15 janvier 2019
capture d'écran d'une des vidéos présentées dans l'article
A l'occasion de la 14e journée nationale "Ville accessible à tous" du Cerema, trois interviews d'intervenants ont été filmées. Retrouvez ici le texte de ces interviews ainsi que les vidéos, traduites en Langue des signes française (LSF).

LES Objectifs de la journée

Marion Ailloud et Laurent Saby, pilotes du programme "Ville accessible à tous " (VAT) du Cerema, présentent les objectifs de cette journée.

 

Cette journée est la 14ème journée d’échanges nationales "Ville Accessible à Tous". Quel en est l’objectif ?

Marion AILLOUD : Ces journées "Ville accessible à tous" sont en fait destinées à permettre des temps d’échanges entre les collectivités et les services de l’État, les professionnels et les usagers autour du thème de l’accessibilité avec l’objectif de diffuser les bonnes pratiques en la matière. Cela peut concerner l’accessibilité des bâtiments, l’accessibilité de la voirie ou bien des transports ou encore l’accessibilité de l’espace public. On est bien dans cette logique de diffuser des bonnes pratiques.

Quelles sont les principales informations que vous souhaitez partager à l’occasion de cette journée ?

Laurent SABY : La principale des choses, dans un premier temps, c’était de donner quelques éléments de compréhension sur ce qu’est la déficience auditive et les besoins d’accessibilité, des personnes sourdes d’une part, et malentendantes de l’autre. Souvent on met les deux ensemble mais ces deux types de population ont des besoins différents, même si certains sont communs. Il faut donc donner des éléments à tous les gens qui mettent en œuvre l’accessibilité, que ce soit les services de l’État, les collectivités ou les professionnels de l’acte de construire la ville, pour comprendre ce qu’est cette déficience, quels sont les besoins spécifiques et quelles sont les pistes de solutions qui existent.

durée de la vidéo: 01:53

Marion Ailloud et Laurent Saby, pilotes du programme "Ville accessible à tous " (VAT) du Cerema, présentent les objectifs de cette journée.

Les difficultés liées aux déficiences auditives

René BRUNEAU, Président du Mouvement Des Sourds de France et Vice-président de l’Union pour l'insertion sociale des Déficients auditifs (Unisda), évoque les difficultés que rencontrent les personnes sourdes et mal-entendantes dans leur quotidien.

 

Quelle est la différence entre sourds et malentendants ?

La différence entre sourds et malentendants c’est que, même avec une prothèse auditive de la meilleure qualité, les sourds n’entendront pas parce que leur oreille interne ne transmet pas les sons à leur cerveau. Alors que les malentendants peuvent être appareillés, ce qui amplifie les sons et leur permet éventuellement de mieux comprendre une conversation ou d’entendre des bruits.

 

Quels sont les problèmes rencontrés par les sourds dans les bâtiments ? Quelles solutions existent ?

Vous avez beaucoup d’anciens immeubles qui ont des portiers (interphones, ndlr), puisque la sécurité veut que maintenant on mette des portiers à toutes les portes d’immeuble. Et donc, la personne sourde qui veut rendre visite à une personne, même éventuellement à un médecin en étage, comment fait-elle ? Il faut qu’elle appuie sur le bouton, forcément la secrétaire du médecin répond « oui » et demande « vous êtes qui ? ». La personne sourde ne répondra pas puisqu’elle n’entend pas ce qui est dit. Alors que s’il y avait une vidéo, à ce moment-là elle pourrait très bien voir si c’est un client, le reconnaître par la vidéo et lui ouvrir la porte . Bien sur dans les immeubles neufs ça devient obligatoire mais dans les immeubles anciens, même rénovés, beaucoup oublient la caméra.
Le problème aussi, c’est dans l’administration ou dans les hôpitaux, les services publics. Par exemple, un malade qui rend visite à son chirurgien pour qu'il lui explique que l’opération va bien se passer, de telle et telle manière. Le sourd, s’il n’y a pas un interprète à côté de lui, ne va rien comprendre de ce que lui dit le chirurgien. Il en est de même dans un commissariat de police lorsque la police convoque une personne sourde, ne sachant pas qu’elle est sourde : s’il n’y a pas d’interprète, il n’y a pas possibilité de l’interroger. Il n’y a pas non plus possibilité de déposer plainte, puisque l’officier de police pose des questions. Il y a donc exclusion, de fait, par manque d’interprète.

