3 mai 2018
Infographie de smart city
Freepiks
Le Cerema a commandé à l’Ecole des ponts ParisTech un rapport sur les usages de l’internet des objets dans des collectivités françaises. L’étude propose un état des lieux des usages et des technologies, analyse les premiers retours d’expériences et formule des préconisations pour bien démarrer un projet. Cette étude sera présentée lors du colloque TRIP Avicca [1] , les 29 et 30 mai 2018.

L’Internet des objets, pour quoi faire, et comment faire ?

L’Internet des objets (IoT pour « internet of things »), pour les collectivités, c’est d’abord un moyen d’améliorer la qualité de certains services. De nombreuses infrastructures sont aujourd’hui basées sur des réseaux de capteurs qui donnent de l’information utile à la gestion des services, comme le salage des routes, la mobilité, la qualité de l’air, le ramassage des ordures ménagères et bien d’autres applications. Ces infrastructures connectées sont un élément-clé dans le développement des villes intelligentes.

L’IoT est cependant un sujet complexe qui se pose aux collectivités : quand utiliser de l’IoT et dans quel but ? Comment valoriser les données déjà existantes avant d’instrumenter plus encore ? Cela peut-il répondre à des besoins stratégiques comme de réaliser des économies de fonctionnement, d’informer sa population de la qualité des ressources vitales, ou d’aider à avoir une connaissance plus fine de son territoire et des effets des décisions d’aménagement ? Si la collectivité décide de s’engager dans cette voie, comment adapter sa structure de gouvernance en interne ? Comment gérer la relation avec le secteur privé - souvent associé en consortium, du fait de la complexité et de la diversité intrinsèque du domaine - et contractualiser au moindre risque sur des projets encore innovants et loin d’être tous au stade industriel ?

Cette étude propose un processus de décision pour développer des projets d’Internet des objets.

 

Les différentes faces d’un projet d’IoT

L’étude a permis d'interroger 15 collectivités de différentes tailles, 1 établissement public d’aménagement, 7 entreprises, l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (Ifsttar) et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep). Elle comporte plusieurs volets.

Les usages de l’Internet des Objets

  • Infographie smart city
    Freepik - CCO
    Economies de fonctionnement : le fonctionnement des bâtiments, le stationnement, l’éclairage intelligent, la télé surveillance pour le contrôle des incivilités, la collecte des déchets, peuvent être optimisés grâce à la connectivité. L’étude explique différents projets menés dans des collectivités, leur contexte et le retour sur investissement espéré.
  • Aide à la décision et évaluation des politiques : les collectivités interrogées ont eu recours à l’IoT pour l’information des citoyens sur la qualité de l’air, aussi bien à l’intérieur des bâtiments qu’à l’extérieur, pour l’évaluation des nuisances sonores, pour l’économie de la ressource en eau, ou encore pour l’évaluation et la régulation du trafic routier.
  • Service aux citoyens : ce volet de l’IoT est encore peu développé. Les plateformes d’open data sont un des outils qui permettent d’améliorer l’information à destination des usagers, mais les données sont souvent brutes et peu adaptées à l’utilisation par les habitants.
  • Les smarts grids : les smarts grids sont des réseaux « intelligents », qui permettent d’optimiser la production, la distribution et la consommation pour adapter l’offre à la demande d’électricité. Ces réseaux peuvent s’appliquer à des bâtiments ou des infrastructures.
  • Les infrastructures intelligentes pour le véhicule autonome : La route de 5e génération doit intégrer la circulation de véhicules autonomes, via une instrumentation adéquate, qui permet d’analyser les données émises et reçues par les véhicules et les infrastructures en temps réel.
     

Les technologies

Smart city La seconde partie du rapport détaille les technologies qui permettent de faire communiquer les objets de la ville. Il précise comment est structurée l’architecture d’un réseau IoT et explique les variantes, en fonction des besoins. Selon le besoin en termes de calculs et de distribution de l’information, le fonctionnement du réseau sera différent : cloud computing, edge computing, fog computing.

Les aspects connectiques sont aussi abordés : quelle connectivité et que type de réseau choisir en fonction du besoin ? L’étude revient sur la fibre optique, la technologie cellulaire, le LPWAN, le Wifi, NFC, RFID ou encore le réseau 5G.

Enfin, l’étude évoque le choix des capteurs en amont des projets, le choix de leur positionnement, mais aussi la nécessité d’anticiper les contraintes liées à leur installation. Il aborde aussi les questions de l’interopérabilité des objets connectés et de la sécurité de ces objets, des réseaux et des données.

