Cet article fait partie du dossier : Logement de demain, logement évolutif : vers de nouvelles possibilités de construire
Voir l'actualité liée à ce dossierLE LOGEMENT ÉVOLUTIF A FAIT SON APPARITION DANS LA LOI ELAN
La loi n°2018-1021 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ELAN, a introduit la notion de logement évolutif dans l’article L. 111-7-1 du Code de la Construction et de l’Habitation (CCH).
Ainsi, alors que 100 % des logements en rez-de-chaussée ou desservis par ascenseur doivent être accessibles pour les opérations dont le permis de construire a été déposé avant le 1er novembre 2019, à compter de cette date seuls 20 % des logements ont l’obligation d’être accessibles, les autres devant être évolutifs.
La loi ELAN donne cette définition d’un logement évolutif : "La conception des logements évolutifs doit permettre la redistribution des volumes pour garantir l’accessibilité ultérieure de l’unité de vie, à l’issue de travaux simple". (Article 64)
Le décret 2019-305 du 11 avril 2019, en modifiant le R. 111-5 du CCH pour rendre obligatoire l’installation d’un ascenseur dans les parties de bâtiment d’habitation comportant plus de deux étages de logement (R+3) et non plus trois (R+4), a en outre étendu le champ de logements.
Ce décret précise également, en modifiant le R. 111-19-2 du CCH, les obligations des logements évolutifs. Ces logements doivent respecter les caractéristiques de base de tous logements concernant la largeur des circulations, de la porte d’entrée et des portes intérieures et la repérabilité, la détectabilité et l’utilisation des dispositifs de commandes. Une personne en situation de handicap doit également pouvoir y accéder, se rendre dans le séjour et le cabinet d’aisances et en ressortir. Les aménagements et les équipements du séjour et du cabinet d’aisances sont accessibles. Les pièces de l’unité de vie (cuisine, chambre, séjour, cabinet d’aisance et salle d’eau) doivent pouvoir être rendues accessibles par des travaux simples, qui sont définis dans l’article 16 de l’arrêté du 24 décembre 2015, modifié par arrêté du 11 octobre 2019.
Ces travaux simples doivent :
être sans incidence sur les éléments de structure
ne pas nécessiter une intervention sur les chutes d’eau, sur les alimentations en fluide et sur les réseaux aérauliques situés à l’intérieur des gaines techniques appartenant aux parties communes du bâtiment
ne pas intégrer de modifications sur les canalisations d’alimentation en eau, d’évacuation d’eau et d’alimentation de gaz nécessitant une intervention sur les éléments de structure
ne pas porter sur les entrées d’air
ne pas conduire au déplacement du tableau électrique du logement
LE LOGEMENT ÉVOLUTIF, UN CONCEPT CONNU MAIS PEU EXPÉRIMENTÉ
Avant de faire son apparition dans la loi ELAN, le logement évolutif est une notion qui a émergé au début du 20e siècle et qui s’est théorisée après la seconde guerre mondiale avec les avancées technologiques des procédés de construction, l’apparition de la production de masse et la standardisation des logements. L’idée qui est toujours d’actualité, est que le logement peut évoluer pour s’adapter aux besoins de ses occupants.
Il existe plusieurs types d’évolution du logement :
L’aménagement interne du logement peut être modifié, on parle de modularité si l’aménagement est temporaire ou de flexibilité sur les changements sont plus durables ;
La taille du logement évolue en rajoutant ou supprimant une pièce, on parle alors d’élasticité ;
Au-delà des aspects techniques et des apports faits par les architectes et ingénieurs, la notion de logement évolutif est un moyen de mettre l’occupant au centre de la question du logement. L’idée est de rendre l’habitant acteur de son logement, en le faisant participer dès la phase conception et en lui offrant la possibilité de l’adapter et de le personnaliser en fonction de ses besoins pendant la phase d’occupation. Il est aujourd’hui difficile de caractériser l’impact que l’occupant peut avoir sur son habitat car les logements après livraison sont peu ou pas évalués.
Les opérateurs du logement social se sont souvent montrés entreprenants sur le sujet du logement évolutif, du fait de leur capacité à expérimenter non-soumise à une rentabilité immédiate et de leur possibilité d'accompagner les occupants. Les promoteurs et constructeurs privés sont également sources d’innovation et développent de nouvelles conceptions pour les logements de demain.
L’expérimentation du concept de logement évolutif, ou de tout autre concept de logement, rencontre des difficultés qui sont aujourd’hui des freins à la capitalisation et à la production de nouvelles formes d’habitat. Ces difficultés sont multiples :
Financières, qui soulèvent des questions sur la rentabilité des opérations pour les promoteurs mais également sur la charge financière pour l’occupant lors des travaux d’évolution du logement
Constructives, liées aux normes et aux pratiques figées, mais également à la programmation qui doit répondre aux mutations de la société et à la vie d’une construction sur le long terme
Administratives, juridiques et fiscales issues des règles d’urbanisme en vigueur. L’obligation de notifier l’affectation d’un bâtiment constitue un frein aux développement de projets réversibles
Liées au caractère locatif des logements qui pose la question de la pérennité du locataire et donc de la réticence à adapter et à personnaliser le logement
LE LOGEMENT ÉVOLUTIF POUR RÉPONDRE AUX MODES de vie DE MÉNAGES DU XXIE siècle
Le logement est le reflet du déroulement de la vie familiale. Or, depuis la Seconde Guerre mondiale, on observe un ensemble de mutations ayant des répercussions sur le logement : démographie, parcours de vie, structure des ménages français, pratiques en lien avec les nouvelles technologies…
Les nouveaux modes d’habiter qui transforment le logement
Les structures familiales ne cessent d'évoluer et génèrent une multiplication des étapes familiales : vie solitaire, en couple, séquence seul avec ou sans enfant et recomposition familiale ou familles monoparentales. Ces différentes étapes de vie transforment le parcours résidentiel classique des familles qui ont besoin de logements qui puissent s’adapter à cette nouvelle flexibilité des foyers.
