30 juillet 2024
Chantier de terre crue et chanvre
En écoquartier comme en renouvellement urbain, les matériaux bas carbone, matériaux biosourcés comme la paille ou le chanvre et matériaux géosourcés comme la terre crue intègrent les projets tant en construction neuve qu'en réhabilitation. D'un autre côté, les usages se diversifient également, logements collectifs, équipement culturel, bâtiment scolaire.
Pour découvrir toute cette diversité, le Cerema a organisé le mardi 25 juin 2024, une balade urbaine sur la presqu'île entre Guérande et Saint-Nazaire pour visiter trois sites exemplaires.
Cette journée s'est tenue dans le cadre de l'animation du Réseau Régional Filières Vertes pour le Bâtiment en Pays de la Loire co-animé par la DREAL et le Cerema.

En introduction, les co-animatrices du réseau réseau "Filières Vertes pour le Bâtiment", Céline LEMASSON du Cerema et Sara ANGOTTI de la DREAL ont présenté l'actualité du réseau et la publication, sur le site du Cerema, du guide :Assurabilité biosourcé
Assurabilité de matériaux de construction bas-carbone - Point d’étape sur trois matériaux biosourcés : paille, chanvre, bois et sur la terre crue
Ce recueil se penche sur 4 thèmes :

  • le contexte normatif et assurantiel des matériaux de construction en France ;
  • l'assurance construction ;
  • un point d'étape sur le corpus normatif de 4 filières : paille, chanvre, bois et sur la terre crue ;
  • le point de vue du contrôleur technique vis-à-vis des biosourcés et de la technique non-courante.

Le recueil fait le point sur la cadre normatif en cours. Des exemples sont donnés de ce qui peut être construit ou rénové dans le cadre d'une technique courante (type d'ERP, hauteur de bâtiment...). Il présente également les travaux en cours réalisés par les filières pour faire évoluer ce cadre normatif.

Ce guide est consultable et téléchargeable sur le site du Cerema.

 

Cette journée s'est déroulée en plusieurs séquences.

 

Site de l'écoquartier Maisonneuve à Guérande

Le projet de la ZAC a été initié en 2007-2008 et les dernières livraisons sont attendues vers 2030, pour aménager une trentaine d'hectares ( dont 8 ha de végétaux conservés) et produire 680 logements.

Corentin MOURAUD du CTA devant un abri vélo réalisé en bauge - ©-Cerema

Dans cet écoquartier porté par la ville de Guérande avec son aménageur LAD, l'une des voies pour atteindre les ambitions bas-carbone du projet est de bâtir le quartier en ayant recours à la terre du site, la terre issue des excavations, afin de l'utilisée en terre-crue au sein des logements ou pour bâtir des équipements. A partir de 2016,  le Collectif des Terreux Armoricains et l'aménageur ont collaboré pour faire des analyses de terre en laboratoire afin de comprendre leur potentiel de réemploi dans le domaine de la construction et de valider les techniques possibles. 

Corentin MOURAUD de la SCOP L'Aronde et membre du Collectif explique que sur le quartier, hormis le Pisé et les BTC (Briques de terre comprimée), toutes les techniques, adobe, bauge... peuvent être utilisées. Corentin MOURAUD a rappelé l'existence des guides de bonnes pratiques pour les différentes mise en œuvre de la terre : bauge, pisé, BTC, enduits, torchis, terre allégée

Ces guides qui retracent ces techniques sont des documents de référence qui permettent aux acteurs de disposer d’un corpus technique favorisant les échanges entre eux et l’assurabilité de leurs réalisations comportant de la terre crue.

Selon les différentes phases de l'aménagement du quartier, les lots ont été soumis, via les cahiers des charges de l'aménageur, à des règles toujours plus ambitieuses, depuis les préconisations pour l'utilisation de la terre crue en structure ou en remplissage de cloison, pour aller jusqu’à une prescription du recours à ce matériau avec des seuils à atteindre : 4m3 par logement en habitat collectif et 2m3 pour les terrains à bâtir. En référence, 2m3 de terre crue correspond au remplissage d'une cloison de 5m².

Afin de faciliter le travail de ce matériau et d'en faire diminuer les coûts de main d’œuvre, l'aménageur et le Collectif des Terreux Armoricains ont été lauréats d'un AMI régional pour bâtir une "Fabrique". Ce lieu qui prendra place d'ici la fin d'année 2024 sur le site de la dernière tranche de la ZAC sera un lieu de mutualisation des savoir-faire qui va permettre à la filière de se développer en formant de nouveaux artisans et en faisant de l'animation.

