28 juin 2024
Route endommagée par le ruissellement dans le Gard
Mairie de Sainte-Anastasie (Gard)
Le Cerema a mené une étude visant à développer une méthode d’évaluation ex-ante des dommages directs causés aux routes par les inondations par débordement de cours d’eau.
Cette étude a été réalisée à la demande de la Direction Générale de la Prévention des Risques (DGPR) dans le cadre des travaux du groupe de travail "Analyse Multicritères Inondations" (GT AMC) piloté par le Commissariat Général au Développement Durable (CGDD).

Ce groupe de travail, qui a développé la méthodologie nationale d’évaluation socio-économique des projets de prévention des inondations [1], est chargé d’améliorer cette dernière notamment en développant les connaissances sur les dommages causés par les inondations

La méthode proposée par le Cerema doit encore faire l’objet de tests sur des sites expérimentaux dans le cadre du GT AMC avant que son utilisation ne soit éventuellement recommandée dans la méthodologie nationale.

 

Choix de la méthode de modélisation des dommages

Route endommagée par une inondation - Crédit : Mairie de Sainte-Anastasie (Gard)

Les recherches bibliographiques préalables n’ayant pas permis d’identifier une méthode d’évaluation des dommages aux routes "clé en main" ou reproductible, il était envisagé dans un premier temps d’adopter la même approche générale "à dire d’experts" que celle appliquée par le GT AMC pour élaborer les fonctions de dommages aux autres types d’enjeux (logements, activités économiques…).

Toutefois, les entretiens réalisés auprès des services de gestion et d’entretien des infrastructures de différents conseils départementaux ne nous ont pas permis d’identifier des "experts" à même de nous apporter des éléments sur les liens entre l’intensité de l’inondation (hauteur d’eau, vitesse du courant…) et l’endommagement des routes (informations non capitalisées, turn-over dans les services depuis l’évènement…).

Certains gestionnaires nous ayant transmis des données relatives aux désordres relevés sur leur réseau routier suite à des inondations (nom de la route, points de repère (PR) de début et de fin du tronçon endommagé, nature de l’intervention/des dégradations, montant des travaux de remise en état), nous avons donc choisi d’orienter notre méthodologie vers de l’exploitation de données de sinistres

 

Traitement des données de sinistres

Mise en forme et exploitation des données brutes

L’exploitation des données de sinistres brutes nous a permis de constituer une typologie de dommages en fonction de la partie de l’infrastructure touchée (chaussée, talus, accotement) et du niveau de désordre subi (dépôts de boue, dégradation, destruction). 

Nous avons également pu estimer des montants de dommages linéaires (montant des travaux de remise en état / longueur du tronçon endommagé) moyens et médians globaux et pour chaque type de désordre (à considérer avec précaution du fait de la forte dispersion des données).

La comparaison des données associées à des crues de plaine avec celles relatives à des crues rapides nous a permis d’appréhender l’influence de la dynamique de la crue sur la nature des dégâts et le montant des dommages.

Toutefois, ces données de sinistres ne comportent pas de précisions sur les circonstances de survenue des dégâts (paramètres de l’inondation) et ne permettent pas de produire des fonctions de dommages dans le but d’apprécier l’influence d’une diminution de l’aléa (baisse du niveau d’eau). Il a donc été décidé d’essayer de les définir en croisant, sous système d'information géographique, les modélisations hydrauliques de l’évènement concerné avec les tronçons de route endommagés.

 

Exploitation des données spatiales

 Crédit : Mairie de Sainte-Anastasie (Gard)

Un travail géomatique a ainsi été mené sur les évènements d’inondations pour lesquels il nous a été possible de recueillir à la fois des données de dommages et des données d’aléa assez fines de l’évènement correspondant pour pouvoir réaliser et exploiter les croisements "tronçons endommagés / aléa" : les inondations de 2010 dans le département du Var et celles de 2018 dans l’Aude.
Les diverses analyses réalisées indépendamment sur les données relatives à chaque évènement ne nous ont pas permis de mettre en évidence de façon concordante des liens significatifs entre les différents types de dommages et les paramètres d’intensité de l’aléa.

Aussi, nous avons fait le choix de traiter de façon plus globale les données (tous types de dégâts confondus) dans le but de pouvoir proposer malgré tout une méthode d’évaluation simple des dommages aux routes causés par les inondations.

Les traitements réalisés montrent que 20 % des surfaces de routes situées en zone inondée sont effectivement endommagées pour des vitesses faibles à modérées (< 1 m/s) et 30 % pour des vitesses fortes (≥ 1 m/s). 

Les coûts moyens de dommages (arrondis), tous types de dégâts et toutes vitesses confondues, estimés à partir des tronçons endommagés situés en zone inondée s’élèvent à :

  • 12€/m² pour la classe de hauteur d’eau 0-0,5 m ;
  • 15€/m² pour la classe de hauteur d’eau 0,5-1 m ;
  • 41€/m² pour la classe de hauteur d’eau supérieure à 1 m.

En combinant ces informations, c’est-à-dire en appliquant les ratios d’endommagement aux montants des dommages surfaciques, nous obtenons les deux fonctions de dommages suivantes :
 

Classe de hauteur d'eau0 - 0,50,5 - 1Plus de 1
Dommages (€2023/m²) pour vitesse < 1m/s2,363,038,28
Dommages (€2023/m²) pour vitesse >= 1m/s3,544,5412,41

La méthode d’évaluation des dommages proposée consiste à appliquer ces fonctions de dommages surfaciques aux tronçons de route du périmètre d’étude situés dans la zone inondable, après calcul de leur surface et attribution de la hauteur et de la vitesse maximales relevées dans les 15 m autour du tronçon.

Pour réaliser ce travail, il est recommandé d’utiliser la BD Topo de l’IGN (classe TRONCON_DE_ROUTE) qui représente géométriquement les routes, et comporte la largeur de celles-ci.
 

Limites et perspectives d’amélioration 

L’échantillon des données exploitées dans le cadre de notre étude est relativement faible et ne concerne que des routes départementales. De plus, ces dernières ont été recueillies à des fins spécifiques selon des méthodes qui ne sont pas adaptées à l’élaboration de fonctions de dommages (relevés peu précis, globalisation sur de longs linéaires, absence de quantification des zones touchées…). Il serait utile, lors d’évènements à venir, de relever précisément les dégâts aux routes, selon une méthode à définir, permettant l’amélioration des fonctions de dommages.

D’autre part, il apparaît que nombre d’observations de dégâts interviennent en dehors de la zone identifiée comme inondée, même lorsque cette identification a fait l’objet d’un travail particulièrement détaillé.

Cela signifie probablement que d’autres phénomènes, tels que le ruissellement, entrent en jeu. Ce phénomène peut aussi se produire dans la zone inondée par de grands cours d’eau (des ruissellements peuvent par exemple intervenir en début d’évènement si les pluies sont centrées sur la zone étudiée) et causer des dommages non attribuables au débordement de cours d'eau. Le lien entre ruissellement et dégâts aux routes reste largement méconnu et mériterait d’être exploré.

 

Le rapport est sur CeremaDoc :

 


[1] Analyse multicritère des projets de prévention des inondations, Guide méthodologique 2018, CGDD, mars 2018.