Afin de réaliser des économies financières, des logements "partagés" font peu à peu leur apparition. Ce partage entre les habitants d’un même immeuble peut prendre différentes formes : colocation, cohabitation (familiale ou non), locaux et équipements communs (buanderie, lave-linge, jardin…), etc. Ces nouvelles façons d'habiter génèrent des économies d’espace en limitant la sous-occupation d’appartements de grande taille et en mutualisant l’utilisation d’équipements ou de locaux nécessaires mais peu utilisés par les habitants.
Le rapport de la population au monde professionnel évolue et le développement du travail à domicile compte parmi les mutations qui ont des conséquences directes sur l’habitat. Porté par la généralisation des outils numériques et un cadre réglementaire assoupli depuis septembre 2017, le télétravail est aujourd’hui pratiqué par 30% des salariés du privé. Il est pratiqué en moyenne 6,4 jours par mois et le domicile reste le lieu de prédilection des télétravailleurs (dans 90% des cas).
Un besoin d’adaptation pour favoriser le maintien à domicile
L’avancée en âge, même si elle n’est pas toujours synonyme de perte d’autonomie, impacte la façon de vivre dans son logement. En cohérence avec une politique nationale en faveur du maintien à domicile des personnes âgées, l’adaptation de celui-ci devient donc nécessaire pour répondre à des critères de confort et de sécurité. L’enjeu du logement évolutif est de répondre aux besoins des personnes âgées de manière non-stigmatisante en préservant la qualité de vie initiale.
Pour beaucoup de ménages l’adaptation du logement commence lors du passage à la retraite. Les jeunes retraités entreprennent des travaux : douche à l’italienne, volets roulants électriques, barre d’appui et banc dans la douche… dont l’objectif est d’améliorer le confort d’usage sans se rendre compte qu’ils réalisent également des travaux d’adaptation à leur avancée en âge.
L’adaptation du logement est un impératif pour les personnes présentant une déficience, qu’elle soit mentale, physique ou sensorielle. En effet, un logement ne peut répondre à la totalité des besoins spécifiques d’une personne ou d’un ménage dès sa livraison, le logement évolutif est donc peut-être une réponse au besoin des occupants d’avoir la possibilité d’adapter et de personnaliser leur logement avec des travaux simples (suivant la définition réglementaire). Le logement évolutif pourrait alors favoriser la continuité des parcours de vie de ces occupants à l’instar des formes d’habitat "alternatives" à la vie en domicile ordinaire et à l’hébergement médico-social.
QUELQUES DÉFINITIONS
L’évolutivité, en architecture, définit la capacité d’évolution ou de changement d'affectation d’un bâtiment dans l’objectif d’anticiper ces transformations dès sa conception. L’évolutivité d’un logement est sa capacité à s’adapter aux besoins et aux usages de ses occupants. Historiquement, deux méthodes de conception des logements évolutifs se distinguent : la flexibilité et l'élasticité.
La flexibilité permet la modification de l'organisation et de la distribution interne dans une dimension ou un espace fini, c'est-à-dire à l'échelle d'une cellule ou d'un appartement. Pour un appartement, cela consiste à la possibilité de modifier l’agencement, les dimensions et les fonctions des pièces sans en changer la surface globale.
L’élasticité offre la possibilité de modifier la surface de l'appartement par l'addition ou la soustraction des espaces de réserve, des annexes ou encore des pièces d'un appartement à un autre.
L’accessibilité caractérise un logement qui respecte les obligations du code de la construction et de l’habitation et qui permet à un habitant ou à un visiteur handicapé, avec la plus grande autonomie possible, de circuler, d'accéder aux locaux et équipements, d'utiliser les équipements, de se repérer et de communiquer. Les obligations réglementaires d’accessibilité ne peuvent répondre à tous les besoins particuliers propres à chaque individu. C’est pourquoi un logement accessible ne garantit pas systématiquement une adéquation avec tous les besoins de son occupant qui aura besoin d’adapter son logement.
L'adaptabilité désigne la capacité d’un bâtiment ou d'un logement à s’adapter à un nouveau contexte, aux évolutions des modes de vie, aux nouvelles situations des personnes, par anticipation ou tout au long de la vie. Un logement adapté répond aux capacités et aux besoins précis de son occupant, sans forcément respecter les obligations réglementaires d’accessibilité.
La réversibilité désigne la capacité programmée d’un bâtiment à changer facilement de destination grâce à une conception qui permet, par anticipation, de minimiser l’ampleur et le coût des adaptations nécessaires à son changement d'affectation ou d'usage. La réversibilité peut être constructive, fonctionnelle globale, matérielle, de l'espace et est présentée comme un « remède » à la réhabilitation.
L’hybridation est un concept de plus en plus exploré par les architectes qui consiste à mixer différents usages ou besoins au sein d'un même bâtiment. Cette hybridation du bâtiment est généralement issue d’une programmation plurifonctionnelle au sein d’un même bâtiment dont l'objectif est de fédérer logements, bureaux et activités. Pour certains architectes, l'hybridation des bâtiments est considérée comme le stade ultime du bâtiment réversible.