Au cœur de ce quartier de Maisonneuve Laura HAMON chargée d'opérations chez le bailleur social CISN nous a accueilli pour une visite de l'immeuble de logements Kenkiz. La résidence Kenkiz, livrée depuis le 6 juin 2023, propose 29 logements collectifs (dont 15 destinés aux seniors), 2 pavillons et une salle commune repartis sur 3 bâtiments. Cette dernière a été aménagée avec l'appui du CCAS de Guérande qui a organisé, avec les futurs résidents, des ateliers d’intelligence collective afin de définir la manière dont ce lieu serait animé. Des petits jardins partagés au cœur de la résidence sont à disposition des habitants.

BTC
Mur de briques de terre crue - ©-Cerema

Les bâtiments sont construits en structure mixte bois-béton, avec des façades rapportées en ossature bois et des isolants biosourcés (laine lin-chanvre). Sur ce chantier, le matériau terre a été exploité sous diverses formes afin de donner à voir l'étendue des possibles : murs maçonnés en briques de terre crue, cloisonnements en torchis et enduits décoratifs en intérieur dans les parties communes et la salle commune. Pour ce faire un chantier de formation d'un mois a été encadré par une association "De la matière à l'ouvrage". Ce sont environ 5m3 de terre qui ont été réemployés sur la résidence Kenkiz.

Coût de construction
3 084 700 € HT soit 1677 € HT/m2 Shab (hors VRD et EV)

Le statut d'EcoProjet dans la démarche EcoQuartier

Juliette MAITRE du Cerema a profité de cette visite pour présenter le statut d'«ÉcoProjet» dans la démarche ÉcoQuartier.

La démarche ÉcoQuartier accompagne la conception, la fabrique et la gestion durable des quartiers depuis plus de 10 ans. Depuis peu la démarche s'est renouvelée autour d’une offre de service et d’accompagnement des porteurs de projets enrichie. Cet accompagnement des "ÉcoProjet" s’adresse à toutes les collectivités qui s’engagent dans la démarche et prioritairement à celles qui sont peu outillées en ingénierie. 

Le statut d'ÉcoProjet ouvre droit :

  • à un accompagnement en ingénierie : accompagnement « sur mesure » du Cerema, Atelier des Territoires Flash de la DGALN, Ateliers locaux sur la résilience de France Ville Durable, Atelier Hors les Murs de la FPNRF, etc. ;
  • à des formations gratuites et à des outils, notamment d'aide à la décision et d'autoévaluation (guide de l'aménagement durable numérique, méthode « Quartier Energie Carbone », etc.) ;
  • à un recours facilité à certains financements, notamment ceux répertoriés sur l'application Aides Territoires.
Guide Ecoquartier
Extrait du Guide de l'aménagement durable

Un guide de l’aménagement durable accessible à tous les porteurs de projets d’aménagement a été mis à jour pour répondre aux nouvelles priorités des politiques publiques dont l’objectif de "zéro artificialisation nette des sols" de la loi Climat Résilience, la "réglementation RE 2020", les évolutions de la loi Solidarités et Renouvellement Urbain.

20 indicateurs de performance servent de guide pour obtenir la labellisation. Parmi ces indicateurs, 7 sont réunis pour encourager les porteurs de projet à la sobriété dans la consommation des ressources naturelles et de l’énergie. Le calcul de la part des bâtiments intégrant des matériaux biosourcés fait partie de cet ensemble.

Une médiathèque en terre crue

Après le déjeuner, la terre crue est restée au cœur de la seconde visite sur le chantier de la médiathèque de la ville de Trignac.

Bruno BELENFANT, l'architecte du projet et Corentin MOURAUD ont expliqué les choix techniques qui ont été faits sur ce projet.

Bruno BELENFANT dans la partie rénovée de la médiathèque - ©-Cerema

La future Médiathèque de Trignac prend place dans un projet de rénovation et extension des anciens logements des forges de Trignac. 

L’extension de cet immeuble de 700 m² au total, où seront disposées les salles de prêt et de consultation, repose sur le recours aux matériaux biosourcés, « jusqu’à la toiture en tuiles de bois ». Les charpentes murales en bois sont comblées par des murs «en terre allégée, mélange d’argile et de chanvre, nécessitant peu de transformations». 

