par le prisme des usages de la ville. 

 

Projet et perspective d'une trame blanche urbaine

Olivier Pichard du Cerema a ensuite exposé l’importance de traiter la question de l’impact du bruit sur la biodiversité. La notion de trame blanche ou trame sonore émerge actuellement en complément des continuités écologiques des trames vertes, bleues et noires. En effet ces trames écologiques existantes tiennent compte des obstacles physiques (route, urbanisation…) mais très peu des obstacles sensoriels (lumière, sons, odeurs…). Plusieurs textes réglementaires récents dont la Stratégie Nationale Biodiversité 2030, introduisent la notion de pollution sonore comme un obstacle et un enjeu. 

En effet le bruit a un impact sur de nombreux aspects de la vie de la faune : reproduction, navigation, recherche de nourriture, territorialité, communications… Les données existantes sur le bruit sont actuellement très anthropocentrées et ne permettent pas d’appréhender l’impact sur la biodiversité. Le Cerema travaille actuellement avec la Ville de Lille à la définition d’une méthodologie pour caractériser une trame sonore, la trame blanche, en milieu urbain. 

 

Prise en compte du bruit dans le projet Concorde

Enfin, Hélène Gosset de la SPL Euralille a fait une présentation du projet de réhabilitation de la ZAC Concorde à Lille et de son engagement à devenir un "quartier à santé positive". Situé en bordure du périphérique Lillois, ce quartier est fortement exposé au bruit et à la pollution atmosphérique. Une protection acoustique composée d’un écran sur un merlon de terre a été réalisée sur toute la partie sud, exposée à l’infrastructure. 

Le quartier va être totalement réaménagé pour devenir un parc habité, avec une ferme urbaine, de la production d’énergie photovoltaïque, et une attention sur la qualité de l’air et l’acoustique à l’intérieur des futurs bâtiments (label int’AIRieur et exigences acoustiques réglementaires renforcées).

 

Les présentations :

Point de vue des industriels et fournisseurs de solutions

Tout au long de la journée, 9 industriels et fournisseurs de solutions acoustiques ont pu présenter leurs produits sur des stands. Certains proposent des solutions pour la mesure de bruit, parfois couplée à la qualité de l’air et aux vibrations, d’autres sont spécialisés dans les écrans acoustiques ou dans les matériaux performants en isolation et en absorption, afin d’optimiser le confort des bâtiments. 

Ces sociétés ont pu présenter devant l’assemblée des projets sur lesquels leurs produits sont mis en œuvre et des retours d’expérience d’utilisateurs.

  • Philippe Bertrand du Syndicat des Équipements de la Route (SER) a présenté en détail le dispositif de protection acoustique mis en œuvre sur le quartier Concorde à Lille. Il a également rappelé l’existence des écrans bas (lauréat du Décibel d’Or en 2019), adaptés à une installation en milieu urbain pour protéger une circulation piétonne ou un jardin. 
  • Marc Legros du CINOV GIAc Acoustique a exposé le projet du quartier du bois habité, Euralille 2. Ce quartier, à proximité immédiate du périphérique lillois, a été conçu avec des logements en cœur d’îlot, encerclés par une rangée de bâtiments tertiaires et hôteliers labélisés HQE et faisant office de protection acoustique. Ainsi, la réflexion sur l’exposition acoustique en amont du projet a permis de créer un environnement agréable malgré la proximité d’infrastructures importantes.
  • Sylvain Coudret de la société Ecophon Saint-Gobain a présenté leur dernier produit, un panneau acoustique aux performances élevées. Utilisé en plafond ou en cloison, ce panneau permet d’absorber les sons et d’assurer un complément d’isolation entre locaux. Un retour d’expérience a été présenté dans un lycée, où le personnel enseignant, le personnel de la cantine et les élèves sont très satisfaits de l’environnement sonore apaisé.
  • Jean-Baptiste Defour de la société Acoem est fournisseur de solution de mesure du bruit. Il a présenté le retour d’expérience d’un projet de monitoring urbain à Strasbourg, réalisé à partir de plusieurs balises acoustiques fixes. Ces systèmes remontent les données mesurées en temps réel sur une plateforme internet paramétrable. Des alertes, et des rapports peuvent être générés et les données peuvent être mises à disposition du public. La collectivité a ainsi pu évaluer l’impact de son projet d’aménagement urbain et communiquer auprès des riverains.  La société Acoem propose également du monitoring de la qualité de l’air et des vibrations ainsi que des radars de bruit pédagogiques.
  • David-Berrier du bureau d’étude Sim-Engineering accompagné de Nathan Owsinski de la Métropole Européenne de Lille ont commenté l’Observatoire Métropolitain des nuisances sonores. C’est une plateforme WEB développée par SIM-Engineering qui recueille les données acoustiques mesurées en temps réel par des balises fixes, et qui capitalise toutes les mesures ponctuelles réalisées sur la métropole. Ces données sont accessibles au public et permettent d’apprécier et de communiquer sur l’impact d’aménagements urbains.
  • Dimitri Chamard-Boudet de la société Sigicom a présenté son propre système de monitoring acoustique de chantier et d’infrastructures. La société a développé un algorithme permettant d’identifier automatiquement les contributions de différentes sources de bruit. Elle propose aussi le monitoring de la qualité de l’air, des vibrations ou des radars de vitesse.
  • Pascal Ozouf de la société Isover et Placo Saint-Gobain a proposé ses solutions pour isoler les canalisations d’eau chaude, les conduits aéroliques et les conduits de désenfumage. Ces solutions combinent l’absorption acoustique à l’intérieur des conduites, et l’isolation des gaines. Un retour d’expérience sur un bâtiment de 4000 m² de bureaux a également montré l’intérêt des conduites ISOVER sur l’impact carbone dans l’analyse du cycle de vie.
     