 

Les acteurs

Dans sa troisième partie, l‘étude dresse un état des lieux des acteurs impliqués dans l’internet des objets. Les rôles des acteurs publics, essentiellement les collectivités, et des citoyens qui sont les usagers finaux, sont mentionnés, ainsi que les différents acteurs privés qui peuvent intervenir :

  • Acteurs des terminaux, ceux qui construisent les objets connectés, grandes entreprises comme start-ups. La volonté d’une collectivité de mettre en accès libre des données favorise la création d’un écosystème local de l’IoT, comme c’est le cas à Angers.
  • Acteurs des réseaux, c’est-à-dire les opérateurs de télécommunications, qui proposent des offres diverses en matière de connectivité.
  • Acteurs des plateformes de remontées de données : certains opérateurs se positionnent sur les plateformes logicielles agrégatrices. IBM, par exemple, est un acteur majeur qui se positionne notamment sur la sécurité des villes à partir de l’analyse des flux de vidéosurveillance en temps réel, et l’agrégation d’autres données.
  • Acteurs de l’analyse de données et fournisseurs de services.
  • Acteurs privés intégrateurs, qui sont actifs sur la totalité de la chaine de données. Ces acteurs installent les systèmes et les capteurs et exploitent les données.

 

Retours d’expériences et bonnes pratiques

Infographie internet of things
Freepik - CCO

L’étude s’achève par le bilan des entretiens réalisés auprès de personnes ressources dans des collectivités, afin d’en tirer les retours d’expériences et bonnes pratiques. Pour mener ces entretiens, 12 projets impliquant des objets connectés ont été identifiés afin d’établir une analyse croisée pour mettre en exergue les points d’attention et les facteurs de succès des projets d’IoT.

L’étude précise, d’après ces retours d’expériences, quelles stratégies sont à l’origine des projets IoT, comment sont identifiés et définis les besoins, et quelles solutions techniques en découlent. La gouvernance, d’après les retours d’expériences, est souvent une organisation mixte entre le fonctionnement en silos spécialisés par métiers et un fonctionnement plus transversal.

L’implication des collectivités et de leurs services dans le développement de l’IoT est identifié comme un facteur de réussite de ces projets.

En matière de contractualisation, l’étude explique la procédure de marchés publics et la place qui peut être laissée à l’innovation, à travers différentes solutions juridiques :

  • Accord de R& D et de recherche, pour favoriser l’expérimentation, mais sans possibilité de poursuite du projet.
  • Le partenariat d’innovation, qui permet de contractualiser à la fois la recherche et le développement d’un produit, ainsi que son acquisition finale pour la collectivité.
  • L’appel à projet.
  • Autres accords moins formels : contrats inférieurs au seuil des marchés publics, convention d’occupation du domaine public, « gentleman agreement ».

Pour la phase d’industrialisation, les collectivités ont opté pour d’autres formes de contractualisation :

  • Les marchés de Conception Réalisation Exploitation Maintenance
  • Le Contrat de Performance Energétique
  • Les délégations de service public et les concessions

L’étude énonce enfin plusieurs points de vigilance, notamment sur les modèles économiques, qu’ils soient classiques ou plus spécifiques, comme l’économie servicielle. D’autres pistes, comme la possibilité d’adapter les tarifications en temps réel, par exemple dans le domaine de l’énergie, ou la valorisation des données, sont évoquées. Car la donnée produite par les collectivités a de la valeur, non seulement pour la collectivité, qui peut améliorer ses services, mais aussi pour le secteur privé.  Certaines collectivités recrutent d’ailleurs des « data analysts » pour analyser et optimiser les données récoltées.

 

En conclusion, l’étude rappelle que l’internet des objets doit être un moyen pour avancer vers des villes plus intelligentes et durables, et non une fin en soi. Une réelle gouvernance doit être organisée par les politiques et l’administration avec tous les acteurs importants (entreprises, recherche, administration, politique) pour apporter une réelle transversalité à la politique d’IoT et que celle-ci soit accompagnée d’un vrai succès.

Une construction des projets en bonne intelligence entre les acteurs publics, privés et académiques est nécessaire. Il s’agit ici de trouver le juste équilibre pour éviter le risque de privatisation de la ville, et faire en sorte que l’internet des objets soit créateur de valeur pour tous les acteurs.

Enfin, la politique IoT de la Smart City doit garder au cœur de ses préoccupations le citoyen, qui est nécessairement impacté par l’internet des objets en ville, plus ou moins directement selon les cas d’usages. Développer l’implication du citoyen dans la conception des projets, sensibiliser sur l’utilisation des données, sur les bénéfices sont des éléments clés pour la réussite de ces projets.

Cette étude sera présentée par le Cerema le 30 mai de 11 h 15 à 12 h 30 lors d'une table ronde intitulée "Territoires intelligents : regards croisés sur les projets", au TRIP AVICCA à l'Institut Pasteur à Paris.


[1] Association des Villes et Collectivités pour les Communications électroniques et l'Audiovisuel. Le colloque se tiendra à Paris.