 

Quels problèmes rencontrent les sourds sur la voirie, en tant que piétons ou conducteurs ? Quels aménagements existent ?

Les aménagements spécifiques pour les sourds, il n’y en a pas. Il y a quelques années on a inventé le code le la rue. Ça veut dire que certaines rues pourraient être piétonnes, et tant mieux, que certaines rues autoriseraient la circulation des vélos à contre-sens, c’est très bien, sauf que les personnes sourdes n’ont que le champ visuel comme perception. Ce qui est devant, elles le voient ; ce qui est derrière, elles ne le voient pas et, en plus, elle ne l’entendent pas. Alors un cycliste qui arrive derrière, avec sa petite sonnette, bien gentiment sonne, sonne, sonne... La personne sourde ne l’entend pas et c’est là qu’il y a des accidents. C’est déjà arrivé qu’il y ait des accidents comme ça. Donc il faut faire très attention, les moyens sonores d’avertissement ne sont pas du tout adaptés pour les personnes sourdes.

Il y a des progrès qui sont faits. Maintenant la police comme les pompiers ont des voyants lumineux sur le devant de leurs véhicules qui permettent à la personne sourde qui regarde dans son rétroviseur d’être alertée et de se ranger. Mais à distance elle n’entend pas et ce n’est qu’à distance rapprochée qu’elle peut voir. Mais il y a effectivement un progrès car avant il n’y avait que le gyrophare sur le toit que l’on ne voit pas aussi bien, contrairement aux lumières bleues devant qui signalent bien.

 

Comment améliorer la citoyenneté des personnes sourdes ?

C’est un point assez difficile à faire admettre : chaque fois que la personne sourde souhaite aller à un conseil municipal ou à une réunion publique, organisée par le maire ou tel service de sa ville, elle ne peut pas y assister car il n’y a pas d’interprète et il n’y a pas la volonté systématique. Même, éventuellement, quand la personne sourde souhaiterait qu’il y ait un interprète en Langue des signes, elle ne sait pas à qui s’adresser et il y a une exclusion de fait de la personne sourde de la vie locale, de la vie politique, de la vie associative éventuellement.

C’est un point noir que nous avons actuellement à traiter. Chacun sait qu’il y a des problèmes de crédits et il n’y pas suffisamment d’argent pour payer un ou plusieurs interprètes selon la durée de la réunion. Et les sourds sont exclus de fait.

durée de la vidéo: 05:04

Interview de René Bruneau, président du Mouvement des Sourds de France, sur la question de l'inclusion des personnes sourdes et malentendantes

DES Pistes de solutions

Maxime ARCAL, de la Direction des Solidarités et de la Cohésion Sociale de la ville de Toulouse, présente des pistes de solutions mises en œuvre par sa collectivité.

 

Pourquoi la ville de Toulouse est-elle plus sensibilisée que d’autres au sujet de la surdité ?

Tout simplement parce qu’il y a à peu près vingt ans, nous avons eu un maire d’une commune près de Toulouse qui a eu l’idée de proposer des formations depuis l’école jusqu’au lycée en Langue des signes et en Français. Donc beaucoup de familles y ont vu l’opportunité pour leurs enfants  d'accéder au baccalauréat. Ensuite, la ville de Toulouse a développé également ce cursus au niveau des universités, ce qui fait que nous sommes devenus la première ville de France à permettre à des enfants sourds de suivre à l’école un cursus bilingue Français / Langue des signes, de l’école maternelle jusqu'à l’université. Donc on a eu un grand afflux de parents et de familles qui sont venus à Toulouse. Aujourd’hui ça se développe sur Nantes, sur Poitiers, et sur Chambéry par exemple, mais Toulouse a été la première ville de France, finalement, à proposer ces cours.

