26 octobre 2018
Atelier MUSE pour les chambres d'agriculture
Le 21 septembre 2018, le Cerema et la chambre d’agriculture de l’Indre ont organisé un atelier à destination des chambres d’agriculture (régionales et départementales), afin de réaliser un état des lieux de leurs pratiques d’intégration de critères de qualité des sols dans les documents d’urbanisme. Ce travail a été conduit dans le cadre d’un projet de recherche financé par l’Ademe et le Ministère de la cohésion des territoires.

Dans le cadre du projet MUSE, un large panel d’acteur est interrogé afin de réaliser un état de l’art de la prise en compte des sols dans les documents d’urbanisme. Cela a conduit les partenCarte des chambres d'agriculture ayant répondu à l'enquête en ligneaires du projet à organiser le 21 septembre dernier un premier atelier à destination des chambres d’agriculture via leur assemblée permanente (APCA).  Cet atelier arrive en complément d’une enquête en ligne lancée en mai-juin 2018, qui a déjà permis d’obtenir des premières pistes d’analyse des pratiques existantes.

La protection des sols et des sous-sols, pas de politique publique dédiée

Les études récentes ne cessent de démontrer que la consommation excessive, des terres agricoles, naturelles et forestières est un enjeu d’actualité pour le territoire français. Le plan biodiversité fixe l’objectif de 0 artificialisation nette.

Cependant, si la préservation des ressources naturelles ou encore du potentiel agronomique des sols ont été intégrés au code de l’urbanisme, les sols sont encore souvent appréhendés par le biais de contraintes réglementaires sectorielles dans les documents de planification.

Les zones humides, la biodiversité, les risques, notamment, sont des sujets opposables aux documents d’urbanisme et sont traités prioritairement et indépendamment par les collectivités ; ceci, au détriment d’une approche plus globale axée sur les caractéristiques des sols et leurs fonctions croisées avec les contraintes et enjeux du territoire, qui permettrait d’optimiser l’adéquation entre les caractéristiques des sols et leur usage.

 

Pour les chambres d’agriculture, un positionnement entre bureau d’études et Personne Publique Associée

Les témoignages des chambres d’agriculture lors de cette journée ont pu montrer un double-positionnement :

  • en tant que chambre consulaire, elles sont consultées pour avis sur le volet agricole des démarches de planification urbaine, d’urbanisme opérationnel et dans les dossiers d’études d’impact.
  • certaines réalisent également des diagnostics agricoles à intégrer au diagnostic territorial, à l’échelle des PLU, PLUi et SCoT. Elles ont alors un rôle de bureau d’études auprès des collectivités.

Elles peuvent, par ailleurs, alimenter des Porter à Connaissance pour les Directions Départementales des Territoires (DDT).

De par leur positionnement, les chambres d’agriculture sont focalisées sur les sols agricoles et leur valeur agronomique ; elles sont détentrices de données nécessaires à la connaissance des sols. Actuellement certaines tendent vers une vision plus globale dans l’appréhension des enjeux liés aux sols.

Les sols : une approche territoriale complexe- des enjeux multiples et parfois contradictoires

En matière d’urbanisme, quelles sont les problématiques rencontrées ? Quelle perception du sol (patrimoine, enjeux, risques, opportunité…) par les acteurs ?

Les témoignages des chambres d’agricultures mettent en avant les points suivants :

  • Leur association est loin d’être systématique lors de l’élaboration des documents d’urbanisme,
  • Elles sont le plus souvent consultées pour des diagnostics agricoles mais peuvent également être mobilisées sur des projets plus opérationnels - Etudes d’impacts de projets urbains, d’infrastructures linéaires sur l’agriculture…

Certaines privilégient une approche plus globale même si cette approche ne correspond pas totalement aux attentes des élus.

Il apparaît clairement pour les chambres d’agriculture un manque d’appropriation des aménités du sol par les décideurs : celui-ci est trop souvent perçu comme support de développement, avec un sentiment de « foncier illimité », surtout en milieu peu dense et peu tendu.

 « La perception est variable selon les collectivités, mais dans l’ensemble, en matière d’urbanisme le sol est souvent appréhendé à travers les possibilités de développement qu’il peut offrir à la collectivité. Ce sont souvent les notions d’opportunité, d’enjeux et de risques qui sont prises en compte. »

Un manque de compétences techniques pour choisir un autre modèle de développement est également énoncé.

L’« apport de la connaissance de la multi-fonctionnalités des sols dans l'élaboration d'un zonage de territoire, permettrait une meilleure sensibilisation des décideurs sur l’intérêt d’opérer une gestion économe du foncier, voire une préservation de certains espaces agricoles dont la valeur agronomique est exceptionnelle ». « A l’heure actuelle, aucune approche unique et exclusive n’est proposée aux maîtres d’ouvrage pour prendre en compte cette multifonctionnalité ».