La partie rénovée est isolée par l'intérieur avec ce mélange de terre allégée, en isolation complémentaire des murs en pierre. La terre est utilisée à l'état liquide puis mélangée au chanvre et enfin banchée sur une épaisseur de 20 cm (et 12 cm pour les murs de refend). L'ensemble fait 10cm une fois comprimé. Un mois de séchage est nécessaire avant de pouvoir mettre en œuvre un enduit terre-chanvre ou terre-paille sur une épaisseur de 2cm. Cet enduit assure la rigidité et la solidité de l'ouvrage. Une finition en terre apporte l'aspect décoratif.

terre crue
A gauche, isolation intérieure d'un mur existant - à droite, remplissage d'une ossature bois dans l'extension - ©-Cerema

Le terre-chanvre est un matériau naturel qui est une déclinaison de la terre allégée. C’est un mélange de terre fine argileuse et de chènevotte, la partie ligneuse du chanvre. Le chanvre utilisé ici est un chanvre dit "paysan", non nettoyé de sa filasse, comme ce qui est généralement le cas pour un mortier de chanvre (mélange chaux-chanvre). La présence de la filasse permet de lier plus facilement la matière terre à la chènevotte. 

L'absence d'excavation suffisante sur ce chantier et des terres présentant de la pollution n'ont pas permis d'apporter la matière première "terre" nécessaire aux travaux d'isolation. Les terres polluées ne peuvent être utilisées pour la construction ou la rénovation d'un bâtiment. Un sourcing des chantiers en cours sur Saint-Nazaire a permis de trouver celui qui pourrait apporter 70m3 nécessaires de terre. La ressource est alors gratuite, elle est déposée sur chantier plutôt que considéré comme un déchet devant trouver un exutoire en carrière.

 

Un restaurant scolaire en bois et paille

Pour la troisième visite de la journée, nous nous sommes rendus à Saint-Nazaire pour découvrir un restaurant scolaire en structure bois et isolation paille.

paille
Restaurant scolaire en bois et paille - ©-Cerema

Stéphane GEFFARD, responsable du service de maîtrise d’œuvre interne à la Direction du patrimoine immobilier a présenté ce projet de rénovation et extension du restaurant scolaire Pierre et Marie Curie réalisé en maîtrise d’œuvre interne au sein des services de la Ville de Saint-Nazaire. 

Le parti pris a été celui de réaliser un bâtiment de 528m² à ossature bois avec remplissage paille. Une équipe au sein de la maîtrise d’œuvre interne a suivi la formation "Propaille". D'une durée de 5 jours, cette formation est obligatoire pour les concepteurs et l'équipe de mise en œuvre afin que le chantier soit reconnu en technique courante. 

Le nouveau bâtiment est constitué de 3 volumes :

  • Une liaison avec l’existant bardée de bois. 
  • Un volume couvert de zinc abritant la cuisine et le hall d’accueil.
  • Un volume en ossature bois finition enduit chaux pour la restauration. 

La maîtrise d'ouvrage n'a pas fait de marché spécifique pour acheter la paille. Le marché public passé par la ville de Saint-Nazaire exigeait un lot unique pour la charpente et l'isolation. Le charpentier retenu a montré des références de chantiers similaires. Il avait son propre circuit d'approvisionnement et il a réalisé les caisson en préfabrication dans ses locaux de Clisson. 

Le chantier s'est déroulé pendant la période de la crise d'approvisionnement des matériaux. Des retards dans la livraison des bacs aciers n'ont pas permis de faire un clos-couvert dés la mise en œuvre de la paille. Celle-ci a donc "pris l'eau" à plusieurs reprises mais les tests d'hygrométrie réalisés ont montré qu'il n'était pas nécessaire de changer les bottes. Les caissons de paille ont été ouverts pour qu'elle respire et ne pourrisse pas. Elle a donc naturellement séchée.

Le bâtiment est livré depuis septembre 2022. Le retour des usagers est très bon sur le confort qu'ils ressentent dans ce bâtiment, tant l'été que l'hiver. Entre 2022 et 2023 le groupe scolaire a connu une augmentation de sa surface chauffée de 500 m² avec un ratio sur l’ensemble des bâtiments qui est passé de 84 kw/m² à 56kw/m². Les informations délivrées par la chaudière montre que pendant l'hiver, dans les deux bâtiments sur lesquels aucun travaux n'a été mené, la chaudière se relance 4 fois pour atteindre la température de consigne basse, la restauration scolaire ne sollicite la chaudière qu'une fois le matin mais pour atteindre la température de consigne haute (18,5°).