La présentation :

Bruit de voisinage

La dernière partie de la journée a été consacrée aux bruits de voisinage. 

 

Mesure collaborative : NoiseCapture, retour d’expérience de la Ville de Rezé

Gwendall Petit de l’Unité Mixte de Recherche en Acoustique Environnementale (UMRAE) à l’Université Gustave Eiffel (UGE) a relancé l’après-midi par une initiation à l’usage de l’application de mesure du bruit NoiseCapture

Cette application a été développée par l’UGE sur le constat que les cartes de bruit stratégiques ne sont pas toujours représentatives des ambiances sonores en milieu urbain notamment, qui peuvent être impactées par le bruit des loisirs, des activités de restaurations, des terrasses de bars, des aires de jeux pour enfants… La mesure collaborative via l’application smartphone permet de tracer des cartes des ambiances sonores et de les partager à la communauté.

Cette initiation a été suivie d’une déambulation des participants autour du parc Jean-Baptiste Lebas afin de tester une cartographie collective de l’ambiance sonore du quartier.

Le retour d’expérience de l’utilisation de cette application de mesure sur la ville de Rezé a montré l’intérêt de cet outil dans les démarches citoyennes participatives et pour la sensibilisation à l’enjeu du bruit.

 

Bruit de voisinage et pouvoirs de police des maires

Gilles Souet, expert au Conseil National du Bruit et anciennement à l’ARS Centre Val de Loire a rappelé la réglementation encadrant les différents types de bruits de voisinage. Il y a les bruits particuliers de comportements qui peuvent être constatés à l’oreille par des agents assermentés, et les bruits d’activités organisées de façon habituelle ou soumises à autorisation qui doivent faire l’objet d’une caractérisation acoustique au moyen d’un sonomètre homologué.

Les responsabilités du maire dans la gestion des bruits de voisinage ont été rappelées ainsi que les difficultés rencontrées dans les petites communes, souvent liées à l’absence d’agents assermentés pour constater les infractions et au manque de moyens humains et matériels pour réaliser des mesures acoustiques réglementaires. Enfin, des guides et des outils existent et à sont à la disposition des maires mais doivent être diffusés plus largement.

 

Utilisation de systèmes de mesures à bas coût par les collectivités

Geoffrey Pot du Cerema a abordé la question de la mesure acoustique via des applications smartphone ou des sonomètres à bas coûts en complément du constat à l’oreille actuellement pratiqué dans les cas de bruits de comportement. Face au constat que les communes ne peuvent pas s’équiper de sonomètres homologués et n’ont pas le personnel pour s’en servir, la Direction Générale de la Santé s’interroge sur la robustesse des sonomètres non homologués et des nombreuses applications smartphone de mesure du bruit. 

Dans ce cadre, le Cerema a sélectionné un panel de systèmes de mesures acoustiques, et les a testés dans des situations de bruit de voisinage. Des recommandations ont été formulées pour leur utilisation potentielle en cas de litige. 

 

Retour d'expérience sur les plaintes "Bruit"

Stéphane Pichon, chef de service de police municipale à Dunkerque a présenté son retour d’expérience des plaintes de bruit de voisinage du point de vue de la police. Parmi les nombreux exemples donnés, l’arrêt municipal semble un outil efficace pour limiter les nuisances récurrentes, de même que la rédaction d’une charte municipale sur la vie nocturne et la création d’un conseil local du bruit.

Alain Delanoy, ingénieur conseil en acoustique et expert de justice a partagé ses nombreux retours d’expérience sur le type de plaintes de bruit de voisinage qu’il rencontre et les différentes manières de les traiter. C’est souvent le manque de communication des deux parties qui mène au blocage et au recours à la justice. Ces procédures peuvent être longues et coûteuses. 

Aussi, il est nécessaire d’aborder les conflits de voisinage avec la compétence acoustique, mais également la connaissance réglementaire et juridique, en ne négligeant pas l’aspect communication et les facteurs humains. Cette approche s’est matérialisée dans le travail du bureau d’étude "Acoustique360".

 

Méthodologie pour caractériser la gêne acoustique et vibratoire des ralentisseurs de vitesse

Philippe Dunez du Cerema a terminé la séquence par la présentation d’une méthodologie de caractérisation acoustique des ralentisseurs de vitesses. Ces dispositifs font l’objet de plus en plus de plaintes de riverains, liées au bruit et aux vibrations. 

De nombreux ralentisseurs se révèlent non conformes sur le plan géométrique et doivent donc être modifiés mais d’autres posent problème sur le plan acoustique. Il y a donc nécessité à établir un protocole de mesure spécifique à ces dispositifs et un indicateur qui traduise la gêne acoustique ressentie par les riverains. Ce travail est en cours sur différents types de ralentisseurs (coussins, plateaux, dos d’âne..) pour le compte de la Direction Générale des Infrastructures, des Transports et des Mobilités (DGITM).

Les présentations :