 

Quels sont les projets menés à Toulouse pour répondre aux besoins de cette communauté sourde ?

Il y a beaucoup de progrès au niveau du matériel qui est mis à disposition, avec effectivement une grande sensibilisation puisque Toulouse est reconnue comme étant la ville des sourds par excellence au niveau national et même en Europe. Donc aujourd’hui, en fait, on travaille avec eux pour essayer de développer de nouveaux projets. Il y a par exemple un projet qui s’appelle « Sign’agora » qui permettrait aux personnes sourdes d’avoir des références, des documents en LSF et également de trouver un travail en bilingue. Ensuite on a tout ce qui est matériel pour l’accueil, ce que l’on appelle le « Kit auditif d’accueil », pour permettre d’accueillir les personnes malentendantes et sourdes dans les mêmes conditions que les personnes entendantes (dans les Établissements recevant du public, ndlr).

On a également, au niveau proportion, le plus grand nombre de traducteurs en LSF qui est à Toulouse. On a vingt-cinq pour cent de traducteurs en LSF au niveau national qui se trouvent à Toulouse avec la société Interpretis. Ensuite on a également beaucoup de sociétés qui ont développé des systèmes, dont Elioz pour la traduction par caméra  : il y a un traducteur qui traduit quand je vous parle, pour vous, en LSF. Donc, en fait, on a une personne interposée qui fait la traduction. Vous avez également le conseil municipal qui est traduit en LSF, ce qui est quand même important, pour la population sourde, d’avoir la même information que la population entendante. Et ensuite on développe également l’accueil, avec de plus en plus de personnels qui commencent à apprendre la LSF pour accueillir les personnes sourdes. Dans notre service nous avons un collègue sourd, qui a un implant cochléaire, ce qui lui permet de faire la passerelle entre le monde des sourds et le monde des entendants.

 

Y a-t-il d’autres innovations en matière d’accessibilité des bâtiments ou des transports en commun ?

Sur la voie publique, nous ne sommes pas trop habilités puisque nous avons des collègues qui travaillent sur la voirie. Par contre, au niveau des bâtiments, on essaie justement de faire des formations en LSF pour l’accueil de tous les publics. On a également, un réseau de transport en commun, qui a mis en place une signalétique, reconnue au niveau national, qui permet à tous les types de handicaps et notamment aux personnes sourdes de pouvoir se repérer à l’aide de pictogrammes. Ces pictogrammes leur permettent aujourd’hui de se repérer sans avoir forcément à lire. C’est très intéressant et je pense une évolution qui va leur permettre à l’avenir de se déplacer plus facilement.

 

Quels sont les retours des personnes sourdes ? Y-a-t-il un sentiment d’inclusion plus important ?

Pour l’inclusion, oui. Par exemple, pour les groupes de travail qui sont réguliers, nous avons des traducteurs en LSF qui viennent chaque fois que nous avons une personne sourde, qui peut ainsi justement exprimer ce qu’elle ressent. Dernièrement nous avons eu la Déléguée ministérielle à l’accessibilité qui est venue et dans le public nous avions une personne sourde qui a pu s’exprimer et donc évoquer aussi les problématiques que vivent les sourds au quotidien. A savoir qu’ils doivent s’adapter à une société qui est inadaptée pour eux alors que ça devrait être à la société, justement, de faire des efforts pour l’inclusion des personnes sourdes.

durée de la vidéo: 04:43

Maxime ARCAL, de la Direction des Solidarités et de la Cohésion Sociale à Toulouse, présente des pistes de solutions développées à Toulouse

Dans le dossier Journées d'échanges annuelles "Ville accessible à tous"

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