Données, échelle et méthodes variées pour fournir un diagnostic agricole

Sur la base des questionnaires recueillis auprès de 25 chambres d’agriculture, ainsi que des témoignages des 5 chambres présentes à l’atelier, une réflexion a été menée en sous-groupes.

L’un portait sur les données et méthodes pour prendre en compte les sols dans les PLU(i) et soulevait notamment les questions suivantes : Utilisez-vous des données sols (lesquelles, sous quelles formes, échelle de résolution…) ? Les données sols vous donnent-t-elles satisfaction ? rencontrez-vous des difficultés ? Comment passer d’un diagnostic agricole à un diagnostic « Sol » ?

Si une donnée à l’échelle 1/250 000 (Référentiel Régional Pédologique) est disponible sur l’ensemble du territoire français, l’enquête en ligne laissait paraître que les données disponibles ne sont pas systématiquement connues et peu utilisées. Des données plus fines jusqu’au 1/30 000 sont parfois disponibles, ces données étant essentiellement utilisées pour faire des diagnostics agricoles.

Les principaux freins évoqués dans l’enquête en ligne sont :

  • la complexité et le foisonnement des données
  • la méconnaissance des données en milieu urbain
Carte d'aptitude agronomique des sols du Vaucluse
Carte d'aptitude agronomique des sols dans le Vaucluse - source :  SCoT du Bassin de vie d'Avignon

Les personnes présentes à l’atelier ont une bonne connaissance des données à leur disposition, même si les échanges font apparaître des pratiques hétérogènes en fonction des données disponibles sur les territoires et des besoins (de 1/250 000 à 1/20 000).

Plusieurs CA réalisent des cartes d’aptitudes des sols à la valorisation agronomique à partir de cartes pédologiques croisées avec les pentes et certaines interventions anthropiques (irrigation notamment). Une chambre d’agriculture, par exemple, indique réaliser ces cartes "à l’échelle 1/20 000 ème avec une précision au 1/100 000 ème. C’est une précision suffisante pour travailler à l’échelle départementale, intercommunale et communale. Ces cartes sont complétées par des mesures pour passer à l’échelle infracommunale (échelle du projet ZAC, carrières…)."

 

D’autres chambres d’agriculture mettent en avant les difficultés liées à un manque de précision de ces données pour correspondre aux demandes exprimées par les collectivités (jusqu’à la caractérisation à la parcelle).

C’est le cas d’une autre chambre qui dispose d’un référentiel pédologique au 1:250 000, d’études de sols éparses, d’analyses de sols, et de la connaissance des territoires par les conseillers de secteur. Ces données ont été valorisées de façon très synthétique dans une carte des potentialités agronomiques des sols.

« ...Les données sols ne sont pas suffisamment précises pour être exploitable à l’échelle de documents de planification et notamment de plans locaux d’urbanisme. Les analyses, fosses pédologiques, ne sont pas assez nombreuses et ne « maillent » pas les territoires étudiés et notamment ceux à enjeux d’urbanisation. ... » 

La crainte d’une mauvaise utilisation de ces cartes est également remontée. Une chambre d’agriculture a reçu la demande d’identifier les terres présentant une excellente qualité agronomique. Sur un territoire dédié à l’élevage, et à la polyculture elle s’inquiète que cette cartographie ne permette pas de protéger de nombreux sols, intéressants sur d’autres critères que la qualité agronomique et indispensables au devenir des exploitations ;

 

Pour conclure...

 

Même si les chambres d’agricultures traitent des sols essentiellement à travers leur qualité agronomique, plusieurs font remonter la nécessité d’une approche plus globale. D’autres critères sont également à intégrer dans le choix de parcelles agricoles à préserver tels que l’irrigation, les AOC, certains types de cultures à haute valeur ajoutée, etc.

Des besoins différents apparaissent pour le milieu urbain et le périurbain/rural. La préservation de certaines parcelles agricoles en milieu urbain n’apparaît pas pertinent pour certaines chambres d’agriculture car  représentent trop de contraintes d’exploitation en lien avec le risque sanitaire notamment. À l’inverse, des demandes émergent avec le développement de l’agriculture urbaine.

La préservation des sols sur le seul critère de leur valeur agronomique, comme sur des critères de préservation d’espaces naturels de haute qualité (zones humides par exemple) est, pour ces acteurs, insatisfaisante. La question des arbitrages dans les démarches d’urbanisme est essentielle :

  • globalement, pour la préservation de l’activité agricole face aux autres activités économiques,
  • ou pour la préservation de parcelles à enjeux agronomiques ou environnementaux sur les territoires.

La journée fait apparaître le besoin de méthodologies permettant d’orienter ces arbitrages en faveur d’un aménagement durable.


 

 

Vos contacts

Au Cerema :

 Fabienne Marseille et Laëtitia Boithias (Territoires et Ville), Philippe Branchu (Ile de France)

A la chambre d'agriculture de l'Indre :

Joël Moulin